J’avoue, initialement, ce concert de Puscifer, on y allait pour voir le mythique Maynard James Keenan, le frontman ne pouvait être ignoré tant il se fait rare dans nos contrées. Et si le côté side-project redneck de cette entité musicale a laissé sceptique plus d’un fan de Tool, les écoutes successives de l’album « Money Shot » pour le concert avaient enclenché un petit déclic. Et puis disons-le, aller voir MJK pour moitié moins cher qu’un passage annulé au Grand Rex dans la capitale française, ça, c’est un vrai plaisir de provincial. Pour le coup, on a décidé de vous livrer, non pas UN, mais DEUX live reports signés Ross et T-Bow (dans cet ordre).
Les superstars du catch
Quand Maynard est en concert, c’est toujours organisé selon ses règles et on est vite mis à l’aise ; « Non monsieur, le photopass, faut le coller tout de suite sur vous, sinon vous ne pourrez pas rentrer, c’est très strict ce soir. » Et pour les photos, « ce sont les deux premières chansons seulement et pas trois ». La première partie de Puscifer ? Luchafer, une troupe de catcheurs façon lucha libre qui chauffent la salle dès 20h, ring sur scène. Étrange. Mais hé ! C’est Maynard. 20h30 pétantes, le Major Douchebag apparait sur les écrans disposés de part et d’autre de la scène annonçant de le début des hostilités sur le titre « Simultaneous » et son intro mystique de 4 minutes avant qu’enfin, le frontman n’apparaisse sur scène. Enfin. Apparaisse. Un bien grand mot. Caché derrière son énorme micro en arrière du ring, dans le noir, équipé d’un masque noir, Maynard est là où l’on pouvait s’y attendre. Présent de son incroyable charisme mais le plus à l’écart possible des lumières. Et si le frontman fera l’effort de passer quelques fois devant le ring durant ce concert découpé en 4 actes sur fond de scénographie luttesque, c’est bien en Monsieur Modeste qu’il essaiera au maximum de se positionner. C’est d’ailleurs, le batteur Jeff Friedl (A Perfect Circle, Ashes Divide, Devo ou encore Filter) qui occupe la place centrale scénique. Une formation en live importante, Maynard ne voyage pas seul, au-delà des 5 catcheurs, il est accompagné de Carina Round au chant, véritable alter-ego scénique mais aussi Mat Mitchell à la guitare (mais aussi en tant qu’ingé son, producteur,…) ou encore Paul Barker de Ministry à la basse.
Sors tes trips
On a donc beau savoir que le frontman n’est pas Batman, on veut voir Bruce Wayne/Maynard qui restera dans son rôle de bout en bout, assurant de son incroyable maitrise un show millimétré. Jusqu’à l’interdiction des portables et une chasse aux photographes amateurs que je n’avais pas vu depuis un concert de A Perfect Circle.
Et si le concert de ce soir fera la part belle au dernier disque en date de Puscifer (qui est tout bonnement excellent), le groupe ne fait pas qu’enchainer les titres, non, le concert est entrecoupé de mini-combats (4 pour chaque « acte » sur soir) où la troupe musicale prend place dans des tribunes installées sur les côtés de la scène (voire organise un combat de coqs empaillés). Toujours surprenant. Et si on pourrait souligner la très bonne interprétation de tel ou tel titre live, difficile de ne pas citer certains temps forts comme le titre « Grand Canyon » et sa vidéo contemplative résonnant plus encore avec les mots de MJK. Enfin de Carina : « One among infinity, Witnessing the majesty, Calm in this humility, Witnessing the majesty ». Bordel, c’était bandant. Et pour avoir pas mal zieuté le public et ainsi sonder ses impressions, pas mal de monde semble avoir pris son pied. Il suffit de voir ce pont a cappella relayé aussi sec par une partie quasi toute électro et une outro cathartique faisant défiler sur l’écran géant les décors désertiques de l’ouest américain. Le panard, on vous dit.
Petit bémol sur l’acte 4 qui commençait très fort avec « Telling Ghosts » (et son fiévreux refrain « The more you take, the more you need , The more you suck, the more you bleed… ») ou encore « Conditions Of My Parole » qui sonne le retour de Major Douchebag sur l’écran géant alors que des putains de drogués lui ont volé son climatiseur, très gros point sur ce titre qui révèle ses muscles en live avec la batterie quasi martiale de Friedl tandis que Maynard, enroulé dans les cordes du ring, se lance dans une chorégraphie toute en équilibre, pieds décollés du sol, mégaphone à la main « help me outta this », malheureusement, ce ne sera pas tout à fait le cas mais soit ! 1h 30 de concert ultra carrés, un Maynard et sa troupe qui viennent saluer la salle et le sentiment d’avoir encore assisté à une très bonne performance d’un frontman décidément insaisissable (en photo). Dès lors, on se dit que l’on a vraiment sous-estimé ce side-project en raison de premiers albums peut être en retrait et un délire difficilement saisissable de prime abord, pourtant le résultat est là. Une grosse claque et un album qui tournait en boucle et qui a continué de tourner en boucle.
