Certains festivaliers ont la première journée dans les pattes, d’autres débarquent pour les trois jours restants. L’équipe Visual composée de FooFree, Ross et Lopocomar est enfin au complet et continue sa course entre les scènes.
Wargasm
En arrivant devant la Mainstage 2 pour voir Wargasm on constate que le groupe est bien là, mais semble avoir un petit souci. Pendant une petite dizaine de minutes Milkie et Sam parcourent la scène de long en large pour tenter de régler le problème, puis décident finalement de commencer quand même. Il y a en effet un problème de son, mais au change on aura gagné un groupe deux fois plus énervé que d’habitude.
Il est encore tôt et le soleil de 13h tape violemment sur les têtes des guerriers déjà présents mais la verve des anglais réussit à provoquer de jolies petites bagarres. Le set atteindra son point culminant sur le hit prodygiesque « Do It So Good ». On voulait voir Wargasm et on les a vus, mais maintenant on aimerait sûrement réitérer l’expérience en salle.
Textures
Direction l’ombre salvatrice de l’Altar pour aller voir les récemment reformés Textures. Les amoureux de technique sont tous là et ils ne sont pas déçus. Tout est propre : le chant aérien du Daniël, l’exactitude des musiciens, leurs mouvements coordonnés… Morceau après morceau, le groupe irradie de propreté et envoie ses vagues désinfectantes sur un public ravi. Quand ils sortent de la tente, les spectateurs ont les cheveux lisses, sentent le déodorant et ont pris + 10 points de QI. A moins que ce soit juste l’état normal des fans de prog.
Karnivool
Les pieds posés pour la première fois au Hellfest, c’est Karnivool qui me servira de baptême du feu. Un mélange de rock progressif et de néo-métal à l’efficacité imparable. Complètement inconnu à mes oreilles, ces australiens aux 10 ans de carrière savent tenir une scène et ont su piocher ce qu’il y avait de meilleur de deux genres compliqués pour obtenir un résultat idéal pour se mettre dans le bain. Quelque part entre Tool et Incubus, ces mecs possèdent une chanson nommée ‘Roquefort’ dans leur répertoire : leur succès en France n’en est donc que trop faible.
Speed
Speed s’était fait connaitre pendant le Covid. Pour un groupe dont le style s’apprécie principalement en live, c’était un peu le comble. Depuis la réouverture des salles le gang appelé Speed a pu quitter son Australie pour faire profiter le monde entier de ses gros riffs de beatdown et coups de Nikes dans la gueule. A fond à tous points de vue, le chanteur Jem Siow nous expliquera qu’il a quitté son job l’an dernier pour se consacrer entièrement au groupe et qu’ils jouent au Hellfest le dernier concert d’une tournée de quarante-six dates.
On ne dira pas qu’ils révolutionnent quoi que ce soit, mais leur attitude et leur état d’esprit suffisent à nous mettre directement tout au fond de leur poche. Enfin, on remarquera toutefois le tant attendu et proprement exécuté solo de flute traversière sur le break de « The First Test ». Déjà iconique.
Planet of Zeus
Gaupa étant à la bourre, ce sont les grecs de Planet of Zeus qui se dévouent pour prendre leur slot sur la Valley. Fiers représentant d’une scène fuzzo-héllénique plus vivante que jamais, les résidents jupitériens sont venus nous faire gouter leur recette ultra-testostéronnée.
Quelques influences 70’s, un gros feeling bluesy et des mélodies aussi groovy qu’offensives. La fin du set est d’une efficacité redoutable avec des refrains immédiatement assimilés pour être tout de suite chantés en chœur. Au bout de la petite heure qui leur était attribuée on est en tout cas totalement convaincus et prêts à rejoindre leur gang pour hurler à la lune et partir faire la bagarre dans les bars.
Fear Factory
En fans peu hardcores mais qui ont comme tout le monde aimé Fear Factory fut un temps, on se devait d’aller passer une tête pour aller voir ce que donne en 2024 la bande à Dino. En fan peu hardcores, on arrive donc alors que le set est déjà largement entamé, mais tout de même à temps pour l’enchaînement « Demanufacture » / « Replica ». En fans peu hardcores, c’est aussi la première occasion qu’on a de voir le nouveau chanteur Milo Silvestro, arrivé l’an dernier.
Alors ça donnait quoi ? Le son est propre, moins froid et punitif que sur album, on a l’impression d’assister au fameux syndrome constaté aux lives de Ministry : c’est moins personnel, mais ça plaira à tout le monde. Le Milo mènera bien sa barque, souvent assisté de force reverb. Les 300 auditions du Dino ont payé et il a trouvé quelqu’un qui sait à peu près crier. On appréciera aussi ses efforts pour motiver le public, allant jusqu’à compter en français pour nous faire plaisir. L’expérience nous aura en tout cas donné envie de suivre les prochaines sorties du groupe. Peut-être que d’ici là on sera devenus des fans un peu plus hardcores.
