Le dernier jour du Hellfest 2023 est consacré à l’humour, à la bagarre et à l’humour-bagarre. Une matinée météorologiquement peu réjouissante mais spoiler, ça s’est vite amélioré.
Empire State Bastard
La pluie tombait en continu depuis qu’on s’était réveillés, mais Empire State Bastard était un des groupe qui nous excitait le plus sur cette édition 2023. Alors on s’est motivés. Comprenez : un groupe de grindcore avec Simon Neil (Biffy Clyro) et Mike Vennart (feu Oceansize et quatrième mousquetaire non-officiel de Biffy Clyro). Comme ils avaient besoin d’un batteur, ils sont allés chercher un copain… Dave Lombardo de Slayer ! Les premières dates live ont aussi vu apparaitre une bassiste en la personne de Naomi Macleod.
On est donc là sous la pluie avec nos k-ways en train de maudire les écossais et leur météo quand une apparition christique nous fait oublier notre détreumpeur : Simon Neil ! Simon Neil avec la pilosité faciale de Tony Iommi ! Simon Neil avec la pilosité faciale de Tony Iommi et un minishort !
Une fois passée la fascination provoquée par cette formation improbable, on comprend assez rapidement qu’ESB n’est pas le simple projet défouloir promis par « Harvest ». C’est surtout un gros terrain de jeu pour tenter toutes les bizarreries du niveau de ce que pouvait se permettre le Biffy Clyro d’il y a vingt ans.
Alors évidemment on profitera mieux de tout ça quand le premier album sortira en septembre, mais en attendant cette expérience humide restera un moment mémorable.
Hatebreed
Pendant le confinement, Jamey Jasta s’est laissé pousser les cheveux et la barbe et il n’est visiblement jamais revenu en arrière. Pour agrémenter le tout, il a remplacé le bandana par une casquette de camionneur, achevant ainsi la phase finale de sa transformation en chanteur de sludge. On le savait, mais ça fait quand même un choc.
Bon, mais du reste, est-ce que ça change quelque chose ? Absolument rien. Hatebreed sera toujours Hatebreed. Ils ont peut-être un nouvel album à promouvoir. Peut-être qu’il est déjà sorti. Peut-être qu’il va bientôt sortir. Peut être qu’il n’y en a pas. On vient toujours pour se mettre sur la gueule sur « Destroy Everything », « Live For This », « In Ashes They Shall Reap », « As Diehard as They Come », « This Is Now », « Perseverance », « I Will Be Heard »… Ils les jouent. On se met sur la gueule. Ils sont contents. On est contents. Tout le monde est content.
Electric Callboy
Au Hellfest les journées sont souvent chargées, mais ce dimanche était tellement plein que le premier headliner est passé à cinq heures de l’après-midi. Si on en croit le merch vu sur les festivaliers et les chants entendus au camping pendant quatre jours, Electric Callboy était le groupe le plus attendu cette année. S’ils ont treize ans au compteur, les allemands ont véritablement explosé avec « Hypa Hypa », sorti en juin 2020. Soit exactement trois mois après le début du premier confinement. Ils ont ainsi accompagné des milliers de metalleux pendant ces heures bien sombres et apporté un peu de lumière grâce aux pouvoirs de l’amour et de l’aerobic. Dès la reprise des lives on a pu les voir sillonner nos contrées, mais ce Hellfest c’était la consécration et peut être leur meilleur concert.
Le niveau de production est en tout cas celui d’une tête d’affiche. Avant même leur entrée sur scène, le public se fait chauffer par l’hôtesse du Tekkno Train. S’en suivront des vidéos plus ou moins interactives à chaque chanson, des passages karaoké, des confettis, des drapeaux, des changements de costumes pour les singles… mais surtout des mecs hyper communicatifs qui attrapent les 30 000 sauvages et les soulèvent sans effort. Le tourbillon fluo emporte tout sur son passage.
Le cocktail EDM/metalcore est tellement efficace qu’avant d’avoir bu le premier morceau on se retrouve dans une chenille géante qui part de la Mainstage 2, fait quelques virages devant la Mainstage 1, puis revient sur la seconde ! Rien n’arrête le Tekkno Train ! Et c’est parti pour un voyage de cinquante minutes sans arrêt et sans fausses notes. Aussi irréprochable qu’irrésistible. Même les festivaliers à la situation buccale incertaine qui s’étaient promis de ne pas aggraver leur cas se retrouvent finalement devant à gueuler qu’on est alive et qu’on believe que les summertime memories will never fade away. Plus grosse fête du week end et certainement un groupe majeur de ces prochaines années.
Mutoid Man
Fin de la rigolade ? Non ! Ils n’ont pas de perruques ou de shorts fluos, mais les résidents de Two Minutes to Late Night sont par définition un groupe comique. Seulement, les mecs sont tellement bons qu’on ne sait jamais où s’arrête la blague et où commence la déculottée premier degré. Il faut dire aussi que les trois compères sont pas loin d’être chacun les meilleurs de leur catégorie : le front man chanteur/guitariste n’est autre que Stephen Brodsky (Cave In), le batteur Ben Koller (Converge) et on retrouve désormais à la basse Jeff Matz d’High On Fire.
