David Bowie ✖︎ Blackstar

Nous n’étions pas prêt pour un nouvel album de David Bowie après The Next Day. Nous n’étions pas prêts à sa mort non plus. Mais pour ainsi dire avec lui, nous n’étions jamais prêts. Déjà il y a 3 ans, il nous avait fait le coup du come-back surprise après des années de rumeurs funestes. Pour l’instant, Blackstar a ce drôle de goût, situé entre l’amertume, l’admiration et le désir permanent de comprendre. Comprendre ce que Bowie avait en tête de nous offrir pour son « dernier » disque, comprendre enfin ce qui pouvait se passer dans l’esprit de celui qui a quasiment toujours eu un coup d’avance.

Musique, maestro(s).

David_Bowie_-_BlackstarEncore une fois, il a soigné son œuvre. Un vingt-sixième album doté d’un nouveau groupe et qui sonne encore une fois comme l’un des disques les plus ambitieux de son époque. A 69 ans, il continuait donc de mener la danse avec un beau disque de « musiciens » où les instruments ont bien le temps de s’exprimer. A la première écoute, comme à la trentième, on sait qu’il ne nous accompagnera pas tous les jours de par sa complexité. Mais une certaine fascination pousse toujours à relancer une nouvelle session. Le sujet semble intarissable, la discographie tellement dense qu’on ne sait pas forcément par où la prendre. Mais une chose restera : il n’y a pas qu’un Bowie, il y en a plusieurs. Le folk, le funk, l’éxpérimental, le rock, l’electro, le jazzy, le vôtre, le nôtre. Blackstar en est encore la preuve. The Next Day était un copieux best-of où il démontrait qu’il était en pleine possession de ses moyens. Ici, il s’économise et sert un ensemble de titres où l’on se plaît à décortiquer le sens des paroles et les compositions alambiquées.

Définitif.

Blackstar entre titres ciselés ( » Lazarus « , le groove de  » Girl Loves Me  » ) et longues pistes aventureuses où Bowie semble planer. Il pose ses paroles avec une assurance folle et une apparente légèreté, en opposition complète avec l’interprétation qu’on peut avoir de leurs sens. La gravité de  » Sue (Or In A Season of A Crime)  » vient rompre le calme apparent du disque lors de sa première moitié. L’excellente ballade  » Dollar Days  » revient là où le Bowie des années 2000 s’était arrêté, en mieux.

 

Et ce dernier titre  » I Can’t Give Everything Away « , sonnant comme un ultime aveu d’un artiste complet que même une maladie ne l’aura pas arrêté à continuer de donner à son public. Dans un album où il n’a pas besoin de forcer pour démontrer son talent unique, étincelant et si clairvoyant devant la double lecture que nous a « offert » la fin de sa vie.
Certains reprocheront à Blackstar ses atours lancinants, ses longueurs, qu’il soit « chiant ». Mais c’est cette orientation qui le rend si abouti et presque tout bon disque de Bowie a toujours contenu quelques minutes qu’on aurait volontairement zappé. Au lieu d’enchaîner les titres à impact immédiat et frontaux comme il a pu si bien le faire avec The Next Day, il nous donne ici un disque qui finit sa carrière avec une rare cohérence. Une oeuvre fascinante, à la hauteur de son auteur.