HELLFEST 2024 – JEUDI 27 JUIN ★ CLISSON

Welcome to Infernopolis

2012-2024

Si on enlève deux années de pandémie et qu’on compte la double édition comme une seule, ça fait maintenant dix ans qu’on hante les Enfers de Clisson. En 2012 on arrivait pour l’inauguration du nouveau site et la répartition en tentes thématiques. On trouvait alors déjà des anciens pour nous expliquer que le festival avait perdu son esprit et que si t’avais pas participé à la grande bataille de boue de 2007 tu pourrais jamais comprendre.

Sachez donc que le débat sur les touristes est éternel et qu’il y a dix ans ça râlait déjà contre ces gens qui « viennent que pour l’ambiance » sans connaitre les groupes. On a forcément pu observer la gentrification du festival découlant naturellement du triplement du prix du pass, mais on apportera toutefois quelques bémols aux arguments souvent entendus cette année :

    • Le public aujourd’hui est beaucoup plus impliqué qu’il y a dix ans. Pendant longtemps, avant 18h on était tranquilles sur les scènes spécialisées. Une grande part des festivaliers achetait son pass sans poser son vendredi et n’arrivait que le samedi dans l’après-midi. Cette année le site grouillait de monde dès l’ouverture jeudi et on n’a pas constaté de set où un groupe se soit retrouvé véritablement tout seul sans spectateurs.
    • La circulation sur le site n’est pas plus difficile aujourd’hui. En tant que grands randonneurs de l’Enfer habitués des trajets Valley-Warzone-Mainstages on peut le dire sans sourciller : avant c’était pire. La nouvelle Valley reste une aberration et l’espace restauration qui la sépare de la Warzone une belle source d’énervement, mais on n’a pas constaté cette année les bouchons entravant la circulation qui nous faisaient rater le début d’un concert à cause du temps pris pour passer d’une scène à l’autre. Les Mainstages sont toujours bien peuplées mais on peut toujours s’en approcher en passant par la droite pour la 1 et par la gauche pour la 2. Le traumatisme Rammstein 2016 est réel, on ne vivrait plus ça avec le site de 2024.

Pendant des années, les festivaliers soulignaient à chaque édition un gros problème logistique, lequel était géré l’année suivante. On a atteint en 2019 une optimisation quasi-totale, mais chaque année apporte ses nouveautés et en 2024 ça concernait…

 

Le merch

Dernier gros souci à régler : le temps d’attente au merch. Le Sanctuary a permis de libérer de l’espace sur le reste du site (en sacrifiant notre Valley d’amour) mais n’a pas résolu le problème. Des files supplémentaires ont été ajoutées cette année mais il fallait encore des heures pour récupérer un simple t-shirt.

Grosse amélioration avec l’arrivée de stands Merch Headliners et Merch Artistes séparés, qui facilitent la circulation.

La Gardienne des Ténèbres

Tout le monde a déjà entendu parler du Hellfest comme étant « le Disneyland du metal ». Ce surnom vient en grande partie des sculptures et décorations qu’on retrouve partout dans le festival et qui donnent aux nouveaux venus la sensation de sortir du quotidien pour entrer dans un autre monde. Impossible de faire quelques mètres sans voir le logo du Hellfest ou un monument, ce qui permet aussi d’identifier le festival sur toutes les images qui en sortent.

Avec La Gardienne des Ténèbres, le Hellfest a décidé d’aller plus loin en esquissant un début de lore pour le festival, ce qui serait à rapprocher de ce que fait chaque année Tomorrowland.

« Chimère originale, ce cerbère contrôle le passage entre notre monde et celui de l’enfer. »

Réalisée par la compagnie La Machine responsable des Machines de l’Île à Nantes, elle rappelle leurs autres créatures et on a pu la voir cette année bouger ses membres, ouvrir les yeux et cracher du feu et de la vapeur. Initialement pensée pour « garder » l’entrée du festival dans le cadre d’un grand projet de parc pour le moment mis en pause, on l’a retrouvéer à l’emplacement de ce qu’on appelait auparavant « la place du feu ». Aussi impressionnante que les autres machines de Nantes, l’effet est réussi. On espère juste la voir passer devant la Valley la prochaine fois qu’Orange Goblin jouera au Hellfest, et récupérer le feu pour pouvoir de nouveau sécher et se réchauffer les soirs où la pluie nous a rincés.

Mais on a assez parlé des à-côtés, place à la journée du…

 

Jeudi 27 juin

Wormrot

Coup d’envoi du Hellfest 2024 sous l’Altar avec les singapouriens de Wormrot. Si le grindcore de leurs débuts pouvait être assez simple, leur dernier album « Hiss » les a vus tenter de nouvelles choses et en être grandement récompensés.

