Première interview en physique depuis février et quelle surprise ! C’est en direct d’une voiturette de golf au sein de l’un des studios de La Cité du Cinéma que nous avons interviewé Conor et Carlos des Fontaines DC. Présents en France pour l’enregistrement d’une émission chez France Inter et Echoes pour Arte, le guitariste et bassiste mais aussi pilote et co-pilote du jour reviennent sur A Hero’s Death et ses coulisses.
🇬🇧 ENGLISH VERSION BELOW 🇬🇧
Reprise des affaires.
3 mois après la sortie du disque, comment vous sentez-vous ?
Ces trois mois ont été bizarres : pas de tournée, enfermés chez nous. Maintenant, nous avons déménagé et nous vivons dans des pays différents. Nous ne nous étions pas vus pour un live. Je vis à Paris, Carlos à Madrid, Grian à Londres, Curley à New York et Tom à Dublin. Le groupe existe depuis sept ans et c’est la plus longue période sans être ensemble.
C’est drôle car hier soir à France Inter, vous donniez l’impression de n’avoir jamais cessé de répéter.
C’était génial de revenir jouer, c’était drôle car nous n’avons pas utilisé de pédales ou d’amplis depuis longtemps. Il a fallu recréer quelques automatismes. Jouer en groupe et devant un public nous a fait du bien.
L’album a été écrit sur la route et a été enregistré une première fois à Los Angeles. Comment vous avez réussi à travailler ?
C’était vraiment délicat. Nous étions très occupés avec un planning serré, toujours en tournée et notre vie était composé uniquement de concerts, backstages, chambres d’hôtel et de festivals. Nous avons réussi à car nous sommes retournés à Dublin avec les chansons. On les a toutes rassemblées et on s’est remis à bosser. Nous avons pris des bribes d’idées, les avons étoffées pour en faire de vrais morceaux. Même avec cette étape supplémentaire, je pense que les chansons reflètent le type d’environnement dans lequel nous étions, la fatigue, la déconnexion et la diversité. Le planning était assez maboule : en 5 jours, nous sommes allés à Copenhague, Barcelone, Moscou et Saint-Pétersbourg. C’est bizarre à quel point tu peux être habituer à te sentir comme une merde, au point de devenir un vrai connard. Au bout de quelques mois de repos, j’ai découvert que j’étais juste vraiment fatigué. Ça m’a rendu heureux car je me suis rendu compte que je n’étais pas en train de dégénérer. Le manque de sommeil, c’est le pire de tout.
Sur chacune des chansons de A Hero’s Death, c’est comme s’il y avait une phrase clé pour chaque chanson, qui permet de construire la chanson en crescendo. Comment avez-vous commencé le travail sur le plan des paroles ?
En allant à l’école de musique, nous avons pris conscience de l’importance d’ajouter ou retirer des choses dans une chanson. Beaucoup de groupes autour de nous à l’école de musique ont beaucoup compliqué les choses pour maintenir la dynamique avec de nouvelles parties ou instruments. Nous avons très vite réalisé que nous pouvions avoir une idée simple qui soit bonne doté d’un groove particulier. A partir de là, tu peux développer et faire durer le morceau. Pendant les arrangements, nous passons beaucoup de temps à retirer un instrument par exemple et à le remettre plus haut dans le mix pour lui donner plus d’importance. Pour reprendre la notion de crescendo dont tu parlais.
Prendre son temps.
Comment composez-vous habituellement : en jammant, à partir d’une démo ?
La plupart du temps, Grian apporte une démo ou une idée pour un refrain/couplet et nous partons de là. Ou bien cela se passe lorsque nous sommes dans la même pièce, sorti de nulle part. En jouant un bout de morceau qui mène à des discussions et puis on le joue indéfiniment. Il n’y a pas de méthode. Nous sommes encore en train d’expérimenter et nous restons ouverts. Peut-être que dans 5 ou 10 ans, nous devrons apporter des choses comme les cartes de Brian Eno pour booster notre créativité.
En termes de rythme, A Hero’s Death a tendance à ralentir la cadence avec No, Oh Such A Spring ou Sunny. Est-ce lié à la folle tournée que vous meniez au moment de l’écriture ?
Ce n’était pas intentionnel. Nous écoutions beaucoup de musique pour nous détendre après les concerts et je pense que cela se reflète sur les chansons. Cela a aussi à voir avec le succès du premier disque qui nous a donné confiance pour sortir des chansons plus lentes. Je pense qu’il est plus facile de faire un tube qu’une chanson lente. Tu risques de perdre l’énergie du concert et les gens n’attendent pas ce type de chanson de notre part. De nos jours, les gens apprécient les concerts et le moment présent, presque plus que la musique. Avec le retour que nous avons reçu sur Dogrel, nous avions la certitude que ces chansons étaient bonnes. Qu’elles soient lentes ou non.