Gaupa
Gaupa c’est du stoner suédois. Si vous êtes déjà en train lister tous leurs compatriotes qui ont participé à faire renaitre le genre pendant les années 2000, sachez que vous faites fausse route. On est assez loin du stoner 101 et plus proche du côté 70’s de la force. Mais là vous imaginez Blues Pills… et on évitera quand même de les mettre dans le même sac.
Non, comme le laisse penser le « Mammon » d’ouverture et sa longue intro psyché, le groupe essaye de proposer autre chose et se retrouve souvent assez prog. Si on ajoute à ça que la chanteuse Emma, déguisée en corbeau ce jour-là, ne se contente pas d’imiter les chanteuses de l’époque mais part souvent sur des phases rappelant assez clairement Björk, on a là un cocktail assez intéressant.
L’invitation n’est donc pas à la bagarre, mais à onduler gentiment en observant les danses aussi libres que contemporaines d’Emma, pour mieux se faire transporter par les compos élaborées de ses comparses. L’entrée dans leur délire se fait lentement mais sûrement et on finit par atteindre la même étrange longueur d’onde qu’eux et repartir satisfaits.
Harm’s Way
La Warzone est déjà pleine à craquer pour attendre Harm’s Way. Est-ce la faute d’un meme dont la popularité ne s’est jamais éteinte ? Ou parce que le guitariste représente 50% de HardLore ? Ou parce que ça défonce ? Probablement un peu des trois.
Le physique de James impressionne forcément, mais la vraie claque vient du son, à peu près aussi épais que lui. On remarquera une reprise du « Propaganda » de Sepultura réarrangé à leur sauce pour un résultat hyper cohérent. Si l’originale se termine plutôt calmement, la traduction des mêmes riffs chez Harm’s Way donne un énorme break sauvage qui a dû faire le bonheur de quelques dentistes.
Le concert s’achève sur l’obligatoire « Infestation », qui déclenche, les réactions attendues et quelques sourires béats parce que « Il a fait le truc ! Il a fait l’homme qui court ! ». Mais aussi parce que le morceau est d’une violence folle et qu’une fois achevé il ne restait plus un coquefredouille pour contester la suprématie d’Harm’s Way, désormais bien établie.
1000MODS
Welcome to Chiliomodi Valley! Les seconds représentants de la délégation grecque débarquent avec un énorme drapeau arc en ciel, pour faire fuir les homophobes, et un énorme volume sonore, pour faire fuir ceux qui auraient oublié leurs bouchons. La Valley reste pleine et on peut voir des sourires sur toutes les lèvres, preuve qu’on est entre gens de bonne compagnie et que tout le monde est bien équipé.
1000MODS a repris le versant punk de Kyuss et l’a musclé avec un son encore plus dense et rentre dedans. L’influence est d’ailleurs pleinement assumée et il suffit de fermer brièvement les yeux pour croire que John Garcia aurait encore trouvé une excuse pour s’incruster au Hellfest.
Leur réputation n’est plus à faire mais ils rappelleront une nouvelle fois que leur nom est à inscrire en gros aux côtés de ceux des autres patrons de la scène. On comptera de beaux circle pits et un niveau de fête qui ne redescendra pas jusqu’à l’enchainement final avec trois titres de leur classique « Super Van Vacation » : « El Rollito », « Vidage » et « Super Van Vacation ».
Steel Panther
Parodie ou relecture premier degré de Motley Crue, les Steel Panther ont leurs habitudes au Hellfest puisqu’il s’agit de leur quatrième venue en 12 ans, dont la dernière fois en 2022. Vannes vaseuses, graveleuses, misogynes et racistes au menu : on se demande comment ce set peut exister mais cela semble quand même marcher. Il faut reconnaître que ce hard rock FM de beauf est efficace et que le ‘’Wall of Nichons’’ en fin de show a su engager plus d’une centaine de supportrices sur scène. Allez savoir si la blague est à nos dépends mais même si le sourire est souvent jaune et gêné, on n’aura pas passé un mauvais moment devant ces panthères métalliques.
Tom Morello
Le concert de Tom Morello commence avec un public dans l’expectative devant un morceau de son prochain album. Et ce sera à peu près le cas pour tous les titres moins connus de son répertoire. Heureusement le Tom n’est pas fou et a prévu au cours du set quelques sessions où il enchaîne en accéléré quelques titres de Rage Against The Machine pour garder l’attention de tout le monde.
Si les reprises passent très bien en instrumental grâce au son inimitable du maître riffier, le résultat sera plus douloureux quand il tentera de faire chanter son groupe, qui ne comprend clairement personne au niveau de Zack de la Rocha, Chris Cornell, ou même Oli Sykes.
Mais la principale motivation qui justifiait notre impatience, c’est qu’après des années d’attente on a enfin pu voir certains titres propres à Tom Morello, inaccessibles à nous pauvres français dans tout autre contexte. On avait bien sûr aucune chance de voir un jour The Nightwatchman et le fait d’enfin voir « One Man Revolution » fait clairement naître une émotion. Et quand un peu plus tard on nous gratifie du « The Ghost Of Tom Joad » dans sa version Bruce Springteen avec son solo joué note pour note… on peut dire que ça fait quelque chose.
