Tough Baby est le deuxième disque du collectif Crack Cloud. Derrière leur musique, leurs pochettes et leurs clips, cette équipe soudée et sacrément créative d’une dizaine de personnes revient avec son oeuvre la plus lumineuse et variée à ce jour.
A défaut d’avoir le recul nécessaire pour juger si le COVID aura inspiré les artistes en bien, il aura eu au moins le mérite de leur laisser le temps de se retrouver et de créer. C’est l’une des raisons qu’a pu nous donner la tête pensante Zach Choy pour expliquer la diversité et le changement de style apportés par ce disque. Reconnus pour leur caractère protéiforme, Tough Baby collectionne ambiances, genres et tempos au sein d’un même album mais aussi au coeur d’un seul titre. De l’aveu du groupe, l’absence d’urgence pour sortir le projet a amené une production plus riche. Comme sur le morceau titre qui démarre par une voix féminine pour prendre rapidement de l’ampleur, intégrer des choeurs angéliques et retomber sur ses pattes on ne sait toujours pas comment. Un aperçu des facultés mélodiques d’équilibristes d’un groupe qui sait amuser à jouer avec ses compositions, quitte à les qualifier de Frankeinstein.
Porté par un univers touffu perceptible dès son premier EP mais aussi sur Pain Olympics, Crack Cloud délivre ici un projet très dense et inattendu dans la forme. Bien moins sombre ou cynique que sur son premier album, l’interprétation et le son se veulent moins agressifs. Contre-balancés par les choeurs enfantins ou féminins et beaucoup d’auto-dérision. Le tout dans un format plutôt compact qui dépasse à peine la demie-heure et où il se passe pourtant énormément de choses.
Les singles avaient donné un aperçu de leur vision de la pop, délirante et dézinguée. ‘The Politician‘ ou ‘Costly Engineered Illusion‘ vont dans ce sens et montrent l’étendue des possibles pour une bande qui continue d’expérimenter et à s’amuser tout en flirtant comme jamais avec la folk et nous faisant forcément penser au Bowie des années 70.
Tout ça cohabite avec une ambiance très cinématographique, proches dans l’esprit des films comme The Warriors ou de l’immanquable John Carpenter. De nombreuses interludes vivent par elles-mêmes et s’incrustent aussi dans les chansons. Parfois au détriment du morceau, comme sur la mutante ‘Virtuous Industry‘. A la fois l’un des morceaux les plus fonceurs et punks avec une batterie syncopée mais aussi plombées par une flopée de voix offs stoppant totalement le flow. Il faut donc un certain temps avant d’apprivoiser un disque sauvage qui sait récompenser la patience. Aucune surprise de ce côté puisque ce groupe n’a jamais été le plus accessible du quartier. Pensé ici au départ avec une série de poèmes et de démos appartenant à Danny Choy, père du chanteur et décédé d’une leucémie diagnostiqué à 29 ans. Un âge que le chanteur/batteur vient d’atteindre et qui l’a amené à voir comment avancer dans la vie sans rester figer sur les squelettes du passé.
Fun et complexe, introspectif et déglingué, ce nouvel album est encore une preuve que les Crack Cloud sont inimitables et continue de creuser leur propre univers et de jouer avec ses potentielles limites. Toujours sur le fil du rasoir et avec de vraies pépites dans la manche comme l’incroyable ‘PLEASE YOURSELF‘, la bande semble être équipée pour franchir encore un cap.
Pour en savoir plus sur le fonctionnement de Crack Cloud et sur la création de Tough Baby, c’est dans notre interview. Ceux qui ont besoin de faire connaissance avec eux peuvent se tourner vers notre podcast Circa 2010.
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