Vous voyez ce prof qui répétait que « t’auras le droit de t’amuser le jour ou t’auras 20/20 » ? Ils l’ont écouté, et vu leur talent ils peuvent tout se permettre. Résultat : on rigole à leurs blagues nulles et leur surjeu, tout en kiffant la puissance indéniable de leurs riffs de maîtres. Mention spéciale pour Ben Koller qui passe tout le concert à faire le con, tout en démontrant une aisance déconcertante.
Mutoid Man reviendra nous voir en septembre. Ne les loupez sous aucun prétexte.
Tenacious D
Fin de la rigolade ? Non ! Le Spicy Meatball Tour a roulé sur toute l’Europe pour finir par s’éclater à Clisson. Au menu : rien de leur opéra-rock « Post-Apocalypto », mais tous les classiques des trois premiers albums, plus le récent « Video Games » et la savoureuse reprise de « Wicked Game ».
Certes, le D a dû voyager léger, mais les accessoires habituels sont là : le gros bonhomme incarnation vivante de « The Metal », l’énorme « Sax-a-Boom »… Et la tournée introduit un nouveau personnage ! Biff, le technicien en charge de la pyrotechnie, aka Biffy Pyro. Simon Neil était bien là ce matin mais ce n’était pas lui qui jouait le rôle. L’histoire est simple : Biff n’arrive pas à déclencher les pyros, se fait engueuler, explique qu’il a du mal parce qu’il est anxieux… Pour le détendre, le D lui chante le tout nouveau morceau qui donne son nom à la tournée : le « Spicy Meatball Song » ! Morceau qui ressemble étrangement au thème d’Indiana Jones, mais qui sommes-nous pour juger ? A la fin du concert, Biff arrive à déclencher ses trucs et ce happy end absolument inattendu réchauffe nos cœurs de metal.
Qu’ils aient une énorme scénographie ou trois bouts de ficelle, Tenacious D arrive toujours à proposer un show incroyable, la faute à un JB inarrêtable et un KG infatigable. La seule petite déception viendra du public, dont la majorité s’est contenté de regarder le spectacle plus que d’y participer. On aurait bien aimé réitérer l’expérience du Zénith 2020 où toute la fosse dansait en chantant « Beelzeboss » dans un karaoké géant, mais tant pis.
Rise Of The North Star
C’est sur la warzone que le groupe français est programmé et l’affluence est énorme ! Le combo réputation live du groupe + le dimanche = circulation rouge dans le sens des arrivées sur la scène. De la bagarre, vous dites ? Non, du combat de super sayan ! Vous savez de ceux dont les coups de poing cassent des montagnes, ceux dont les coups de pieds envoient les belligérants dans la stratosphère.
Le groupe aura livré un set solide, énergique qui enfile les hits commes les combos de fulguro-poings dans les gencives d’un mécha. En un mot comme en cent, le parfait set pour mettre le public à genoux !
Pantera
Fin de la rigolade ? Oui ! Parce que Pantera était clairement pas venu pour rigoler.
Près d’un an après l’officialisation initiale du projet, on continue de se poser la question de la pertinence de cette reformation à deux, sans les frères fondateurs. Alors pour que se faire comprendre, y compris des sourds et malentendants, le groupe a décidé d’afficher ses intentions partout. Phil Anselmo porte carrément sa lettre d’excuses sur son t-shirt : « For The Brothers. For The Fans. For The Legacy. ». C’est d’ailleurs le nom de la tournée. Les remplaçants ont aussi leurs visuels : la veste de biker de Zakk Wylde se pare de deux side rockers « St Dime » et « St Vinnie », et leurs portraits assortis. Les voilà canonisés. Pour Charlie Benante c’est les portraits sur la batterie et un t-shirt avec les deux frères… en caricature version Simpsons ? Allez, ça passe.
Le concert est pensé comme un gros hommage aux frangins. Il s’ouvre avec leurs silhouettes sur les écrans et on aura droit à deux montages d’archives, un premier plus axé sur les bons souvenirs en début de set et un in memoriam à la fin.
Mais passées toutes les formalités, est-ce que tout cela en valait la peine ? Oh que oui. Dès la première note, le son est massif. C’est une putain d’agression. Une espèce vibration metallique qui donne l’impression que leurs cordes ont été remplacées par des barbelés. Impeccablement crasseux. C’est bien simple, personne ne sonne comme Pantera, sur cette édition comme sur toutes les autres.
La basse de Rex Brown décroche des mâchoires et ses backs sont d’une propreté inattendue. Quant à Phil Anselmo, c’est sans surprise qu’on le retrouve dans le même état que l’an dernier : sobre. Offensif et concentré, le frontman démontre une nouvelle fois qu’il n’est pas juste un gros lourd charismatique, mais aussi un chanteur techniquement impressionnant, quand la motivation est là.
