Icônes d’une bouillante scène rock alternative US des années 90, les Smashing Pumpkins continuent leur bonhomme de chemin, toujours sous la houlette de leur incontournable frontman, Billy devenu William Patrick Corgan. Contre vents et marées, réintégration ou défection de membres originels. Le frontman n’a jamais été tendre et ce n’est pas à 53 ans qu’il va commencer à se laisser chatouiller le sac à boules comme le dit si bien Benjamin Tranié. Toujours aussi ambitieux, surtout avec le retour acté de James Iha depuis 2018 et l’album et son pompeux titre « Shiny and Oh So Bright, Vol. 1 / LP: No Past. No Future. No Sun. » qui ne contenait que 8 titres, quand « Cyr » au titre plus court comporte lui, une vingtaine de compositions !
He never needed anyone, no.
Billy Corgan n’a jamais été et ne sera jamais là où l’on attend. « Adore » aura été le contre-pied sans ménagement du gargantuesque « Mellon Collie » quand le disque pop de Zwan succédait au style baroque de « Machina ». Prouvant par la même occasion qu’il n’avait jamais cherché à s’enfermer dans un style précis, quoi qu’en pensaient les fans de la première heure. Le frontman a toujours démontré une véritable capacité à passer d’un registre à l’autre. Parfois d’un album à l’autre, parfois d’une chanson à une autre (à nouveau l’éclectisme fou d’un « Mellon Collie » ou de « Machina » qui constituaient de vrais voyages musicaux). Avec « Cyr », Corgan renoue avec une ambition toujours aussi démesurée ! Proposer un nouveau double album des Smashing Pumpkins tout en annonçant, déjà, un prochain double album, opéra rock assumé et suite de « MCIS » et « Machina » (encore). « Cyr » n’hésite donc pas et déroule, voire déroute ! Fan assumé de cold wave, Corgan a souvent cité New Order, Depeche Mode ou encore The Cure, avec lesquels il aura tout ou en partie collaboré. Le voir donc délaisser les grosses guitares et hymnes rock pour les claviers n’est pas chose si étonnante.
De toute façon, vouloir dire au frontman quoi faire reviendrait à vouloir convaincre ce sale gamin de Kim Jong-Un d’arrêter ses essais nucléaires ! Et si les arrangements surprennent lors des premières écoutes, on en retient quand même certaines choses, l’oreille finissant par s’habituer à des « The Colour Of Love », « Cyr », tous dotés de chœurs assez nouveaux dans l’univers du groupe (assurés par Katie Cole et Sierra Swan). On retrouve certains riffs plus gras comme sur « Wyttch » mais l’album cultive aussi un côté très pop (l’excellente « Starrcraft ») voire très 80’s (« The Hidden Sun »). Oui mais voilà, Corgan exaspère même quand il sort de très bonnes petites choses comme l’enthousiasmant « Anno Satana » y clamant « I never needed anyone, no ».
« This isn’t a democracy anymore. »
Et c’est bien là le problème du leader qui aurait toute sa place au sein du parti rouge ! Certes, les Smashing Pumpkins n’ont jamais vraiment été une démocratie. Quand un musicien n’entre plus dans le cadre, on le sort, quitte à relancer le groupe quasi en solo. Quand un fan n’achète pas un album, c’est qu’il n’a pas compris l’album. Les commentaires de fans doivent tous correspondre à la propagande de William digne du film Lego, « Everything is awesome » ! Corgan n’hésitant pas à invoquer sa propre mythologie tel le héros de la nation musique. Un obscur concept mise en place du temps de MCIS et Machina(s) s’appuyant sur des personnages comme Zero ou encore Glass (qui ne sont au final que des ersatz de Billy Corgan dans le cirque médiatique de la musique moderne). Une histoire censée se poursuivre sur « Cyr » (comme le retour du dessin animé initié en 2000 sur « Machina ») et qui se veut la suite de « Oh Shiny vol.1 » mais sans qu’à aucun moment le terme « Volume 2 » ne soit imprimé où que ce soit ! On n’avait pas vu aussi compliqué depuis la série « Dark » de Netflix !
De fait, cette profusion de références échappera à la majorité et alimente un propos de plus en plus confus ! On se souviendra de la volonté de Corgan de sortir 44 titres semaine après semaine avec « Teargarden by Kaleidyscope » pour n’en sortir que 10, devant le désintérêt total du public. Car il est difficile de ne pas ressentir une véritable monotonie sonore sur la longueur, que ce soit dans son rythme général, et son côté copié/collé de titre en titre, dans sa cadence de chant, ses chœurs, ses rythmes et ses structures.
Quid de Jimmy Chamberlin ? Que l’on a mis en mode « Adore » (soit il est en mode automatique, soit c’est une boite à rythmes) ? Quid de James Iha ? Puisque les guitares sont là aussi, mais bien souvent très, trop, sages. Il faut donc clairement trier, persévérer mais « Cyr » est l’exemple typique d’un Corgan qui ne veut plus s’entendre dire non, tout obnubilé qu’il est à faire sa propre introspection. Tout en exigeant de son public une acceptation totale et sans conditions. Une reddition voulue par le leader en chef et qui ne doit souffrir d’aucune défection sous peine d’être considéré comme faux fan. Quitte à jouer tous les rôles ! Du frontman à celui de directeur artistique (Linda Strawberry lol) en passant par le rôle de seul producteur et même relations presse, en utilisant des termes tels que « fake news » et « déformation de mes propos »…
« Cyr » est le fruit d’un propos artistique courageux, ne pas vouloir transiger. Mais on le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions et je doute que ce onzième album soit un album qui marquera son temps et les amateurs du groupe. La longueur de celui-ci l’oriente quasiment aux seuls fans hardcore du groupe. Pas sûr que le public, de façon générale, suive ! Surtout quand en 2018, le groupe ratait ses ventes pour une tournée de grosses salles aux US, surestimant (à priori) sa force de frappe. Ce n’est donc probablement pas un hasard si William annonçait il y a peu une tournée anniversaire pour les 25 ans de Mellon Collie avec la sortie de ce dernier album. Annonce que l’on mettra en perspective pour un musicien qui a toujours éprouvé un certain dédain pour les fans réclamant, lors des concerts, les hits du groupe.