Qu’est-ce que vous foutiez à 17 ans ? Vous passiez fort probablement votre temps à maudire professeurs et parents en fumant vos premiers pétards, avec votre sac à dos décoré au blanco et vos mouchoirs durcis éparpillés sous le lit. Les frères D’Addario, 17 et 19 ans, viennent de sortir un premier album chez 4AD et de tourner un peu partout dans le monde. Et je ne parle pas de cette catégorie de jeunes stars à la Hanson ou un quelconque boys band, qui finira aussi vite en centre de désintox que sur le devant de la scène. Non, je parle de deux auteurs-compositeurs, multi-instrumentistes, biberonnés par leur père artiste aux McCartney, Wilson et consorts ; qui viennent de sortir le bijou pop de cette année 2016. The Lemon Twigs, donc.
Le meilleur des 60s et 70s
Bien sûr, difficile de ne pas saisir toutes les influences du duo sur les 3/4 d’heure que compte leur « Do Hollywood ». The Beatles, The Beach Boys, David Bowie, The Kinks, pour les plus évidents. Mais ils ont aussi chopé le lyrisme foufou à Sparks ou Queen, un peu de glam rock, parmi de nombreuses autres choses.
Difficile par exemple de ne pas penser aux Beatles sur le morceau introductif « I Wanna Prove To You », qui renvoie également aux Beach Boys avec son lot de choeurs maîtrisés. On se surprend à penser à Elton John sur « These Words« , autre grand moment entre envolées lyriques et groove McCartnien.
En essayant de tirer le meilleur jus de ces décennies pop bénies, beaucoup se sont cassés les dents. Pas les fréros qui y insufflent énormément de fraîcheur et surtout avec un talent inouï. Une telle maîtrise instrumentale (ils ont enregistré TOUS les instruments de l’album) combinée à cette aisance dans l’écriture et la composition laissent pantois. Surtout à leur âge.
Pop aventureuse et alambiquée
Mais ce qui m’a personnellement encore plus bouleversé sur cet album, au-delà de toutes les capacités pré-citées, c’est sa folie. Qui peut actuellement sortir des chansons à tiroirs comme « I Wanna Prove To You » sans sourciller ? Comment le son de fête foraine de « Those Days Are Coming » peut sonner aussi juste en 2016 ? Y a-t-il un truc plus cool que le refrain en « dodopdoptadada » de « Baby, Baby, Baby » ? Enfin, pourquoi abusent-ils de changement de rythmes sans jamais nous ennuyer ?
La « fraîcheur » est un cliché récurrent pour qualifier tout artiste de moins de 20 ans, mais chez The Lemon Twigs c’est tellement criant qu’on ne peut passer outre. Tout sonne tellement daté mais tellement frais et juteux en même temps. Et ils sont même aussi bons quand ils descendent de leurs montagnes russes pour embrasser la sobriété d’une guitare acoustique au bord d’un feu de camp. Le piano et les choeurs de « How Lucky Am I? » humidifieront à coup sûr vos globes oculaires. Les mélodies dépouillées et gracieuses du sublime final « A Great Snake » vous foutront la chair de poule. Liste non exhaustive.
Puisque j’ai décidé de ne pas tarir d’éloge pour ces fidèles apôtres du mulet, je leur accorderai une dernière qualité : la justesse. A aucun moment on se dit « merde, là ils en font des caisses ». Ils ont réussi à ingérer tout ce que la pop a fait de mieux durant son âge d’or, l’ont bien digéré et chié de façon concise, avec leur grain d’insouciance. Peut-être que la production du leader des Foxygen les a guidés, en tout cas on n’a jamais l’impression de subir un bukkake de références mal branlées (sic).
Ils n’ont certainement pas réinventé la pop, mais les bro de The Lemon Twigs ont réussi le pari audacieux de rendre hommage à leur glorieux aînés sans sonner faux ou réchauffé. De l’audace, de la folie, mais surtout une grande maîtrise mélodique et rythmique, très impressionnante pour leur âge. Alors même si ça vous troue l’arrière-train, ravalez votre jalousie et appréciez ce que la jeunesse peut faire de plus beau.
➤ Lire aussi l’excellente chronique de PlanetGong, notamment pour en savoir plus sur le groupe.