INTERVIEW – FEET

Avec un nom à vous effrayer lors de vos recherches Google, FEET est l’un des secrets les mieux gardés du rock anglais. Plutôt bercés par la brit-pop que par la frénésie post-punk, ces quatre potes dans le vent ont sorti leur deuxième album Make It Up en juin dernier et étaient dans les valises de la tournée européenne des Psychedelic Porn Crumpets.

Vous êtes à Paris pour la première partie de la tournée européenne des Psychedelic Porn Crumpets. Comment ça se passe ?

On est au top : la météo est bonne et on a eu l’occasion d’avoir un jour off à Paris, que demander de plus ? Notre arrivée à Montmartre où on loge était assez funky par contre. On ne savait pas trop où garer le van et comme on s’est fait voler notre matériel il y a peu, on est en alerte. On a donc rentré toutes nos affaires là où on loge et depuis, tout est merveilleux.

Il s’est passé 5 ans depuis votre premier album. Comment les choses ont démarré pour Make It Up ?

Nous avons pris ce temps pour écrire les chansons. Nous sommes chanceux, on a vécu ensemble pendant plus de deux ans. On partageait les pièces, les chambres, les cigarettes, on était vraiment très proches. On avait écrit l’équivalent d’un album au moment où la pandémie a démarré. Pendant le confinement, on a réécouté ce qu’on avait et on a trouvé que c’était désarticulé et que cela manquait d’une vraie direction. On a donc redémarré de zéro pour trouver le son qui nous fallait.

Le premier album était déjà une collection de chansons, plus qu’un album à proprement parler. On voulait que celui-ci soit cohérent et consistent. ‘The Real Thing’ a fait partie des deux premiers titres qui ont posés les bases de ce disque en termes de son et de composition. Après, nous avons pris quelques mois pour l’enregistrer.

Entre temps, vous aviez aussi sorti un EP au son très différent.

On aimait ces titres mais il n’y avait pas de quoi en faire un album entier. Nous ne voulions pas jeter ces morceaux à la poubelle, ils nous ont permis d’arriver là où on en est et c’est d’ailleurs le but de notre démarche : de trouver ce que sera l’étape d’après. Ça nous a permis d’être plus efficace et de savoir ce qu’on voulait.

 

Vos deux albums sont très fun mais on sent que la différence ici se joue au niveau des mélodies et de la manière dont les morceaux se répondent.

L’attrait pour la pop et les mélodies a toujours été là mais on avait l’impression plus jeunes qu’il fallait qu’on balance des chansons plus frontales. Pour les singles du premier album, je pense qu’on a choisi les mauvais morceaux. Par exemple, la chanson éponyme a été choisi mais n’en était pas vraiment un puisqu’il n’y avait pas de refrain !

On avait 18/19 ans au moment du premier disque donc chaque idée que tu as est la meilleure que tu n’aies jamais eu. L’excitation et l’intensité vont avec également, tu es jeune et si un de tes potes joue un truc fort, tu as envie d’y aller encore plus fort ! Ralentir le rythme ou jouer des titres plus calmes reflètent aussi notre état d’esprit actuel. On n’est plus dans une compétition entre nous non plus. Cela prend du temps aussi de s’entendre et de se comprendre au sein d’un groupe et de trouver un rythme de croisière pour produire des chansons. On avait seulement 3/4 morceaux dont ‘Dog Walking’ et ‘Wiggy Pop’ lorsqu’on a été signé par notre label et il nous en fallait 10 pour faire un album. Aussi, notre batteur nous avait rejoint 2 semaines avant d’aller enregistrer. Là avant d’enregistrer, il nous manquait 4 morceaux : on est plus productifs avec le temps.

Je vous ai découvert au All Point East Festival en 2018 à Londres où vous jouiez l’après-midi.

C’était super mais nous étions super frustrés de devoir partir après notre concert. Les Strokes venaient de démarrer quand on a démarré le van pour aller jouer un autre concert dans la soirée.

Comment s’est passé la collaboration avec Andy Savours à la production connu pour ses collaborations avec The Horrors et plus récemment Black Country, New Road ?