Le groupe ne comptait au moment du concert que deux membres (et un seul aujourd’hui), mais il est rejoint en live par le chanteur Gabriel Dubko. On avait pu voir ce trio à la redoutable efficacité la semaine précédente à Bourlon, mais cet après-midi, c’est différent. Après quelques titres à trois, la chanteuse Weish fait son entrée et donnera une nouvelle dimension au groupe sur les morceaux auxquels elle participe. Les habitués de l’Altar qui pensaient tranquillement attaquer leur festival avec des blagues scato et des cris de cochon ont peut-être été décontenancés, mais on espère que ce subtil entrisme Valleyistique leur ouvrira de nouveaux horizons.

 

Khemmis

L’atmosphère s’assombrit et avant même que Khemmis n’entre en scène on comprends que l’heure est venue d’aller déterrer le glaive caché sous la grange familiale pour aller pourfendre la sombre engeance du seigneur spectral qui chaque jour étend un peu plus son influence sur les terres de nos ancêtres… ou quelque chose comme ça.

Khemmis se fout des clichés et les embrasse pleinement sans jamais s’excuser, pour un résultat assez prenant. Son heavy metal épique se voit alourdi de doom, avec des riffs qui alternent entre le grandiose et le son d’une hache rouillée abattue sur le crâne d’un ennemi. On retrouve aussi cette dualité dans l’alternance entre les déclamations harmonieuses de Phil Pendergast et les râles de démon de Ben Hutcherson. La thématique dark fantasy colle donc parfaitement à leur délire et on y entre sans se faire prier. Pas étonnant que ce soit le groupe préféré du Murder Falcon.

 

 

Dying Wish

Nouveau gros nom de la scène metalcore moderne, Dying Wish a véritablement explosé avec son deuxième album « Symptoms of Survival » sorti en novembre dernier. La Warzone fait sûrement partie de leurs premières grandes scènes et la joie se lit sur le visage d’Emma Boster.

Comme les autres représentants de la scène qu’on retrouvera plus tard ce week-end, Dying Wish part d’une attitude hardcore pour s’enrichir de nombre d’influences, allant par moment s’aventurer jusque sur les terres du death melo, pour mieux revenir sur de grosses mosh parts qui déclenchent de jolies bagarres. On regrettera seulement un petit souci vocal et des parties en saturé qui deviennent de plus en plus étranglées au fil du concert, mais c’était visiblement un jour sans, et l’attitude suffit à compenser cette petite défaillance. Quand leur demi-heure de set s’achève, l’espace devant la Warzone est entièrement rempli.

 

Green Lung

L’odeur de la mousse sur les chênes centenaires se fait sentir quand une voix caverneuse nous annonce qu’on s’apprête à quitter le pays des églises et cathédrales chrétiennes pour rejoindre un pays plus ancien, plus étrange… Le doute n’est plus permis, nous voilà dans la Forrest Church de Green Lung !

Les anglais ont pris sur leur dernier album « This Heathen Land » une orientation qui rappelle fort les débuts de Ghost. Et on pourrait presque dire qu’ils manquent de fair play vu l’enchaînement de titres ultra-entêtants auxquels ils nous ont exposés. Les refrains restent tous immanquablement gravés dans nos cerveaux et longtemps après le dernier jour du festival on se prendra à chanter les louanges de la reine des sorcières Maxine Sanders.

Ils n’ont peut-être pas le succès de la bande à Tobias, mais vu la façon dont ils ont envouté le public de Clisson ce jour-là, on les imagine bien monter très vite très haut.

 

Babymetal

La dernière fois qu’on a vu Babymetal, c’était à l’hippodrome de Longchamps en 2016. Leurs seuls fans présents étaient des vieux japonais à la barrière, tandis que le reste du public était surtout là pour le WTF de la prestation. Aujourd’hui, Su-metal a vingt-six ans et une des deux danseuses est partie et a été remplacée. La curiosité d’un jour a laissé place à un groupe bien installé avec son son, son lore et ses fans.

Il est 20h30 mais les Mainstages sont déjà pleines comme pour accueillir un headliner. Le soleil couchant fait briller leurs costumes dorés et on se prend à espérer un feat, parce que c’est le Hellfest, que l’Allemagne c’est pas si loin et qu’un communiste révolutionnaire joue à la même heure le lendemain. Il n’en sera rien, Electric Callboy et Tom Morello n’apparaitront que sur l’écran en fond de scène.

Même si l’ensemble reste de par son concept assez statique on notera les efforts de la frontwoman qui ne se contente plus d’exécuter ses chorés mais communique souvent avec le public ou le fait chanter, comme sur « Karate ». Allez, est-ce qu’on n’aurait pas là un des futurs occupants du haut de l’affiche une fois que les papy thrash et papa neo auront pris leur retraite ?

 

Landmvrks

Ils avaient donné leur premier concert au Hellfest au Metal Corner en 2016 grâce à un tremplin Deezer qu’ils avaient remporté haut la main. Il y a deux ans on avait pu les voir jouer trente minutes à midi sur la Warzone et ils semblaient déjà bien trop populaires pour se contenter ça. Grâce à l’annulation de Bad Omens, les voici propulsés en Mainstage à 22h30. Les marseillais savaient que c’était l’occasion de sortir le grand jeu et ils n’ont clairement pas laissé passer leur moment.