Impossible aussi de ne pas évoquer la reprise de « Like A Stone » d’Audioslave en hommage à Chris Cornell, qui nous mettra toujours dans des états pas possibles. Une version instrumentale comme aux concerts de Prophets of Rage aurait peut-être été encore plus puissante, mais ne pas aller jusque-là nous aura sûrement permis de garder un semblant de dignité.
Enfin, meilleure blague quand Tom nous explique qu’il va nous jouer une chanson traditionnelle française… qu’on nous apprend tous à l’école… qu’on cherche un moment ce que ça pourrait être… et qu’il lance « Killing In The Name ». Rien ne battra jamais la puissance fédératrice de cet hymne. Le public se transforme en énorme karaoké bagarre, et tout le monde est alors avec lui pour une conclusion sur le « Power to the People » de John Lennon tenue ad libitum.
Acid King
L’an dernier Acid King nous avait promis son album le plus trippy, et avait tenu sa promesse avec « Beyond Vision ». Lori avait une nouvelle fois entièrement remanié le line up avec Bryce Shelton à la basse, Jason Willer à la batterie et… le guitariste/chanteur de Black Cobra Jason Landrian, qui avait participé à la composition et à la production.
Mais en tournée exit le John, pour sa formation live Acid King est revenu aux fondamentaux avec un power trippy trio. Et il n’en faut pas plus pour nous emmener très loin. L’itération 2024 du groupe a en effet décidé d’assumer pleinement le narcotisme de ses riffs aussi lents que profonds, pour un effet décuplé.
On nous promet un petit trajet d’une seconde lumière alors tout le monde se met en route avec le psych pour destination. Escortés par la 2 Wheel Nation, on va vite, on prend des risques et on ne redescend de l’espace que lorsque Lori nous invite tous à lui rendre visite aux bois de Busse Woods. Le voyage s’achève comme le dernier album, au-delà de la vision avec ses deux dernières tracks, l’occasion de vivre en live le monumental « Color Trails ».
Acid King a toujours été grand, mais ce soir on pouvait parler de transcendance. Le jour où l’Apocalypse viendra, on ira tout de suite récupérer une moto pour rejoindre la tribu de Lori.
Machine Head
A part Supercharger très populaire à l’époque où le néo-métal était sur le toit du monde, ma connaissance de la musique de Robb Flynn est proche de zéro. Le leader du groupe déborde de charisme et porte la scène sur ses larges épaules. Il a pour caractéristique de prononcer le nom du festival tous les 10 mots afin de montrer qu’il ne va pas lâcher un public qu’il a dans le creux de sa main. Un concert aux allures de rouleau compresseur où la subtilité n’est pas forcément au rendez-vous mais on s’en fout.
Fu Manchu
Direction la Valley pour aller voir Fu Manchu et j’avoue, j’avais oublié que je les avais déjà vus, ici même au Hellfest. Mais il n’aura pas bien fallu longtemps pour que je m’en rappelle. La raison est simple, Fu Manchu fait partie de ces groupes de stoner qui ne viennent pas pour faire semblant. Rythmé et mené tambour battant par ses membres, c’est bien l’énergie de la formation américaine qui a réveillé les souvenirs d’un set précédent déjà marqué de cette fureur scénique. Le public ne s’y trompe pas d’ailleurs et ne tardera pas à suivre le groupe à base de slams et autres pogos nocturnes. Décidément une valeur sûre de la scène.
The Prodigy
Que faire lorsque le membre le plus rock de son groupe est décédé ? Reprendre la route, lui rendre hommage et ne pas lâcher la carte de l’agressivité. Aux premiers rangs des hostilités, nous avons provoqué les pogos pour célébrer l’un des groupes de notre adolescence via l’indéboulonnable The Fat Of The Land sorti un 30 juin 1997. Un show puissant, très orienté dance avec un Maxim toujours aussi clivant. Nul et statique selon certains, bon ambianceur pour d’autres. Les 16 titres se boucleront sur la flottante ‘Out of Space’ qui nous rappellera que l’heure vingt en leur compagnie est passée très très vite. Les lumières sur l’intro de ‘Firestarter‘ avec l’iconique coupe de cheveux de Keith Flint sous forme de minute de « silence » nous ont émus comme il le fallait et le reste du set aura fait grimper la dose d’adrénaline au sein du public. Un best-of représentant avec force une belle partie de la discographie du groupe en étant bien plus qu’une playlist sous stéroïdes. Avec leurs descendants Wargasm pour démarrer la journée, on pourra dire que la boucle a été bien bouclée en ce vendredi.
Du soleil, de la variété, de la surprise, des gros bangers et de l’ambiance : ce vendredi sentait bon le week-end qui démarre et nous a régalé du début à la fin.