HELLFEST 2024 – SAMEDI 29 JUIN ★ CLISSON

Ce samedi montre sûrement la programmation la plus éclectique des 4 jours avec de beaux numéros d’équilibristes en cours de journée et Metallica de retour en tête d’affiche pour la deuxième fois en trois ans. Invitée de dernière minute, la pluie s’invite en matinée et en fin de soirée pour tester l’équipement des festivaliers.

 

Spotlights

Formé des époux Quintero, Mario (guitare) et Sarah (basse) rejoints par le batteur Chris Enriquez, Spotlights a connu il y a huit ans un succès aussi soudain que retentissant. Depuis lors le groupe a enchaîné les tournées en ouvrant pour Deftones, Refused, Pallbearer… et s’est fait une place dans le cœur des gens de goût.
S’il suffit de les entendre pour les aimer, c’est que leur doomgaze pousse tous les bons leviers de nos cerveaux avec une basse ultra-rugueuse qui vient nous faire vibrer l’estomac, une guitare qui alterne les ambiances tantôt vaporeuses, tantôt rock alternatif et un batteur au feeling incroyable.
La semaine précédente à Bourlon, la basse avait un peu tout écrasé, laissant peu d’espace au reste pour s’exprimer, mais il semble que cette fois c’est mieux. Tout est intelligible et on entend parfaitement les échanges dans le chant entre Mario et Sarah. Mention spéciale au « Sunset Burial » où le chant très rock 2000 fort QOTSien de Mario provoque des réactions entre dissonance cognitive et délectation.
Lourd et planant, fangeux et aérien, le son de Spotlights est en plus de cela réhaussé de paroles entre macabre et mélancolie. Les pittsbourgeois glissent leur barbapapa dans l’urne pour nous faire gouter leur spécialité cotonneuse et cendrée, qui nous laisse aussi émus que décontenancés.

Brutus

Nous avons débuté ce deuxième jour avec la tête lourde, des souvenirs plein la tête et en voulant voir Brutus. Nous n’étions visiblement pas seuls puisque le monde à la Valley s’apparente à celui d’une braderie de Lille un samedi après-midi. Les vrais auront la réf et nous décidons de quitter les lieux après 3 morceaux entendus à plus de 50 mètres. Des conditions dommageables que nous ne rencontrerons plus du week-end, fort heureusement.

 

Avec “Unison Life”, Brutus a sorti le meilleur album de ces deux dernières années. On sait à présent que ce cycle touche à sa fin et on est donc d’autant plus déterminés à profiter de chacun de ces concerts jusqu’à la dernière note.
Cet album a aussi vu Brutus prendre un cap de popularité considérable et la densité de population devant la Valley est donc hyper élevée quand sonnent 16h. Il nous faudra faire preuve de grands efforts de faufilage pour enfin réussir à nous approcher de la scène.
Quand enfin le groupe fait son entrée, c’est le choc vestimentaire. Stefanie a enfin mis à la machine ses t-shirts Deftones et Scarface, pour arborer fièrement un magnifique t-shirt Oathbreaker. Rien n’a encore été joué que les disciples du Parjure sont déjà émus. Et comme à chaque concert de Brutus, c’est bien l’émotion provoquée par la musique du trio qu’on retiendra. Au premier rang, une femme pleure à chaudes larmes. Même à l’heure du gouter dans un grand festival en plein Soleil, les belges arrivent à toucher l’auditoire. Le sentiment était visiblement partagé, puisqu’ils nous expliquent que leur précédent passage au Hellfest a été selon eux déterminant et leur a permis de se faire connaitre encore un peu plus. Il y a fort à parier pour que leur prestation du jour décuple de nouveau leur audience, et qu’on les retrouve la prochaine fois sur une scène un peu plus grande.

Kvelertak

Probablement à cause des visuels sur les t-shirts de leurs fans, de leur nationalité norvégienne, ou de toutes ces photos de concerts où on pouvait voir le chanteur fourrer sa tête dans le cul d’une chouette, on croit que Kvelertak c’est du metal.
Quelques minutes suffisent en live pour que la vérité apparaisse : Kvelertak c’est du rock suédois ! Bien sûr, c’est souvent heavy, réhaussé de chant saturé, et sur leurs passeports il y a écrit Norvège, mais on retrouve clairement là-dedans des bouts de The Hives, de Royal Republic, et dans les poses et l’attitude on a souvent l’impression de voir les Hellacopters sans la casquette.
Et ça défonce ! Tous les membres (à l’exception du batteur) sautent de la première à la dernière chanson tandis que le chanteur s’accroche à son pied de micro et le brandit comme un Tusken enragé. Avec des tubes aussi catchy qu’énervés et une motivation sans limites, Kvelertak est clairement parti à la conquête du monde. Vu les cris lorsqu’en fin de set Ivar brandit leur drapeau, on comprend que les fans soient nombreux à se rallier à leur bannière et prêts à les suivre n’importe où.