Le label nous a proposé deux noms dont celui d’Andy. Nous avons enregistré deux morceaux, un avec chaque producteur. C’était ‘The Real Thing’ pour Andy à Londres et ‘Better Than Last’ pour Ross Horton à Sheffield. La piste faite avec Andy est celle qu’on entend sur le disque. Il est super gentil, ça s’est passé très naturellement et en plus, il habite juste à côté de chez nous ! On a beaucoup aimé son éthique de travail, le fait de venir à des heures précises au studio et de refaire des prises pour être sûr d’avoir ce qu’on veut. La section rythmique sert de base à notre musique et ensuite les voix mais c’était aussi bénéfique pour les guitares parce que son approche privilégie le fait d’avoir des riffs accrocheurs et de ne pas trop en faire. Nous n’empilons pas les couches de guitares, nous ne faisons pas encore de shoegaze. Le genre est déjà bien occupé en ce moment. (rires)

Depuis la sortie du disque, on a fait quelques concerts chez les disquaires et c’est très plaisant en tant que chanteur d’avoir ces nouveaux morceaux parce que je sens vraiment la différence dans les compositions : on sent que le temps et la concentration dont nous avions bénéficié se ressent.

 

Les chansons sont remplies d’humour et c’est toujours très drôle de se pencher sur vos paroles. D’où vient votre inspiration ?

Nous sommes anglais, on ne sait pas faire autrement ! (rires)

‘En réalité, j’écris assez mal : la conjugaison me donne des migraines et je fais plein de fautes dans les messages que j’écris. Je m’inspire beaucoup de ce qui se passe dans la vie des gens autour de moi, je suis assez chanceux vis-à-vis de ça : il leur arrive des choses intéressantes. Je ne commence jamais par de grands thèmes ou une grande idée. J’accroche sur une phrase ou quelques mots qui attirent mon attention et j’essaie de donner un contexte à tout ça. Parfois, ce que je peux écrire me concerne personnellement et parfois non.’

Vivre ensemble en tant que groupe, ça doit être très drôle mais quand est-ce que vous déclarez que c’est le moment d’écrire des chansons ? Quelqu’un est chargé de sonner la fin de la récré ?

Maintenant, nous ne vivons plus ensemble. Mais nous étions dans la même maison au moment des confinements et comme il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire que de jouer, ça nous a servi. Les gens venaient et partaient. Notre salon était à l’étage, le studio au sous-sol et on appelait quelqu’un en haut si il manquait une guitare ou quelque chose d’autre. Il n’y avait rien de trop formel comme nous avions le temps. Il n’y avait rien de militaire et j’aime ça parce que ça ne veut pas dire que la composition était la seule chose que nous avions à faire ou partager. Ça faisait partie de notre journée. Pour ‘Sit Down’, on avait le morceau en 10 minutes. Pour autant, il y a énormément de chansons écrites à cette époque que nous n’avons pas gardé. C’est la force de l’idée que l’on avait à l’instant T qui faisait la différence. Si le début du morceau ne plaisait pas, certains retournaient jouer au foot. C’est souvent ce qui arrivait d’ailleurs : on avait besoin de finir un morceau et on demandait à un des footeux d’aller prendre une douche pour venir jouer.’

La scène musicale anglaise a toujours été vivace et incroyable. Ces 5/6 dernières années, on peut résumer la musique à guitares par le post-punk et une certaine vision du art rock avec Squid, black midi, Black Country, New Road. Vous n’entrez dans aucune de ses cases, comment vous vous sentez ?

Comme nous ne vivons pas à Londres à côté des bars à la cool, ce n’est pas comme si nous connaissions ces gens : c’est à une heure de train. Quand j’étais plus jeune, je prenais le train pour aller voir des concerts au Windmill et c’est comme ça que j’ai pu découvrir SHAME ou Goat Girl. Des groupes qui avaient de la nuance et une personnalité qui leur a permis d’émerger. Heureusement pour nous, nous ne sommes pas associés à cette scène car en termes de son, nous sommes très éloignés. Tout ce qui est lié au post-punk peut être très vaste. Peut-être qu’on se rapproche plus d’un Dry Cleaning mais si on prend l’exemple de Sleaford Mods, ils ne sont pas post-punk et pourtant on leur donne cette étiquette.

