La raison aurait voulu qu’on fasse une pause au vu des événements de la veille, mais la raison c’est pour les mecs intelligents. On était donc bien présents ce samedi. Les dents serrées, mais motivés.
Zulu
Zulu c’est le projet hardcore d’Anaiah Lei, aka l’ancien batteur de The Bots. Il s’habille toujours comme en 2009 mais il a bien grandi et livre des screams impressionnants. Enfin peut-être pas aussi impressionnants que ceux de la batteuse Christine Cadette qui manque de lui voler la vedette à plusieurs occasions. On remarque qu’un guitariste manque à l’appel, ce qui ne les empêche pas de nous écraser d’énormes breaks d’une pesanteur extrême. Côté public ça mosh gentiment mais rien à voir avec leurs performances américaines. En même temps on n’a pas vraiment eu le temps de dépasser l’échauffement puisque le groupe a disparu après vingt minutes, sur les quarante qui lui étaient attribuées. Surprenant, mais vu le concentré d’énergie qu’ils nous ont servi on ne leur en voudra pas trop.
Fever 333
Recap rapide : En avril 2017, le meilleur groupe du monde se sépare. Quelques mois plus tard, son chanteur alors connu pour ses démences scéniques, s’associe aux deux autres plus gros psychopathes de la scène hardcore pour créer le pendant Black Panther de RATM. Depuis le premier jour, VisualMusic force beaucoup sur ce groupe. Le concept et les prestations lives sont fous, ils allaient tout défoncer. Mais les chansons sortent au compte-goutte, le groupe change de nom trois fois, et ça prend du temps. Bon, ça finit quand même par marcher, mais coup de tonnerre en octobre dernier : les deux musiciens quittent le groupe et laissent le chanteur tout seul.
Toujours au top niveau image, Fever 333 fait son grand retour avec un nouveau line up et des nouveaux costumes. Point de coreux mais l’arrivée de superstars avec l’excellent batteur Thomas Pridgen (ex The Mars Volta, Trash Talk) et la bassiste influenceuse April Kae (565k followers sur Insta tout de même). Oui, une basse ! Le son devrait en être enrichi, on verra ça pour les futures compositions.
Pour ce premier tour de piste au Hellfest, seul le nouveau single sera joué, les autres titres provenant tous (excepté une reprise questionnable) de l’ancienne formation. Mais le groupe sait qu’il est attendu pour son jeu de scène et semble anxieux de ce côté-là, quitte à hypercompenser un peu. Jason est égal à lui-même. Le nouveau guitariste Brandon Davis court dans tous les sens et ne manque pas une occasion de se jeter par terre. April Kae enchaîne les poses lascives. Seul Thomas Pridgen reste assis derrière son kit, mais celui-ci est sur une structure sur roulette et Jason en profitera pour le tirer sur le devant de la scène.
Question entertainment on a été servis. Mais on n’a pas forcément eu de réponses à nos questions quant à la future orientation musicale du groupe. La basse devrait ajouter un truc. April avait d’ailleurs un micro, ce qui pourrait être intéressant aussi, mais les chœurs étaient en réalité des samples de la voix de Jason. On attend donc la suite avec impatience.
Oh, on vous a pas dit que Jason était monté sur un truc ? Bah il est monté sur la régie (voir photo). Voilà.
Svalbard
Ils l’avaient visiblement attendu cette date au Hellfest et la puissance émotionnelle de leur musique s’en est trouvée décuplée. La force de Svalbard, c’est d’associer les paroles terre à terre super revendicatives du hardcore aux envolées mélodiques post et black. Mais ce samedi, la setlist était essentiellement composée de titres de leur troisième album « When I Die, Will I Get Better? », plus personnel et introspectif.
Entre deux morceaux, Serena évoque sa dépression et adresse quelques mots à ceux qui se reconnaitraient dans ses textes :
Trust me, it gets better.
Le jour était aussi particulier vu que c’était l’anniversaire du bassiste, qui aura eu droit à une chanson reprise par toute la tente. Enfin, outre le récent « Eternal Spirits » dédié à Joey Jordison et à tous les metalleux disparus, Svalbard nous livre « Faking It », un autre titre du prochain album joué pour la toute première fois pour le Hellfest.
Au final, Serena ne peut plus contenir son émotion et lâche un :
This is one of the best days of my life. Thank you so much.
Eyes
Trois quart d’heure de hardcore ne se refusant jamais, Ross décide d’aller à la war zone pour le set des scandinaves Eyes. Si ceux-ci sont plus habitués aux scènes plus confidentielles, c’est bien devant une war zone bien chargée que le groupe va assurer ses 3/4 d’heure de live (le groupe m’avouera d’ailleurs plus ttard par MP avoir été impressionné par la foule présente). Et si le groupe ne fait pas partie des gros noms du jour, on remarque tout de suite l’intenable frontman Victor Kaas comme dans « kasser des bouches ».