Enfin, au détour d’un transition, Anselmo explique qu’il est particulièrement content d’être là parce que :
« J’adore jouer au Hellfest. Je suis venu avec tous mes groupes et maintenant avec Pantera. »
C’est fait. La grand Anselmo Bingo a désormais tous ses tampons on peut désormais être rassuré sur le fait qu’en cas d’événement malheureux, le fantôme de Philip ne reviendra pas hanter le site à la recherche de son œuvre inachevée.
The Melvins
L’énorme prog’ du Hellfest a les avantages de ses inconvénients. Certes, il faut parfois faire des choix draconiens lors des clashes de vos groupes référés aux mêmes horaires MAIS c’est aussi l’avantage de voir un maximum de groupes en très peu de temps ! Et donc de voir des groupes que l’on n’a pas toujours l’occasion de voir ou l’envie suffisante pour se déplacer des fois à des heures de chez soi. Dans ce dernier registre, Ross a choisi The Melvins ! Difficile d’ignorer le nom de Buzz Osborne, l’occasion était donc trop belle.
Et si la réputation live du groupe a toujours semblé en demi-teinte avec des sets délirants où le groupe relit pleinement ses titres, ce soir, ils ont apparemment décidé de se mettre le public en poche ainsi que le photographe à en juger le nombre de « eye contacts » du bassiste Steven McDonald. Les titres s’enchainent très bien et le groupe livre une prestation solide, électrique et clairement taillé pour réveiller les morts-vivants de ce dernier jour de festival avec une véritable montée en puissance. Une régalade assurée à tous points de vue et un King Buzzo appliqué et concentré même si on ne manquera pas de signaler que Billy Corgan et lui semblent partager le même conseiller vestimentaire.
Slipknot
Chaque concert de Slipknot est un petit avant-goût de l’Apocalypse, même si ce soir on a un peu eu l’impression que les pêcheurs étaient plus motivés que les démons.
« Prelude 3.0 » en intro et une entrée sur « The Blister Exists », on fête ce soir les vingt ans des « Subliminal Verses » avec un an d’avance ! Sauf que passée cette ouverture, ils ne joueront de cet album que « Duality ». Non, le setlist faisait en réalité la part belle à l’album éponyme avec six morceaux joués. Et devinez quoi, ça tombe pile pour les vingt-cinq ans avec un an d’avance ! Un double anniversaire en avant-première ! Oui, bon.
Toujours est-il qu’ils pourraient jouer ce qu’ils voudraient, les maggots seraient de toute façon plus qu’à fond. Et heureusement, parce qu’un concert de Slipknot c’est avant tout une question d’ambiance et que ce soir c’était un peu froid sur scène. Clown étant au chevet de sa femme sur un autre continent, ses futs restent tristement vides. A moins de dix jours du départ inexpliqué de Craig Jones, un remplaçant occupe déjà sa place sur scène, mais il reste dans l’ombre et n’apparait pas sur les écrans. Pas un mot de bienvenue dans le discours enflammé de Corey Taylor qui crie sa peine pour Clown et n’oublie pas de féliciter ses frères d’Incubus pour leur prestation de l’après-midi. Personne ne l’a prévenu de leur annulation on dirait. Pour le reste, l’ambiance est franchement bizarre. Chacun reste à sa place, joue ses parties de son côté, sans les interactions auxquelles ils nous avaient habitués. Sid Wilson descendra rapidement montrer son masque marionnette dérangeant, mais c’est tout. Visiblement le cœur n’y est pas. Seul le Tortilla Man semble vivre sa meilleure vie. Le Pfaff se contorsionne dans tous les sens, se suspend, lâche des screams de possédé et manque de voler la vedette au frontman. Le problème c’est qu’il est le seul dans cet état d’esprit.
Mais si on peut parler d’un jour sans sur scène, la pulsation des maggots rattrape l’ensemble. Pendant « Spit It Out », la moitié du pit est déjà au sol avant même que Corey ne leur demande de s’asseoir. Grosse émotion aussi sur « Snuff », revenue sur la liste l’été dernier après dix ans d’absence. Slipknot est aujourd’hui si puissant que même ses pires prestations ressemblent à des victoires.
C’est déjà la fin de ce Hellfest ! Cela fait maintenant de nombreuses années que tous les problèmes d’ordre organisationnel ont été réglés et 2023 aura confirmé qu’on a probablement en France le festival le plus confortable d’Europe. Notre cœur a saigné quand on s’est fait cramer/rincer à la nouvelle Valley, mais c’est parce que l’amour pour l’ancienne y était trop profondément ancré.
Alors que le traditionnel feu d’artifice illumine le ciel de Clisson, on se rappelle du temps pas si lointain où on pouvait apprécier sans arrière-pensée ce moment de communion. Parce que oui, ça fait mal de voir des potes s’éloigner du festival. Le Hellfest est aujourd’hui techniquement irréprochable, mais son prochain combat sera celui de l’image et il suffirait de pas grand-chose pour conserver l’unité qui a commencé à se déliter cette année.
Les écrans se rallument pour révéler les dates et le thème de la prochaine édition : rendez-vous du 27 au 30 juin 2024 à Infernopolis ! Un thème grec ? Les éclairs de Zeus sur le logo ? A peine partis, on a déjà hâte d’y retourner.