En plus, ce qui et bien avec l’Ancienne Belgique, c’est qu’à côté, il y a Frit’land. Du coup, on a cherché à voir si Maynard aurait faim après un tel concert mais personne ne l’y a vu. Dommage pour lui. Rien de telle qu’une mitraillette comme les belges en ont le secret. Oui, une mitraillette, c’est ce truc tout gras en photo qui achève de la plus belle des manières tout concert bruxellois.
Vu le nombre de fans avec un t-shirt de Tool ce dimanche 12 Juin à l’Ancienne Belgique, on peut raisonnablement se demander combien sont là pour voir religieusement leur frontman favori et combien sont là pour réellement admirer Pusicfer en live. Après une rencontre digitalo-faciale touchante avec un mec perché, on a pu se délecter du show de lucha libre en guise de 1ère partie. Après toutes ces années à mâter Wrestlemania et se faire des Royal Rumble à 4 sur PS2 (putain mais comment il se branche déjà le quadrupleur ?!), l’événement est remarquable et le spectacle apprécié à sa juste valeur : de belles prouesses techniques, certes avec moins d’enjeu qu’un combat de ju-jitsu brésilien, mais le petit gringalet déguisé en Spiderman/Venom en a bien mis plein la tête des gros bras, et les nanas, surtout la brune, avaient des formes qui ne comptaient pas pour des prunes.
Bref, arrive le moment tant attendu, le sacro-saint Maynard et sa bande débarquent pour faire valoir ce « Money Shot » qui aura la part belle et qui le mérite bien d’ailleurs. Car pour autant le 1er album avait vite découragé le fan que je suis du bonhomme, autant la perspective de voir Puscifer en live m’avait quand même forcé à redonner une chance à la formation avec ce dernier album dont j’ai eu du mal à me défaire. Moins complexé pour mettre son côté rock en avant, avec une basse bien ronde et sexy sans rappeler A Perfect Circle et des envolées lyrico-mystiques à la Tool. On est indéniablement plus en terrain connu qu’avec « V Is For Vagina« .
Et donc alors que je me fraye un chemin vers le devant de la scène, je me retrouve stoppé par un petit teigneux qui refuse de céder un pouce de terrain, grand bien lui en a fait puisque son mètre cinquante les bras levé m’offre un point de vue sympa sur Maynard… enfin un mec de sa corpulence en costard avec un masque de lucha libre couvrant tout son visage, son postiche mohawk fétiche, une paire de lunettes sans aucun spot braqué sur lui et avec la voix de Maynard donc. Visuellement, le concert va crescendo. Hormis la circulation du duo mixte vocal Maynard/Carina Round du ring au devant de la scène pour retourner sur le ring et ainsi de suite le long des 4 différents actes, les images projetées sur l’arrière de la scène, timides au début, gagnent en puissance et finissent par recouvrir l’entièreté de l’espace.
Grosse baffe visuelle avec les images du « Grand Canyon » mais aussi gros délire avec des animations de films de science fiction made in Puscifer : ses OVNIs en carton pâte ainsi que ses héroïnes aux super pouvoirs kitchissimes, ou encore a-t-on droit à de l’hypnotiquement dérangeant avec la tronche de Maynard affublé d’un masque de lucha libre Puscifer et dupliqué ainsi jusqu’au kitch absolu. Les figurations des lutteurs sur la côté de la scène ou sur le ring au moment des entractes et changements d’actes aident à entretenir le côté bien décalé de la prestation, en plus d’assurer un service d’ordre anti-slam supplémentaire. Il eut été amusant qu’ils se chargent également de pourchasser les téléphones portables à coup de german supplex et autres marteaux pilons.
Au niveau sonore, le show est à l’image du dernier album en date, des titres majoritairement captivant ou qui possèdent au moins un moment catchy et attendu, et puis des titres moins inspirés ou inspirant, un peu mollassons si t’es pas dans le mood et qui font retomber quelque peu l’excitation générale. Pourtant on y trouve son compte et l’alchimie entre moments trippant sur « Galileo » (« Spirit is fire, feed on the senseless ending » entêtant), à la limite de la grâce avec « Agostina » (« Infinity has many faces, I see them all tonight in youuuuuuu« ) d’autres plus rentre dedans/rock comme le titre éponyme « Money Shot« , des titres martelés, tout en tension « Breathe » du dernier EP, « Telling Ghost« , les petites surprises « Rev 22:20 » (BO d’Underworld) laissé uniquement à la douce voix de Carina (faudrait pas non plus trop se mettre en avant sur LE single du groupe) et puis cette ironie toute Maynardienne comme sur « The Remedy » : « You speak like someone who has never been smacked in the fuckin’ mouth, that’s okay we have the remedy » où tu imagines volontiers un Trump en face de toi.
Ce gros WTF de show n’aura que son antagonisme à la fin avec la présentation très consensuelle du groupe et qui verra enfin Maynard communiquer directement quoique modestement avec le public. On l’aura connu plus loquace voire blagueur pour un mec relativement sur la réserve mais ma foi, ça restera une soirée avec Maynard qui, même s’il a fait l’impasse sur la mitraillette, aura régalé son public ce soir.