Ça bouge, ça gueule et franchement le groupe ne manque pas de convaincre son petit monde. Un groupe à surveiller car oui, comme vous, on avait un peu levé le sourcil en pensant hardcore + scandinavie. Mais n’oublions pas que Refused vend des T-shrits « hardcore made in Umea », preuve qu’il faut toujours aller voir ce qui se passe chez les voisins du Nord, pas les derniers pour réchauffer les corps dans leurs froides contrées. On vous recommande méchamment le dernier album « Congratulations ».
Puscifer
Puscifer se fait rare en Europe. Tellement rare qu’il s’agit aujourd’hui du deuxième concert du groupe en France. Le premier c’était aussi au Hellfest en 2016, juste après un Grand Rex annulé qui en a traumatisé plus d’un. Pas de catcheurs cette année, on se concentre sur l’autre grande passion de Maynard : les extra-terrestres ! Déguisés en hommes en noir, les membres du groupe entrent sur un « Fake Affront » qui voit Maynard et Carina équipés de mic stands accrochés à la taille. L’effet est aussi classe que comique. Au cas où ce serait encore trop subtil MJK explique la blague aux grands enfants que nous sommes :
We are Puscifer, a rock n’ roll band here to play rock n’ roll songs. We are not a secret government agency searching for alien life forms living among us.
Et c’est ça pendant cinquante minutes. Maynard et Carina inspectent les individus suspects dans le public. Des danseurs aliens débarquent sur scène et jouent à cache cache avant d’essayer de leur insérer leurs sondes anales… C’est Guignol pour les grands. Et on adore ça.
Puscifer est assez unique. Là où les groupes au son ambiant ou expérimental proposent généralement des visuels trippants qui favorisent l’immersion (ce que les fans de Tool attendraient), MJK en prend le total contrepied. Au contraire, et c’est particulièrement le cas aujourd’hui, le spectacle comique sert à distraire les spectateurs à l’attention limitée qui auraient assez rapidement été lassés par des titres un peu exigeants. L’équivalent musical du Pope in the pool. Bon en vérité on se doute bien que ceci n’est pas réfléchi, que c’est juste MJK a qui collé ensemble tout ce qu’il aime et que ça a donné ça.
Les blagues continuent avec une vidéo qui présente la meilleure des théories du complot : le vrai Maynard est mort en 1998 et aurait été remplacé par Wendy O. des Plasmatics, qui ne serait donc pas morte. Ou quelque chose comme ça. C’était pas clair.
Si MJK et Carina Round sont les stars du show, on retrouve bien évidemment aussi le troisième membre permanent de Puscifer Mat Mitchell. Le reste du line up est complété par le batteur Gunnar Olsen et Gred Edwards de Failure. Les instruments changent de mains, chacun se déplace en permanence pour se retrouver parfois sur la grosse structure en fond de scène. Les répets’ ont dû être drôles.
Au final les extraterrestres n’auront pas été attrapés mais le postérieur de Maynard est resté sain et sauf. Tant sur le plan musical que sur le spectacle, tout le monde est reparti satisfait.
Porcupine Tree
Allez on ose ! Ross n’a pas reculé devant le fait d’aller voir le légendaire groupe mais selon lui 1 – c’était très chiant (subjectif et gratuit concède-t-il). 2 – Ça dénotait pas mal avec la prog de la Main Stage. 3 – Un groupe qui fait un entracte durant son concert devrait être interdit de scène. Même Annie Cordy n’aurait pas osé malgré un public âgé. Les photos ? Flemme ! Ça bouge pas sur scène et ça donne sévèrement l’impression d’émettre des flatulences plus haut que l’orifice initialement prévu pour. Merci et bonsoir !
Stray From the Path
À nouveau du côté de la war zone où on le soupçonne d’avoir établi son nid, le Ross décide d’aller voir les immanquables Stray From the Path. Spoiler alert, l’app du Hellfest annonçait « l’une des branlées du week-end ». C’est oui. Le groupe de Long Island était lancé dans une tournée des festivals européens pour son petit dernier « Euthanasia » majoritairement représenté lors de ce live. Bien évidemment, tous les codes du genre hardcore sont respectés : discours politiques engagés, riffs bien vénères, breaks à casser des têtes et on n’aura pu s’empêcher de penser au set de Fever 333 plus tôt dans la journée.
