Il parait que l’homme a été créé le sixième jour. Au Hellfest, on a eu Gun’s N’ Roses et Converge.
My Own Private Alaska
My Own Private Alaska est venu présenter son album en cours de conception et sa nouvelle formule à quatre. Le batteur original est parti jouer dans Cats on trees, un nouveau préposé aux fûts a été intégré accompagné d’un DJ / mixeur / synthé doté d’une très belle casquette. Musicalement, MOPA interprète toujours un “screamo piano”. Si les anciens morceaux sont toujours aussi inspirants (Anchorage notamment, grand moment), ce sont les nouveaux morceaux qui interpellent : plus mélodiques mais également plus frénétiques en terme de rythmes, ils profitent à fond d’un apport electro qui intensifie considérablement l’expérience, du moins en concert. Hâte d’entendre ce que ça donnera en studio.
Hällas
Les saltimbanques sont arrivés au village et une cohorte de gueux se presse déjà sous le chapiteau de la grand place pour s’entendre conter les aventures du chevalier Hällas. Maquillés et encapés, les suédois déversent dans nos esgourdes leur hard 70’s aux mélodies enivrantes. L’expérience aurait été parfaite si ce n’était pour un volume sonore quelque peu déraisonnable rendant parfois l’ensemble un peu cafouilleux. Clisson semble conquis et on repart avec l’assurance que le chevaucheur d’étoile n’échappera pas à son destin.
Slift
Une fois tous les dix ans apparait un groupe qui met d’accord les amateurs de desert rock et les lecteurs des Inrocks. Slift est de ceux-là. Il restait encore trois semaines avant le 14 juillet mais on sentait bien un sentiment de fierté nationale remplir la tente en attendant le début du concert.
Ici pas de chichis : un petit kit posé au bord de la scène, un pied de micro de chaque côté, un petit synthé derrière et c’est parti. On leur donnerait une scène deux fois plus grande que ce serait pareil, les mecs jouent ensemble et c’est d’ailleurs ce qui fait leur force. Les fils de l’Oiseau-Poussière accélèrent et ralentissent à l’envie et rien ne semble pouvoir les arrêter. Un type me propose une cigarette qui fait rire tandis que je me fais aussitôt happer par un petit pit qui vient de se former. La psyché-bagarre.
Alors que le concert est officiellement terminé et que les mecs rangent leur matos, un bon groupe reste devant la scène pour crier son amour au Slift. La fierté nationale on vous dit.
Villagers of Ioannina City
Comme leur nom l’indique, Villagers of Ioannina City est un groupe grec dont les membres sont originaires de Ioánnina, ou Jannina en français, voire Ιωάννινα si vous préférez. Le concept est simple : marier le stoner qu’on connait avec la musique traditionnelle grecque.
Et ça fonctionne plutôt pas mal ! Même si on ne va pas se mentir, souvent le traditionnel passe au second plan pour ne laisser apparaître qu’un (fort bon) groupe de stoner. On voit donc à l’arrière de la scène aller et venir un druide équipé selon les chansons d’une clarinette ou d’une cornemuse grecque. La petite cornemuse ne fait malheureusement pas le poids face aux guitares et reste peu audible, tandis que la clarinette ressort plus. Plus qu’un gimmick, l’association produit des effets hyper planants une fois la machine lancée et on se verrait bien un de ces jours retourner festoyer à Ιωάννινα.
Touché amoré
L’arc en ciel de la journée est offert par la simple présence de Touché Amoré : c’est presque improbable de retrouver un groupe d’emo punk classieux au milieu des brutes épaisses avides de bagarre et de gaudriole qui garnissent d’habitude la Warzone – d’ailleurs la fosse est bien clairsemée.
Tant pis pour les absents, les californiens livrent un show sans concessions. Les compositions regorgent de mélodies soyeuses et désabusées, rythmées par les breaks et le chant scandé de Jeremy Bolm qui s’est sorti les tripes à s’en péter la voix (littéralement, ses remerciements sur la fin furent douloureux pour sa gorge). En tant que fier représentant de la mèche émotive chez VisualMusic, je garderai un grand souvenir de cette parenthèse enchantée.
Myrkur : Folkesange
On a vu beaucoup de groupes ce week end nous expliquer les larmes aux yeux qu’ils sont heureux de pouvoir enfin jouer un concert prévu pour juin 2020… mais Myrkur les bat tous. Elle, son concert devait se tenir en juin 2019 !
