Outrageusement plébiscité au sein de l’équipe et des bilans 2017 de nos différents chroniqueurs à juste titre, « Brutalism » le premier album d’Idles avait fini par me taper à l’oreille aussi, c’est donc plus qu’émoustillé que je me suis rendu à l’Aéronef pour aller voir la formation anglaise défendre son disque. C’est donc dans une salle en mode club (coupée en deux donc) que le public se retrouve collé serré après que j’eus raté les locaux de Bison Bisou (que l’on retrouvera vite au sein de nos colonnes) en raison d’un souci administratif d’accréditation. Dommage.
LA BAGARRE !
C’est malgré tout devant la scène que je me retrouve pour apprécier ce concert que j’attendais. Au plus près. Et c’est Joe Talbot, seul, tout vêtu de blanc, sans prévenir, qui entre sur scène pour s’en emparer. Pas un mot, pas un regard au public, juste la concentration et c’est au tour des musiciens de se saisir de leurs instruments respectifs pour attaquer leur set sur le titre « Colossus », ne cherchez pas sur l’album, elle n’y est pas car il s’agit tout simplement d’un nouveau titre du groupe, car oui, le groupe nous gratifiera bien évidement des titres de son premier album mais aussi d’enthousiasmantes inédites comme « Great », « Samaritans » ou encore « Rottweiller » qui s’annoncent dans la pure lignée des compositions existantes.
Faussement dans la retenue, Joe martèle de son timbre de voix ultra grave ses refrains pendant que les musiciens semblent déjà bien au taquet. Il suffit de voir le guitariste Mark Bowen se tortiller dans tous les sens, simplement vêtu d’un short de boxe pour comprendre que ce concert sera physique, sans concession, aussi épuisant et intense qu’un combat du noble art. Dans le coin bleu, les fieffés anglais décidés à nous en mettre plein la tronche dans les règles de l’art, dans le coin rouge, le public de l’Aéro, chauffé à blanc et bien au courant qu’il va faire office de sparring partner dans une confrontation perdue d’avance pour notre plus grand bonheur. Ainsi, Idles va nous assommer coup sur coup de ses titres rageurs avec l’inévitable « Mother » ou encore « 1049 Gotho ».
NanananaèrEEeUuUuh !
Difficile de ne pas déceler ce subtil mariage de puissance punk et d’ironie propre aux anglais, ainsi on ne s’étonne pas de les voir reprendre « All I Want For Christmas Is You » en mode bisounours pour mieux nous reprendre de volée avec un subtil mélange de bordel musical tout en contrôle, qui ne faillit jamais et finit de mettre le public dans les cordes, qui en redemande, mais ne plie pas ! Pas question ! Pas maintenant ! Se relever encore et encore pour épuiser la soirée, les musiciens n’hésitent pas même à venir au corps à corps, se jetant ainsi dans le public pour jouer de la gratte ou encore organiser un sitting. On ne pourra pas reprocher au groupe de ne pas communiquer, remerciant le public de sa présence, lâchant parfois même des mots en français, mais toujours doté d’une conviction sans faille, regardant le public les yeux dans les yeux, Talbot enchaine les uppercuts vocaux, soutenus par une pluie de riffs assénés en crochets du droit par Lee Kiernan (second gratteux) et Adam Devonshire (à la basse) quand Bowen nous reprend en crochet du gauche, on ne sait plus où donner de la tête, la batterie de Jon Beavis, venue du fond de scène finissant de nous achever. Les guitares se croisent, s’enchevêtrent, se bousculent mais derrière ce chaos, une approche méthodique, concentrée et faussement nonchalante.
Le public chavire, vascille, jette ses forces dans la bagarre, réagit, pousse, mais rien à faire Idles a les pieds bien calés au sol et continue encore et encore d’avancer, masquant parfois son jeu par des paroles presque délirantes, des refrains de branleurs presque en mode « nananère » mais non, en fait, toujours cette ironie mais aussi cette détermination musicale avec un set impeccable de bout en bout, comme ce titre final « Rottweiller » qui finit d’achever le public. Ce soir le public est KO debout, Idles déclaré champions du live en cette fin d’année.
Décidément, il n’y a rien à faire. Parfois, on vous annonce un groupe en mode bulldozer, on a beau s’entrainer, se préparer, n’en reste pas moins qu’une réputation est souvent justifiée par avance. Et même quand on s’avance tel un rookie prêt à défier le champion du moment, aussi jeune soit-il, on se doit de reconnaitre la puissance de celui-ci. Ici, Idles n’a pas fait de détails et l’a fait dans les règles, avec tout le respect dû et la sincérité qui caractérisait déjà un « Brutalism » sans concession, mais réfléchi de bout en bout et l’anarchie scénique ne faisait que cacher la maîtrise en puissance du quintet venu de Bristol. Merci messieurs d’avoir confirmé nos espoirs et désolé pour la chenille en fin de concert sur « Gabrielle » pour saluer la disparition du grand Johnny mais c’est aussi ça le punk.
J’en profite pour remercier Marion de Differ-Ant qui a assuré pour sa réactivité et cette accréditation ainsi qu’à mon cher Lopocomar pour ses recommandations musicales souvent justes !
SETLIST
Colossus
Faith in the City
Mother
Great
1049 Gotho
Divide & Conquer
White Privilege
Heel/Heal
Samaritans
Benzocaine
Lovesong
Exeter
Well Done
Rottweiler