Le quatrième et dernier album en date de BEAK> revet une saveur particulière : son grand manitou, Geoff Barrow ayant révélé le 28 mai dernier l’annonce de la sortie du disque le jour J ainsi qu’une tournée et son futur départ du trio. Trop d’informations, trop d’émotions, il fallait donc que nous vivions leur dernière virée parisienne à l’Elysée Montmartre.
En guise d’ouvreur, Litronix qui a eu les honneurs de réchauffer une salle déjà bien remplie lorsque sonne 19h45. Dans une configuration minimaliste mélangeant guitare, claviers et un affichage à messages, on se prend au jeu de ce one man-show bizarre mais attachant. Originaire de Los Angeles et scruté de la console par le tonton Geoff, ce projet se définit lui-même comme étant avant-garde. Le résultat comme ce single ‘Stepping Up‘ est un condensé de pop, d’électro et de what the fuck nous rappelant par moments l’excentrisme des projets de Joe Haege via 31 Knots et White Wine. Pour nous, c’est un immense compliment mais on ne sait pas encore si ce projet connaîtra la même trajectoire.
Le bec cloué.
20h45, et les trois as du krautrock débarquent avec leur bonhomie habituelle. Le plan de jeu semble simple mais peut parfois virer au numéro d’équilibriste : un bassiste assis, un claviériste toujours prêt à attraper une guitare, et le leader combinant batterie et chant. Surprise de cette tournée : en fond de scène, un quatrième membre masqué, arborant une tête de chien, apparaît. Un clin d’œil pour ceux qui ont déjà vu un concert de Fat Dog. Le set commence avec BEAK>>>> joué dans son intégralité : 51 minutes et 9 titres compacts, dont la compression tend parfois à enfermer la transe habituelle des compositions du groupe. Pourtant, dès les premières notes de ‘Strawberry Line’, toutes les inquiétudes sur la longueur du set s’évanouissent. L’incarnation live, la précision des musiciens et l’acoustique de la salle offrent à l’album le supplément d’âme qui pouvait lui manquer, et il devient vite évident que la soirée sera un délice.
Jamais avare de blagues et d’autodérision, le groupe invite le public à aller se resservir au bar le temps que les nouveaux titres défilent, en plaisantant qu’ils reviendront pour les morceaux phares. Une remarque que l’on aurait pu mettre en pratique, mais l’intensité de l’expérience live du disque rendait cela impossible. Aussi minimaliste qu’hypnotique, le jeu de lumières en toutes lettres bouclait l’expérience lorsqu’on décidait de laisser filer notre regard.
Le public, bien que statique, reste captivé et attentif. Avant le début du set, certains regrettaient peut-être d’avoir choisi ce concert plutôt que Fontaines D.C. au Zénith, mais après quelques morceaux, plus personne ne semblait vouloir être à la Villette. La sensation d’assister à un groupe en pleine forme, avec un son massif, notamment lors de la déflagration de basse de ‘Wulfstan II’, et la file interminable au stand de merch sont autant de signes d’un concert réussi. Bien que la cheville récalcitrante du batteur ait provoqué cette séparation après 15 ans d’existence, elle n’a pas gêné cet au revoir est de toute beauté.
C’est Geoff Barrow, toujours lui, qui remercie le public et la salle, chargée de valeur émotionnelle pour lui, puisque c’est à l’Élysée Montmartre que Portishead avait donné son premier concert parisien, le 11 avril 1995. On ne sait pas si le retour de Beth Gibbons en solo cette année donnera une reformation du duo en 2025 mais on peut dire que BEAK>, c’était magnifique.