L’attente en valait la peine puisque pour son concert acoustique Amalie Bruun n’a pas fait les choses à moitié. Elle était accompagnée de deux choristes/percussionnistes, une violoncelliste et un violoniste/mandoliniste. Les pieds de micros sont recouverts de branchages, Amalie utilise des bois de cerf comme des claves et tout le monde est maquillé et habillé en costumes traditionnels. Immersion garantie.
L’album « Folkesange » était composé de morceaux originaux accompagnés de reprises de chansons traditionnelles scandinaves. C’est bien le programme de la journée. On a donc droit à une petite explication de texte entre chaque chanson : la femme d’un charpentier qui quitte son mari pour un homme plus riche et finit en enfer, un homme qui boit trop et voit son mariage vaciller…
Se retrouver au milieu d’un concert de pagan costumé juste avant d’aller voir les rois de la saucisse sur la grande scène, ça fait partie de ces situations surréalistes qui font du Hellfest une espèce de rêve éveillé.
Guns N’ Roses
Si leur prestation au Stade de France en 2017 avait plutôt fait l’unanimité, c’est visiblement bien moins le cas du concert de ce soir. Enfin, les fans seront quand même contents de constater qu’Axl, Slash et Duff ne se sont toujours pas engueulés depuis la reformation de ce line up en 2016.
Je ne suis bien entendu pas resté pour les deux heures et trente minutes du show, mais j’ai quand même pu observer les petites originalités de la liste en ouverture : une reprise de « Back in Black » pour rappeler le CDD d’Axl chez AC/DC, ou de façon plus surprenante, un petit « Slither » démontrant que le groupe se rappelle de l’existence de Velvet Revolver.
Reprise toujours, alors que je slalome entre les spectateurs pour aller me placer au concert de Converge, le groupe décide d’attaquer sa version de « I Wanna Be Your Dog » avec Duff au chant. Une vieille lâche alors un joli : « C’est Nirvana ? ». On a le public qu’on mérite.
GBH
J’avoue que constatant de loin le désastre Guns N’ Roses, j’étais surtout décidé à manger et me rendre plutôt sur la chaude scène de la warzone. Rendez-vous était pris pour aller voir du vieux punk anglais ambiance odeur de chien mouillé avec GBH. Et si le groupe accuse un certain âge, sa musique ne semble pas prendre une ride, du punk à l’ancienne joué par des punks à l’ancienne. N’en reste pas moins un set propre qui joue vite et fort. Tellement que le set se terminera par une belle invasion de scène qui rappelle à quel point ce joyeux bordel qu’est le punk est aussi un bel d’exutoire.
Converge : Bloodmoon
Converge : Bloodmoon c’est Converge plus Stephen Brodsky (Cave In), plus Chelsea Wolfe et son Ben Chisholm. Après une tournée en 2016, la formation a sorti un premier album cet année et si vous avez du goût, vous avez plutôt aimé.
Ce concert au Hellfest constituait le premier arrêt d’une tournée européenne de sept dates, visiblement les seules en soutien de cet album. On était donc bien face à un set un peu exceptionnel.
Cet album je l’avais bien poncé, mais le voir en live c’était encore autre chose. Sept personnes sur scène, des changements d’ambiance radicaux et une formation qui évolue au gré des morceaux. Ça s’échange les instruments, Chelsea sort par moments se cacher derrière les amplis… Le tout a vraiment une allure de gros jam entre amis. C’est aussi l’occasion de voir qui joue exactement quoi. Sur « Scorpion’s Sting » Jacob Bannon attrape une basse et Nate Newton passe à la guitare. Et si Jacob et Chelsea occupent le milieu de la scène, le groupe compte bien quatre chanteurs et l’ensemble n’en est que plus riche. Aussi quand le Brodsky prend le micro et le chant lead sur « Flower Moon », Hilikkus ne peut s’empêcher de lui adresser un gros cœur avec les doigts. L’émotion faisant, je me vois forcé de faire de même. On regrettera toutefois le faible volume du micro de Chelsea Wolfe, parfois un peu écrasée par l’ensemble.
Le set se termine par le déchirant « Wretched World » version Bloodmoon, suivi du dantesque « Blood Moon » qui donne son nom au projet. On en sort tout hébétés en espérant qu’il ne s’agissait pas là d’une étoile filante et on attend donc le volume 2 de pied ferme.