Bizarrerie sortie d’une galaxie lointaine, Fat Dog est la nouvelle surprise issue du prestigieux label Domino Records. Connu depuis août 2023 via un single cinglé, les voici avec leur premier album WOOF! disponible aujourd’hui. Météo, fromages, anecdotes de tournées et chansons, voilà le menu de ce que nous avons abordé avec Joe Love et Chris Hughes respectivement grand manitou/chanteur et clavieriste du groupe.
WOOF! est votre premier album mais on entend parler de vous depuis le mois d’août 2023 avec ‘King of the Slugs’. Comment est né le groupe ?
Joe : Je jouais de la musique seul chez moi, dans ma chambre pendant le COVID. Ensuite, le groupe s’est formé sur le tas. Des gens sont venus, d’autres sont partis. Chris est arrivé. D’autres personnes sont encore parties. Encore aujourd’hui, il y a beaucoup de mouvements dans le groupe. Je connaissais Johnny et Ben via l’école.
Chris : J’avais l’habitude de les voir en concert et j’ai réussi à m’incruster.
Une question qui paraît stupide mais évidente quand on écoute l’album : à quel moment une chanson de Fat Dog démarre et prend forme ?
Joe & Chris : Ca peut démarrer avec un sifflement, un claquement de doigts ou de mains. Une partie de piano sinon. Mais principalement, via un début de maquette fait sur ordinateur.
Vous faîtes partie des rares artistes à avoir travailler avec James Ford dès votre premier album. WOOF est issu de 3 sessions de travail : avec lui mais aussi avec Jimmy Robertson et entre vous. Comment s’est passé la rencontre et le mariage final entre les trois types de productions ?
Joe : On s’est rencontrés en jouant au billard. Plus sérieusement, c’était chez lui. Domino nous a conseillé de travailler avec lui, cela semblait évident pour eux et on se doutait qu’il savait ce qu’il faisait. Ensuite, tu commences à travailler et c’est parti. Il n’y a rien de magique dans cette rencontre.
A l’écoute du disque et de sa variété, on imagine qu’il aurait pu y avoir 50 versions différentes.
Joe : Rien que pour ‘King Of The Slugs’, on doit avoir 20 versions différentes. En fonction des producteurs avec lesquels on a travaillé. La version qui est sur le disque est pour nous la meilleure. Avec un peu de chance.
Il se passe énormément de choses dans vos chansons. Aussi bien dans la musique que dans les paroles. Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Joe : Tout démarre quand je me concentre sur une situation, un contexte particulier. Lorsque quelqu’un t’a énervé ou que quelqu’un t’a brisé le coeur. Ca peut être aussi très trivial et débile comme lorsque quelqu’un te prend trop de tabac pour rouler sa clope, ce qui a amené par extension l’histoire de la chanson ‘Vigilante’ : quelqu’un qui décide de se faire vengeance lui-même en Arizona.
D’ailleurs, tu déroules l’idée d’une chanson rapidement en général ou cela génère de nombreux allers-retours ?
Joe : Dans notre société, on parle souvent de la faible attention des gens. J’ai moi-même une capacité de concentration assez mauvaise donc j’essaie de faire ça vite.
Chris : C’est le cas de tout le monde. Il y a d’ailleurs ce débat sur la pertinence du format album aujourd’hui car rares sont ceux qui ont envie d’écouter un album en entier.
Joe : C’est très rare que j’écoute un disque entier sans l’interrompre. Ou alors si, mais lorsque j’étais plus jeune et que je fumais beaucoup de weed. On s’attend aussi à ce que des personnes plus âgées nous reprochent que le disque est trop court.
Avec un projet aussi spécifique, je me doute que le choix du label a du être une question qui a nécessité beaucoup d’attention et de question. Comment s’est fait la rencontre avec Domino et à quel moment vous vous êtes dits que vous étiez entre de bonnes mains ?
Joe : On a eu un bouche-à-oreilles assez important à Londres mais Domino a été le seul label à nous contacter. On a senti qu’ils étaient là pour la musique et non pas pour l’aspect commercial. En tout cas, pas d’une manière où ça a pu être gênant. C’était aussi pratique car c’était le plus proche de chez nous, aussi bien pour les locaux que pour les studios. (rires)
Chris : Nous avons eu aussi des contacts avec Island mais on sentait que Domino nous appréciait, nous faisait confiance et c’était réciproque. On a beaucoup aimé le contact avec les gens qu’on a rencontré là-bas.
Au moment de cet interview, vous avez 4 singles pour autant de clips. Comment vous travaillez cette partie qui ressemble à des courts métrages hallucinés ?