Vous avez eu l’opportunité d’être sur des premières parties de groupes très connus. Comment se vit ce genre de dates ?

Ça dépend. En 2017, nous avons ouvert pour Declan McKenna et le groupe existait depuis moins d’un an. Deux ans avant, je prenais une guitare dans mes mains pour la première fois. Nous savons que depuis ces shows, nous avons gardé des fans pour la vie. Parfois, c’est merdique parce que clairement, le son n’est pas réglé, tu n’as pas de production pour toi et le public ne vient pas pour te voir et c’est normal. On voit donc ça comme un challenge plus qu’autre chose. Inhaler et Declan McKenna sont les deux artistes pour lesquels nous avons pris le plus de plaisir : on a sympathisé, on s’est bien marrés, on était vus comme le groupe indé de l’affiche et on était bien considérés et positionnés. Il arrive aussi que tu fasses tes balances pendant que le groupe principal mange et dans ces cas-là, tu ne fais pas vraiment connaissance.

Pour l’univers graphique, vous fonctionnez comment ? George, tu participes activement à cette partie puisque tu as fait la pochette.

On est partis sur une première idée mais cela ne ressemblait pas vraiment à une pochette d’album. J’ai donc dessiné et après, j’ai tourné autour en prenant en compte l’avis des autres membres. Cela m’a pris des plombes. Je ne suis pas spécialement rapide dans la création mais je suis content des résultats que j’obtiens. C’est pareil pour les animations que j’ai pu faire pour le morceau Can’t Get In sorti avant Make It Up. Avec le temps, on se rend compte aussi que l’on aime ce qui est simple et on préfère tendre vers le «Less is More ».

A nos débuts, nous avions plus de budget pour les clips par exemple et ça s’est avéré contre-productif. Maintenant, nous faisons quasiment tout nous même. Sur un clip comme ‘Greasy Boy’ : on est devant la caméra, mon frère l’a shooté et on a fait appel à des potes pour les figurants. Et on est plus fiers du résultat final, ça nous ressemble plus.

 

Les clips de ‘The Real Thing’ et ‘Sit Down’ ont été plus pilotés par le label avec des idées qui nous ont été proposées. ‘Why Would I Lie?’  est une compilation de vidéos filmées lorsqu’on est allés tous ensemble à l’île de Wight. ‘Goodbye…’ c’est aussi un montage réalisée à partir de vidéos de nous que nous avons depuis 10 ans. On se sent plus investis et heureux du résultat lorsqu’on est en contrôle, ce qui est logique. Quand tu travailles avec une boîte de production, ils sont responsables de l’idée et de la vidéo finie donc tu dois faire des compromis. Autre exemple pour ‘Petty Thieving’ sur le premier album, c’est un clip qui était hilarant à tourner mais pour lequel nous avons eu plusieurs une douzaine de milliers de livres à dépenser. Cela nous a fait marrer mais ça nous paraît absurde aujourd’hui. Maintenant, nous sommes attachés à ce que l’image que nous mettons en avant soit le plus cohérent et le plus excitant possible par rapport à la musique que nous produisons.

 

Pendant le COVID, vous aviez aussi partagé des vidéos sur YouTube.

On avait eu l’idée du lounge où on s’amusait à enregistrer des covers et à faire des conneries histoire de rester occupés. Faire des conneries nous a toujours garder occupés et fait en quelque sorte que nous sommes encore ici aujourd’hui.

Quelle est la dernière chose qui vous ait fait rire ?

On a un horrible sens de l’humour et énormément de private jokes. Comme tous les gens qui vivent les uns sur les autres. Ce qui fait que ce que l’on trouve drôle n’a aucun sens pour d’autres. On passe notre temps à se gueuler des trucs par exemple. Mais la dernière, c’était après notre arrivée à Paris hier soir. On était le cliché ambulant des touristes : on ne savait pas où on allait, on a pris des vélos et l’un de nous s’est cassé la gueule. On a croisé des flics, il s’est relevé et on a filé très vite pour les semer.

FEET est un groupe drôle de loin comme de près. Avant un probable retour en France pour un concert en tant que tête d’affiche dans les prochains mois, leurs deux albums méritent votre attention.