Bien relancé dans les années 2000 avec Playing The Angel et ses deux suivants, Depeche Mode se place depuis en marronnier revenant prendre sa place de vieille pointure tous les 3/4 ans. Avec une tournée des stades pleines, une annonce d’album événementialisée dans le monde entier et hélas, accompagné d’un disque difficile à discerner du précédent. Mis à part les quelques morceaux audacieux, on se retrouve avec la même formule. Du moins dans la forme. Comme le soufflerait Laurent Ruquier, est-ce que l’état d’esprit est réellement différent pour celui-ci ?
La même ?
Les deux chansons pour Martin Gore, le single provocateur, les petits espaces pour les instrumentales. On n’est plus en terrain connu, on est carrément à la maison. La trace de notre cul dans le canapé, la brosse à dents rangée dans la salle de bains et on aurait bien envie de changer un peu la déco pour sortir du train-train. Derrière son titre, Spirit place le changement dans son contexte politique. Un appel au réveil avec une lecture de l’actualité qui cohabite ici avec le champ lexical de la soumission et de la culpabilité propre aux paroles de Martin Gore. Il est légitime de douter de la portée politique ou de la conscience d’un artiste millionnaire mais c’est assez bien intégré pour ne pas avoir à crier au scandale comme pour ce cher Bono par exemple. Et puis, ce n’est pas la première fois que Depeche Mode commente l’actu non plus. Sachant que le timing pourrait être considéré comme une coïncidence puisque Spirit a été écrit en 2015.
Depeche Mou
La catchy « Going Backwards » ouvre le bal mais le single très classique « Where’s The Revolution » place les bases d’un déjà entendu symptomatique de l’ensemble de la setlist. Pour son premier disque avec DM, James Ford rate le coche. Un producteur qui a tendance à sacrément lisser comme on a pu l’entendre sur les derniers Foals ou Last Shadow Puppets. Une collaboration jugée tellement efficace par ses auteurs qu’elle aurait réduit le temps estimé de 6 semaines ! Le rendu de son travail est assez binaire et peine à donner de l’ampleur aux titres. Tantôt portée sur l’instrumentale, tantôt trop sur les basses, l’album déçoit vraiment par son emballage sonore plat qui nous renvoie à la mollesse d’Exciter. En plus, aucun des morceaux ne sait se détacher de cette lourdeur qui plombe l’ensemble. Rien ne s’emballe et on a sincèrement l’impression qu’on nous chante toute la misère du monde portée par les épaules des 3 quinquas. En ressort un disque morose et assez chiant hélas. « The Worst Crime » ou « Eternal » en sont des exemples. Mais même lorsque le groupe essaie de déployer son le groove caractéristique, la sans relief « Scum » ou « You Move » tombent à l’eau. Les titres à deux voix entre Gahan et Gore (« So Much Love » et « Poorman ») déroulent sans non plus révolutionner quoique ce soit.
Le meilleur pour la fin
Alors qu’on ne l’attendait plus, la bonne surprise vient de « Fail » où Martin Gore signe l’un de ses meilleurs morceaux au chant sur une conclusion de l’album qui donne envie que les choses démarrent là où elles s’arrêtent. Dommage. Est-ce que le temps donnera une lecture plus enjouée à cette cuvée 2017 ? Pour l’instant à la réécoute des 3 précédents produits par Ben Hillier, il manque des singles plus fédérateurs, une tension, un entrain, une puissance et de vraies réussites qu’on ne retrouve pas ici. Ou en tout cas, pas encore. Même le coup d’oeil dans le rétro si bien joué dans Delta Machine n’est pas présent non plus.
Premier coup d’épée dans l’eau en 12 ans pour Depeche Mode qui négocie mal le virage du nouveau producteur avec un son qui n’apporte pas assez de nouveautés et de relief pour enthousiasmer. En un mot ? Bof.