Chelsea Wolfe

Avec She Reaches Out To She Reaches Out to She dispo depuis le 9 février, Chelsea Wolfe a rendu sa musique plus accessible avec notamment l’aide de Dave Sitek à la production. Ce concert de fin d’après-midi fait office de présentation de ce huitième album et à peine le concert bouclé, nous avions déjà envie de nous y plonger. L’heure de la journée ne dérange en rien l’ambiance confinée et hantée de cette prestation où la Valley semble concentrée, studieuse et planante. Un set indus et trippant où nous sommes allés curieux et revenus conquis. Pour prendre la température, la très NINWhispers In The Echo Chamber’ semble être une bonne adresse. Au-delà de ça, le suspense est éventé : c’était l’un des meilleurs sets du week-end.

Mass Hysteria

“What the fuck is up Hellfest?” On n’était ni devant Speed, ni devant Harm’s Way, mais c’était les premiers mots de Mouss de Mass Hysteria. La formule peut faire sourire venant d’un groupe assez loin de ce qu’elle référence, mais elle montre surtout qu’ils avaient ce jour-là décidé de parler aux anglophones. Entre les chansons c’est donc Jamie qui s’adressera en anglais au public international venu attendre Metallica. Un move intelligent, on verra s’il payera.

Le concert s’ouvre avec « Mass veritas », le morceau de trap qui avait été le premier extrait révélé pour « Tenace – Part 1 ». On peut dire que le pari est réussi, le résultat est ultra-lourd et les vieux obtus qui râlaient en découvrant le titre se voient contraints de ravaler leur vomi. A tout moment on s’attend à voir débarquer Kaaris et qui sait, peut-être un jour, vu qu’ils ont déjà réussi à attraper Joey Starr.

En cette veille d’élections historiques, Mouss explique au public qu’ils ne veulent pas parler de ce qu’il se passe en France, « parce qu’on est positifs à bloc ». Bon. Utiliser le joker apolitique pour ne pas s’engager contre l’extrême droite, ça peut s’entendre. Peut-être. Le faire après avoir joué une chanson qui évoque le Great Reset, ça commence à devenir compliqué. Mais allez, on les aime depuis vingt ans alors on ne va pas les lâcher maintenant.

Et en parlant du temps qui passe, difficile de ne pas être ému devant les visuels du musée Mass Hysteria rempli de photos qui rendent hommage aux anciens membres. Il s’en est passé des choses entre leurs débuts et la Mainstage du Hellfest. On parlerait bien d’accomplissement, s’ils ne l’avaient pas déjà fait en 2019. On n’a peut-être pas connu les débuts, mais on était là quand Fred Duquesne est arrivé à la production, que leur son s’est fait de plus en plus massif, jusqu’à convaincre bon nombre de ceux qui les regardaient en rigolant, et en faire probablement le plus gros groupe de metal francophone.

Si les paroles peuvent toujours prêter à sourire, les compos se payent une touche de modernité et la densité de leurs riffs écrase les gueules de spectateurs. Et malgré ça personne ne semble soumis à la gravité. Mass est devenu un énorme truc fédérateur qui réunit toutes les classes d’âge et fait sauter jusqu’aux bars du fond. Arrivés à ce point-là, on se demande quelle sera la prochaine étape pour eux, peut-être essayer d’apprendre le français au reste du monde ?

Mr Bungle

Retrouver FooFree quelques minutes avant le début de concert, le prévenir que j’irais m’abriter en cas de pluie, courir me cacher dans un container pour mater le concert et attendre 1h30 que le déluge s’arrête. C’est dans ce style télégraphique que l’on pourrait résumer la prestation délirante et délurée d’un Mike Patton de gala accompagné d’une équipe de choc : ses acolytes Trey Spruance et Trevor Dunn, Scott Ian de Anthrax et Dave Lombardo de Slayer. Comme il n’y en a jamais trop, Andreas Kisser de Sepultura et Wolfgang Van Halen viendront aussi passer une tête le temps d’un morceau. Un paquet d’ingrédients pour un concert zinzin alternant covers cintrées et numéros d’équilibristes heavy metal. La pluie n’aide pas à rentrer totalement dans cette expérience sensorielle mais on salue l’effort des saltimbanques à l’heure où le régime de l’intermittence est menacé. Pour avoir vu Faith No More et les surpuissants Tomahawk dans le passé, c’est de loin la formation de Patton sur laquelle je me suis le moins amusé.

