Quatre ans semble être une période de gestation idéale pour Interpol. A peine le temps qu’ils avaient pris pour sortir El Pintor. Des années bien remplies avec une tournée mondiale pour accompagner leur dernier disque, puis une tournée commémorative sold out pour les quinze ans de Turn On The Bright Lights. Autant d’indicateurs qui nous ont permis de juger que le groupe était en pleine possession de ses moyens avec une envie retrouvée, un succès étonnamment présent malgré le poids des années et d’autres qualités dont Marauder est pétri.
Reprendre les bases…
»If You Really Love Nothing » ne laisse pas le temps de s’installer en nous prenant à la gorge avec un rythme pétaradant et une élégance dans l’arrivée de son refrain que l’on se prête à n’associer qu’aux hommes bien sapés de New-York. ‘’The Rover’’ est le single immédiat, sûrement le titre le plus efficace depuis Antics il est difficile de ne pas y succomber : on peut déjà parier qu’il aide à choper de nouveaux fans ou du moins à les considérer à nouveau.
Onze ans qu’Interpol ne s’était pas offert les services d’un producteur avec Dave Friddman. Connu pour avoir déjà travaillé avec Spoon, Tame Impala et MGMT, est-il responsable de l’ouverture des chakras ? Dans l’intervalle, Paul Banks se dévoile et décide enfin de piocher dans ses propres expériences. Il n’a jamais été avare en interprétation et n’a pas pour habitude non plus de conter le bottin mais il y a un supplément d’âme et plus de modulations dans sa voix. Infidélité, désir, colère, retour lucide sur son passé , il semble être prêt à s’exprimer et emporte le disque a son rythme.
Pour la musique, le mix met fortement en avant une batterie qui se montre toujours aussi vive. Sam Fogarino est connu pour taper fort et vite et le mixage nous le rappelle avec un enregistrement effectué en analogique. Les guitares mélodiques de Daniel Kessler compensent le manque de groove de certaines lignes de basse et l’ensemble tient la baraque le long des 13 titres. En évoquant les grandes heures des deux premiers disques sur ‘’Complications’’ et l’indispensable ‘’Flight of Fancy’’, en étant fougueux et implacablement élégant sur ‘’Stay In Touch’’ ou carrément agressif sur ‘’Mountain Child’’. Les morceaux déroulent et s’enchaînent avec une belle cohérence même si ça ronronne déjà plus sur ‘’NYSMAW’’ ou ‘’Party’s Over’’. Rien n’entache l’impression générale positive et surtout quand le disque se termine avec la très belle »It Probably Matters’’.
et repartir de plus belle.
Contrairement à ce que peut penser la critique, à mon humble avis, Interpol était bien loin du creux de la vague. El Pintor était déjà un bon album et le temps n’a pas rendu moins belles les perles que sont »Same Town, New Story », »My Desire » ou »All The Rage Back Home ». Mais l’ensemble est d’un bloc et manquait sûrement de souffle et d’inspiration sur la longueur avec une production et des compos très rentre-dedans. Marauder lui est supérieur car il ne connaît pas de trou d’air. Maintenant que le trio s’est rassuré sur sa capacité à créer, à se renouveler et à fédérer, ce sixième album est celui où ils prouvent qu’ils peuvent tabasser et se donner la place pour construire des ambiances et laisser les morceaux prendre de l’ampleur.
Qui aurait pu parier que les plus discrets de 2001 seraient les plus fringants en 2018 ? Loin devant la pause des Yeah Yeah Yeah’s ou la perdition des Strokes, Interpol s’est retrouvé et peut fièrement défendre son sixième disque. Avec joie, nous les retrouverons salle Pleyel le 29 novembre à Paris et le 28 au Forest National de Bruxelles.