La stupeur quand on a appris il y a désormais quelques mois que Ty Segall et son Freedom Band arpenteraient les salles de concerts avec un concept béton! Le dernier album First Taste en intégralité, et en seconde partie de concert, un des quatre albums suivants Goodbye Bread, Emotional Mugger, Melted ou Manipulator. Paris, et ses deux dates à la Cigale, se retrouve extrêmement bien lotit puisque ce seront les deux derniers cités qui seront joués. Bref résumé des deux soirées.
Premier soir donc. Occasion de découvrir First Taste live. Pas de guitares électriques, mais qu’on se le dise, Mandolines et Bouzouki électrifiés + fuzz = le Ty Segall habituel. Celui se montre d’ailleurs plutôt sérieux et appliqué, que ce soit côté corde ou à la batterie (la section rythmique est donc doublée avec Charles Moothart sur une bonne partie de l’album). Ca cogne fort, ça se répond, et « Taste » nous scotche. Les titres s’enchaînent à une vitesse folle, et sans accroc. Ni folie particulière. Mais l’intensité sur scène et la qualité des morceaux l’emportent. Dans cette formation sans guitare, on retrouve l’habituel guitariste Emmett Kelly à la basse, et Mikal Cronin alterne Koto et flûte. « Ice Plant » impressionne lorsqu’à capella, tandis « Self Esteem » et sa rythmique décalée puis le tubesque « Lone Cowboys » viennent clore une très bonne première partie de set.
Sans transition si ce n’est le temps de s’armer de la guitare, Ty embraie cash sur Melted. Un début de set finalement quelque peu gâché par des soucis techniques pour la guitare d’Emmett Kelly. Le son est peut-être un poil trop gras et brouillon, et il est difficile (même en les connaissant par coeur) de reconnaître certains débuts de chanson, mais l’énergie est folle, et le public semble enfin réagir. Ca saute dans tous les sens, et Ty Segall commence à se détendre et à sourire. On ne reviendra pas sur la qualité indéniable de Melted et de ses tubes « Finger« , « Girlfriend » ou « My Sunshine« . Le tout s’enchaîne plutôt bien au final, bien qu’un peu rapidement, et le groupe quitte la scène après une longue réinterprétation de « Block Of Ice » des Oh Sees. Un petit salut de la main et à demain.
Deuxième soir donc! on ne reviendra pas trop longuement sur First Taste, si ce n’est que Ty paraît plus détendu que la veille et qu’il nous sortira une bonne vanne, en prenant place à sa batterie, il nous sort des baguettes -de pain- les brise en deux secondes et les balance dans le public. Quel blagueur ce Ty!
Puis, place au chef-d’oeuvre de Ty : Manipulator. Sorti en 2014, il est alors le disque le plus complexe / travaillé et le mieux produit du Californien. Une machine à tubes rock de 55 minutes. Le titre éponyme met dans le bain. Les solos s’enchaînent de façon déconcertante de facilité, tout est en place, pas de problème technique, le son est incroyable et une audience qui ne s’y trompe pas en reprenant en coeur la quasi intégralité de l’album. L’enchaînement « It’s Over » / « Feel » est divin et restera comme un de mes meilleurs souvenirs de concert depuis longtemps.
Le groupe terminera en rappel par « She« , issu de Freedom’s Goblin, histoire de conclure de la façon la plus rock qui soit ces deux dates parisiennes. On signalera quand même la durée des deux soirées : 1h45 non stop deux soirs d’affilée. Balèze.
La date était noircie dans le calendrier depuis des mois, la place pour Manipulator achetée dès l’annonce de la tournée. Le souvenir de ce soir de 2014 à la Cigale, reporté avant même la V6 ce qui ne nous rajeunit pas, est encore aujourd’hui un des meilleurs concerts que j’ai pu voir : un de défouloir où The Manipulators avait remonté le temps pour faire rebondir la foule emportée dans une vague de riffs, de bières et de sueurs. Hypnotisé depuis les premières écoutes par First Taste, celui qui a envoûté mon été, les questions tapaient à la porte pour la version live : Est-ce qu’il y aura des guitares ? Comment va faire ce bon vieux Ty pour chanter et jouer de la batterie en même temps ? Les réponses n’ont pas tardé et l’album est incroyablement plaisant sur scène tandis que son interprète principal est bluffant. Déjà difficilement remis en cause par son jeu de guitares, il fout sur le cul derrière les fûts et l’alliance avec Charlie Moothart est proprement scandaleuse. Eclats de rires et hochements de tête de gauche à droite sont les premières réactions qui me sont venues, sans comprendre l’avalanche de claques dans la gueule que l’on nous assénait. Con à dire, mais seuls les frangins des Oh Sees peuvent rivaliser avec un tel mélange entre explosion et virtuosité. Bien sûr comme l’a dit Phoenix, le reste du Freedom Band n’est pas en reste et confirme encore que nous sommes devant la meilleure formation du bonhomme. Rien à ajouter sur le set Manipulator, le disque enfile les réussites comme des perles et la patate qu’il donne autant à son public qu’à son groupe met tout le monde d’accord. Cela nous a permis de ré-entendre « Feel« , snobée des tournées Freedom’s Goblin, rien que pour ça et « She » méritaient presque le titre du billet.
Une fois par an, cela pourrait sembler beaucoup mais c’est une dose qui devrait être recommandée par l’OMS pour remettre les idées en place. A voir le nombre de slams, nous ne sommes pas les seuls à le penser. Ty Segall n’est pas le frontman le plus généreux par la parole, il n’est pas dans la posture de la rockstar. Mais sous toutes ses formes (Emotional Muggers, Freedom’s Goblin, Manipulator ou First Taste), il communique par son talent et son groupe si bien casté un amour profond pour la musique. Un partage se traduisant par une communion avec le public rare dans la scène actuelle et ce sans jamais trop se répéter. Reviens quand tu veux Ty, nous saurons toujours t’accueillir.