Parfois, il est des dates que l’on ne voit pas trop venir et qui se révèle à vous en quelques instants. C’est un peu le cas avec les « inconnus » de Crows, un groupe anglais censé ouvrir pour Idles sur la tournée UK 2019, ce qui ne m’a pas semblé anodin. C’est après avoir écouté quelques rares titres et lives sur youtube que je me laissais convaincre par cette date proposée via le Grand Mix.
Noir, c’est noir…
On ne va pas se mentir, la salle est loin d’être pleine et les mecs de Bagdad Bahn, première partie du jour, ont beau donner de leur personne, la petite salle de l’Hospice Havré ne se remplira jamais. On dit souvent que les absents ont toujours tort, ce soir, Crows va encore une fois nous donner raison. Le quartet entre discrètement sur scène, imaginant qu’une partie du public était encore en train de commander une bière au bar, possible mais, ils ne vont pas se poser la question trop longtemps et entrer dans le vif du sujet. Crows, comme son nom l’indique, ce n’est pas la jouasserie incarnée, tout est aussi noir qu’un cauchemar de nihiliste, une claque rock brute et sombre qui s’incarne parfaitement dans les mouvements répétés et quasi convulsifs d’un frontman, James Cox, possédé et appuyé par un trio musical discret mais investi, Steve Goddard, Jith Amarasinghe et S. Lister qui vont, eux aussi, livrer un sans faute musical de bout en bout.
…Y a plus d’espoir !
On ne peut pas dire que le registre soit le plus catchy possible de prime abord, oscillant ostensiblement entre The Black Angels et le noise rock de Metz pour lesquels ils ouvraient à l’Aéronef il y a un moment déjà (merci David pour l’info) mais clairement, c’est un groupe dont les compositions murissent une fois passées par vos oreilles, on se surprend à fredonner un air, un couplet et ce besoin viscéral d’y revenir, encore et encore et encore… Parfois entrainantes, « Before The Devil Comes Home », parfois aux frontières de l’hymne mortuaire hypnotique d’un « Ghost Tape #10 » (« I’m a dead man’s soul, please don’t forget me »), le tout se transforme surtout en ode quasi viscérale, tant Cox, dénué d’instrument derrière lequel se se cacher, semble se retrouver en tête de ligne pour cracher ses tripes, son regard de notre société actuelle, malade de ses bizarreries.
Alors il gesticule, lève les bras, secoue la tête encore et encore, sorte de transe noire et primaire sur fond de rock sans concession. Un monde en noir et blanc donc, pour lequel je ne pouvais faire que des photos en noir et blanc, tant ce son me semblait sans compromis, féroce, intense et sombre.
Une matière noire musicale qui se laissera aller jusqu’aux spectateurs, le frontman n’hésitant pas en fin de set à descendre de son estrade pour se mêler au public et y malmener son micro, définitivement possédé par sa propre et fiévreuse bande-son. On regrette alors que le public n’ait pas répondu présent à la juste mesure du talent des british tant il eût été jubilatoire de voir Cox s’y fondre ; une union musicale pour les amener tous et dans les ténèbres les lier comme dirait l’autre.