Metallica

Ma dernière rencontre avec Metallica date de la clôture du Rock Werchter 2009. 15 ans plus tard, le grand M revient pour la deuxième fois à Clisson pour donner une grande rasade de classiques et nous présenter son pâle 72 Seasons sorti en avril 2023. Les 20 premières minutes du set seront toujours ponctuées de la pluie battante mais comme les vidéos sur les réseaux l’avaient montré plus tôt lors d’un show au Danemark : rien ne les arrêtera dans leur dure besogne. Jusqu’au moment où FooFree me dit que c’est le moment de la reprise pétée quand on voit qu’il ne reste plus que Kirk Hammett et Robert Trujillo sur scène. La mélodie de ‘L’aventurier’ d’Indochine retentit, des frissons reviennent et nous ne savons plus si c’est la faute du froid ou de la gêne. Blague à part, on pourra saluer l’effort de Metallica qui se risque à l’exercice après 43 ans de carrière et ça aura permis d’égayer ce quart d’heure du set dédié au dernier album. Si les classiques sont évidents et plutôt bien exécutés, nous aurons du mal à rentrer dedans. Peut-être est-ce du aux intros longuettes là pour laisser l’habillage graphique se mettre en place, à une machine qui ne semble jamais vraiment s’emballer ? Tout comme les QOTSA le lendemain, on aura eu l’impression de voir un géant content d’être là, impressionnant par sa stature mais un poil rouillé. Le feu d’artifice égayera notre route du retour, laissant à FooFree la joie de se retourner la tête avec les Suicidal Tendencies.

 

Julie Christmas

La Valley est plongée dans la pénombre quand une curieuse créature fait son apparition. Emmaillotée d’une volumineuse robe noire prolongée par une chrysalide lui recouvrant le visage, son corps entier est recouvert d’une toile de fibre optique aux allures bioluminescentes. La lampyre disproportionnée se meut lentement, avant d’entonner doucement une reprise de « Bones in the Water » de Battle of Mice.

Cette ouverture donne le ton, entre poésie, malaise, beauté et vérité dérangeante. Il s’agira du seul morceau issu des ses autres projets, le reste du set étant entièrement consacré à la discographie solo de Julie Christmas. Au fil du morceau arrivent les riffs cyclopéens et les machines écrasantes, la lumière révélant le reste de son groupe. Julie arrache son cocon facial et on reconnait autour d’elle à la batterie Chris Enriquez, vu plus tôt ce matin avec Spotlights et le reste du groupe de « Ridiculous and Full of Blood ». Les yeux se tournent naturellement vers Johannes Persson, qui par un certain album de Cult of Luna aura permis à tout une génération de découvrir la chanteuse.

D’une sincérité bouleversante, Julie s’arrache les sentiments qui lui pèsent, pour les poser tout dégoulinants sur le devant de la scène. Entre comptines, refrains hurlés et post-metal perçant, on en ressort lessivés, l’âme essorée et décolorée. Comme ça a pu être le cas avec Envy ou Botch les années précédentes, on sait à ce moment-là qu’on vient d’assister au meilleur concert du festival.

Suicidal Tendencies

Ces dernières années, les shows de Suicidal Tendencies se suivent et se ressemblent un peu. On sait bien que la stage invasion est prévue et qu’elle interviendra bien trop tôt, ou que Mike Muir va courir partout et s’essouffler dès la première chanson… Mais ST reste ST et tant qu’ils reviendront on sera là pour chanter leurs tubes à l’humour grinçant.

On trouve quand même là-dedans un peu de fraicheur avec les nouveautés du line up : comme en 2022 c’est Tye Trujillo, le fils de Rob, qui tient la basse et on aperçoit derrière les futs Jay Weinberg, qui se console de son renvoi de Slipknot en ajoutant un nouveau groupe mythique à son tableau de chasse. Alors oui, à quelques détails prêts c’est toujours un peu pareil, mais on n’est toujours pas lassés.

Festival pluvieux, festivalier souffreteux. Comme pour le soleil, difficile de se planquer de la pluie au Hellfest. Est-ce que cela a joué sur notre appréciation de certains sets ? Peut-être. Est-ce que ça nous a fait quitter le navire ? Jamais ! Comme régulièrement, ce samedi aura brillé par ses scènes alternatives que par ses Main Stage et le coup de coeur revient donc assurément à Julie Christmas.

HELLFEST 2024 – JEUDI 27 JUIN

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