Chris : Un de nos amis réalise la plupart des clips. Mais en ce qui concerne l’histoire qui se cache derrière, celui d’I am the King reprend un fait divers belge que l’on a vu passé. Un gars pensait que sa famille ne s’intéressait pas de lui alors il a mis en scène sa propre mort. Jusqu’à l’enterrement où il est arrivé en parachute, pendant la cérémonie. On a donc pompé l’intégralité de l’histoire.
Vous avez à la fois la chance et le courage de jouer vos concerts devant un public qui découvre vos morceaux. Avec la sortie du disque , cet effet de surprise disparaîtra. Est-ce que vous y pensez et à quel point ça va influencer vos sets ?
Chris : C’est assez bizarre pour nous parce qu’on arrive à un point où certes l’album n’est pas sorti mais on se retrouve à jouer déjà plusieurs fois devant des personnes que l’on connait. Lorsqu’ils viennent nous soutenir à un show dans une salle comme l’Electric Brixton à Londres, on a limite l’impression de les arnaquer. On a essayé de faire de nouveaux morceaux une semaine avant ces concerts là pour les surprendre. C’était à l’arrache, tu pouvais le sentir mais ça nous permet d’amener de la nouveauté.
Je vous ai vu lors de votre passage à Paris pour le Pitchfork Festival en novembre dernier. C’est une fête avec des costumes, de la folie, de l’excentricité. Vous le faîtes autant pour le public que pour vous, non ?
Chris : Tu le sens assez rapidement quand la foule est stimulée par ce que l’on fait ou non. Parfois, tu te retrouves avec des gens qui te regardent sans bouger pendant la totalité du concert.
Joe : Tu arrives à les avoir à la fin du set parfois. Et d’autres, pas. Ca vient assez naturellement. On est un groupe avec une musique assez énergique avec une faculté à improviser. Même si avec le temps, on peut sembler chorégraphiés.
Est-ce que votre batteur réussit à garder son masque de chien en permanence ?
Joe : Il y arrive mais ça devient très suintant et odorant cette histoire.
Chris : Il le balance parfois dans la foule et on doit lui en acheter un nouveau. C’est assez drôle de penser que maintenant, il doit y avoir des masques de chiens puants et collants à travers les villes où l’on a joué.
Joe, tu as fait tes armes au The Windmill. En jouant là-bas dès tes 16 ans, le seul moyen de pouvoir y entrer et rester tout étant mineur. Peux-tu nous décrire l’ambiance du lieu qui est devenue culte avec son activité des 10 dernières années ?
Joe & Chris : Une fois que tu as pu passer à travers les couches de transpiration qui imprègne les murs depuis dix ans, c’est vraiment une salle très cool. Le promoteur de la salle est vraiment quelqu’un de bien. Il donne sa chance à tout le monde. Je ne saurais pas te dire quel goût il a en musique mais il sait organiser des belles soirées et il reste curieux dans le bon sens du terme. Tu te sens bien là-bas, les gens vont bien ensemble et il essaie de payer les groupes correctement. Même si le set ne lui plaît pas, il ne te dit pas d’aller te faire foutre mais de devenir meilleur et de revenir. Plus d’une vingtaine d’ingénieurs du son ont du passer par là, ce qui paraît dingue mais qui en dit long aussi sur le fait qu’une fois que tu as bossé là-bas, tu es prêt pour jouer à peu près n’importe où.
Récemment, vous revenez d’une tournée aux Etats-Unis. Comment ça s’est passé ?
Chris : On a joué une douzaine de fois : c’était dans le cadre de South By Southwest et on a pu jouer à New-York, c’était fou. A la fin, on était comme des zombies. Par contre, on n’a rien compris au système de pourboires.
Dans les prochains mois, on a quelques semaines de repos mais on a des grands moments qui nous attendent avec Glastonbury notamment, des festivals en Europe cet été et peut-être l’Asie et l’Australie d’ici la fin de l’année. Je pense que notre saxophoniste va y fondre comme un cornet de glace en plein été. (rires)
Quelle est la dernière chose qui vous ait fait rire ?
Chris : J’adore regarder Joe courir après un bus. Mais la dernière fois que ça m’ait arrivé, c’était hier. Nous étions à Bruxelles, j’étais aux toilettes et j’entends quelqu’un taper à la porte de manière urgente en disant en français : ‘Mon ami, mon ami.’ Le temps que je sorte, je vois un père de famille avec ses deux enfants. L’un des deux avait déjà commencé à se pisser dessus, je n’ai pas pu m’empêcher de rigoler.
NDLR : on vous a épargné lors de la retranscription une discussion nourrie autour du petit-déjeuner en France, du combo café/Maroilles que l’on peut voir dans Bienvenue chez les Ch’tis ou la reconversion professionnelle des cadres urbains désabusés en fromager.