Finalement, c’est moche mais Stray From The Path, c’est tout ce que Jason aimerait faire de discours politiques engagés, riffs bien heavy, breaks fracassants, rythmiques impeccables. La différence ? Le cœur à l’ouvrage ! Ici, on sent bien qu’on n’est pas une zone flottante mi-engagement, mi-poses Instagram. Nope ! Ici, on vient faire la bagarre, défendre des causes comme envoyer chier les fascistes et leur rappeler qu’ils feraient mieux d’aller faire l’amour à leurs mères plutôt que d’assister à ce set. On repartira conquis par cette démonstration de force hardcore et l’énergie ominiprésente de son frontman Andrew Dijorio.
Monster Magnet
Monster Magnet débarque sur la Valley en plein milieu du concert d’Iron Maiden sur la Mainstage. On aurait dit que 80% du festival était devant les anglais à ce moment-là, mais les 20% restants étaient tous venus accueillir le Space Lord et ses vassaux. Un rapide coup d’œil nous confirme d’ailleurs que l’équipe est toujours la même depuis à peu près dix ans, à l’exception d’un bassiste toujours flottant.
Choix osé, ça commence par une reprise d’Hawkwind issue de leur dernier effort « A Better Dystopia ». Celle-ci produit l’effet attendu : l’incrédulité. Mais à peine cette obligation achevée, les premières notes du meilleur riff du monde se font entendre : « Superjudge » ! Et c’est le début d’un énorme set best of qui sera par la suite uniquement composé de titres de « Dopes to Infinity » et « Powertrip ». Ça fist pump comme pas permis et ça hurle les paroles à plein poumons. La communion est totale.
Sans surprise, tout cela s’achève avec le tube intersidéral « Space Lord ». Dave Wyndorf nous épargnera même ses excuses quant à la censure de la version radio, qu’on se tapait en intro du titre depuis des années. Il faut croire que le Seigneur s’assume désormais à tout niveau. La prestation de ce samedi était impériale.
Black Flag
En plein My War Tour 2023, Black Flag a fait étape à Clisson pour ce qui sera finalement un petit concert best of. Pourtant de l’avis général, ce n’est pas le meilleur de Black Flag auquel on a eu droit. Seul membre originel, Greg Ginn a l’air assez peu motivé. Tout le contraire de Mike Vallely, qui nous sort ses meilleures imitations d’Henry Rollins, à la mimique près, et se retrouve trois fois plus intense que le reste du groupe. Le line up est complété par deux mecs arrivés l’an dernier. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne se dégage pas une grande cohérence de la formation.
Le résultat assez concret, c’est qu’on s’est fait chier. Personne n’a envie d’entendre Black Flag étirer ses morceaux pendant plusieurs interminables minutes comme un groupe de prog. C’était pourtant le projet ce soir. Mis à part quelques irréductibles, ça baille dans le pit et on observe des vagues de déçus fuir la Warzone.
Carpenter Brut
Le poster nous avait promis la Terror over the Mainstage. On est accueillis par un mogenstern à facettes qui se balance lentement le long des écrans géants alors que retentit la rythmique martiale de l’opening title de « Leather Terror ». Le ton est donné. Ce soir ça va être grand.
Les concerts de Carpenter Brut avaient jusqu’à présent toujours profité de l’obscurité pour laisser librement s’exprimer la grasse dégénérescence de ses communions malsaines. Mais ce soir plus personne ne peut se cacher. Alors qu’est-ce que ça donne quand on traine les freaks hors de leur cave ? Eh bien, ça fonctionne plus que bien ! Le Hellfest devient un club géant, et les musiciens sur scène se résolvent à montrer leurs têtes. Notre divin poitevin est passé chez le barbier, il s’est paré de ses plus belles lunettes noires et a revêtu son plus seyant polo. Planté en plein milieu de la scène derrière une console à roulettes garnie d’un logo lumineux, on le verra à plusieurs reprises s’avancer et échanger quelques gestes avec le public.
On est forcément assez touchés de voir les morceaux de la « Trilogy » d’EP représentés sur une scène aussi grande, mais pour les autres il faut avouer qu’on a été gâtés. Ce samedi c’était un peu l’anniversaire du Charpentier alors il a amené tous ses copains. C’est bien simple, à quelques exceptions près on a eu droit à la quasi-totalité des guests apparus sur les morceaux de Carpenter Brut : Alex Westaway (GUNSHIP), Mat McNerney (Beastmilk / Grave Pleasures), Persha, Greg Puciato, Johannes Andersson (Tribulation) et vous l’aurez deviné… Yann Ligner de Klone pour le grand « Maniac » final.
On repart avec la certitude d’avoir assisté à une date importante de l’histoire du Carpenter Brut, voire du festival, et avec une grosse envie d’assister à la toute aussi historique tournée Leather Sacraments qui se profile pour la rentrée prochaine.