« Fantasy » et « Lost in the Waves” contiennent bien suffisamment de tubes pour justifier un set de headliner et ils l’ont prouvé. La foule n’est heureusement pas assez dense pour nous empêcher d’aller rejoindre la bagarre mais on peut dire qu’il y a du monde. Et vu comme ça s’époumonne on constate qu’une bonne partie du public connait les paroles. On retiendra forcément le « Suffocate » joué avec son intro acoustique qui aura calmé les metalleux quelques minutes et le pénultième « Lost in a Wave », énorme hymne fédérateur. La prochaine fois qu’on les retrouvera à cette heure là ce sera certainement pas pour remplacer qui que ce soit.

 

Thursday

Voir Thursday un jeudi, je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille, enfin le plus tard possible, mais on peut. Ce genre de groupe peine généralement à faire recette au Hellfest, on gardera toujours le souvenir de ce set de Touché Amoré où on était une cinquantaine max. Mais ce soir, c’est différent. Probablement parce que Thursday a su créer l’attente en évitant de jouer en France pendant… Vingt ans ? Il y a bien eu un concert à Montreuil en 2004, mais pas sûr qu’il y en ait eu d’autres.

Sans surprise, les mecs sont donc vingt ans plus vieux mais absolument adorables et toujours à fleur de peau. Pour se faire pardonner de ces années d’absence, le groupe offre aux Français « Paris In Flames », qui n’était pas sur la liste de la tournée. Et quand vient l’enchaînement final « Understanding in a Car Crash » / « War All the Time”, c’est toute la Warzone qui observe les yeux humides et la gorge nouée. C’était superbe, quel pied.

 

Enter Shikari

Enter Shikari a sorti l’an dernier un des meilleurs albums de sa carrière et revenait tout juste de sa plus grande tournée, tant en termes de taille des salles que de production. Alors, comment rendait la version du show adaptée pour les festivals ? Encore mieux que ce qu’on avait pu imaginer, la faute à un Rou comme on ne l’avait encore jamais vu.

De la dernière tournée européenne, le set de ce soir reprenait donc les principaux éléments pour en offrir une version condensée de moins d’une heure : l’impressionnante entrée en scène sur un « System / Meltdown » a capella, « Sssnakepit » enfin jouée en entier après des années emprisonnée dans le quickfire round, et toutes les idées géniales trouvées par Rory et Pixeled. On retiendra le système d’évaluation du « Dreamer’s Hotel » qui demande aux spectateurs un « fuck yeah » pour prolonger leur séjour, mais surtout la fameuse intro de « Bloodshot », à laquelle on n’avait pas eu droit au Trianon. Pour reproduire le clip en live, Rou monte en haut d’un faux aquarium / vraie tour de LEDs, y passe un bras, puis plonge dedans, son double lumineux se trouvant piégé à l’intérieur.

Mais c’est justement sur la fin de cette chanson que le concert prend un tournant inattendu. Rou décide d’aller voir le public d’un peu plus près et cours de la scène à la tour régie. A la barrière, les Challengers sont stupéfaits : « Il nous a pas prévenus, ça va être compliqué… Bon bah qu’il se débrouille hein, eh mec, si tu veux t’barrer, Clisson c’est par là ! ».

Le morceau se termine et après avoir expliqué rapidement qu’il aimerait monter sur un truc pour le suivant, il finit par abandonner et chanter « Satellites » en plein milieu du public. Chapeau au Challenger rapide qui réussit à le retrouver à ce moment-là et assurera sa sécurité jusqu’à son retour sur scène. Intenable, il remonte la foule par le milieu, puis grimpe sur les épaules d’un mec et finit par rejoindre le reste du groupe en slammant.

La setlist fait la part belle aux titres de « A Kiss For The Whole World », ce qui est loin de nous déplaire, et on notera la version Shikari Sound System de « goldfĭsh ~ » débouchant sur un bout du toujours aussi drôle « The Jester », qui transforme la Warzone en mini-rave. « Sorry, You’re Not a Winner » a aussi droit à son remix. On sait le groupe lassé par son hit depuis des années et il est donc amusant de les voir commencer la version classique du morceau, avant qu’un Rou perché sur le côté de la scène ne l’arrête pour demander au public de crier « FUCK OFF » et enchaîner sur le remix de Pendulum.

Le concert avait commencé relativement calmement, mais Enter Shikari est allé chercher les spectateurs un par un, Rou partant littéralement réveiller ceux qui se cachaient au fond de la Warzone. On avait déjà vu Enter Shikari un certain nombre de fois, mais la prestation de ce soir était assez unique et il y a fort à parier pour qu’on s’en souvienne encore longtemps.

HELLFEST 2024 – VENDREDI 28 JUIN

HELLFEST 2024 – SAMEDI 29 JUIN

HELLFEST 2024 – DIMANCHE 30 JUIN