« Quand nous étions à L.A., ça sonnait bien mais comme un groupe différent et c’était un problème. Même si c’était les mêmes chansons. »
C’est drôle comme les chansons des deux disques se marient bien en live. C’est la première fois que nous avons une setlist avec Dogrel et A Hero’s Death combinés.
Nous étions vraiment nerveux sur la façon de structurer ces sets à cause des différences entre les 2 albums et c’est super si ça marche pour l’instant car nous avons pris pas mal de temps pour les articuler.
Après Dogrel, vous avez finalement retravaillé avec Dan Carey. Qu’est-ce qui vous a incité à le choisir à nouveau ?
Nous sommes allés voir Nick Launay pour enregistrer l’album. Il nous a fait un album qui nous a permis de prendre conscience de la façon dont nous voulions que les chansons sonnent, grâce à lui. Et Dan a réussi à le produire comme nous le voulions. Il est dans une position où il nous a connu avant que quoique ce soit ne nous arrive. Il nous a vu jouer dans un petit pub de Londres, sans lumière ni système de sonorisation : c’était le noyau dur du groupe et il a trouvé cela spécial. Il a réussi à capturer cela sur le premier disque et il l’a fait encore uen fois. Tous ceux qui découvriront le groupe par la suite travailleront avec nous dans la perspective de ce que Dan a fait. Vous pourriez peut-être vous attendre à ce que nous sonnions plus gros par exemple, mais ce n’est tout simplement pas nous et il en est conscient.
Quand nous étions à L.A., ça sonnait bien mais comme un groupe différent et c’était un problème. Même si c’était les mêmes chansons.
Confusion et Evasion.
Quel est le premier souvenir qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à A Hero’s Death ?
Carlos : Nous étions à Athènes pour jouer au Release Festival. Nous nous promenions avec Grian autour du port sous le ciel bleu et le soleil, il faisait assez chaud. Nous écoutions la démo de « I Don’t Belong » que nous venions de terminer et nous étions très excités. Je l’écoutais en boucle. C’était vraiment libérateur, nous nous sommes laissés aller et ensuite la magie a opéré.
Conor : Je pense à la couleur bleue. Parce que lorsque nous jouions « The Lotts », nous avions l’habitude d’avoir des lumières bleues et nous étions fascinés par l’état d’esprit dans lequel il nous mettait, l’ambiance dans laquelle nous étions. J’ai essayé de le recréer momentanément avec les nouvelles chansons.
Quand vous avez annoncé A Hero’s Death, vous avez été très ouverts sur le fait que le succès et les tournées sans fin vous ont fait passer pas loin du split. Il est rare aujourd’hui d’avoir des artistes tenir ce discours sur la célébrité. Comment avez-vous trouvé les bons mots pour le communiquer ?
Je suppose que lorsque tu vis une situation inconfortable, tu te sens confus. Cette confusion vous conduira soit à l’auto-destruction, soit à essayer de la comprendre. Nous avons eu un peu des deux l’année dernière. En fin de compte, l’écriture a été une sorte d’évasion. Réunis dans une pièce, nous ne sommes pas un gros groupe, nous sommes des amis, alors nous nous sommes concentrés sur ce point.
À part France Inter & Echoes cette semaine, quels sont les plans pour promouvoir l’album ?
Peut-être qu’il y en aura d’autres de ce genre, mais je ne suis pas sûr qu’on ne puisse pas encore le dire. Nous sommes censés faire des concerts en magasin au Royaume-Uni dans les prochaines semaines mais nous ne savons pas si cela se fera à cause du COVID…
En raison de COVID_19 et du temps supplémentaire dont tout le monde a bénéficié, avez-vous commencé à écrire et à travailler ensemble sur le prochain disque ?
Oui, nous avons vécu séparément, mais nous avons fait des démos. Cela nous a permis d’explorer des idées par nous-mêmes et nous nous sommes envoyés des idées. Nous allons à Londres la semaine prochaine pour écrire et rassembler tout le matériel.
Quelle est la dernière chose qui vous fait rire en tant que groupe ?
Probablement le voyage dans cette petite voiture, il y a quelques minutes.
Et puis le fait de se foutre de la gueule de notre manager constamment en coulisses. Je pense qu’on a construit une relation grâce à ça. Il aime aussi ça, nous traiter de brutes et revenir nous voir en permanence.
Après un live appliqué et puissant au Studio 104 de la Maison de la Radio, Fontaines DC part donc discrètement vers Londres pour se retrouver, ensemble, pour les débuts du successeur d’A Hero’s Death. Une date à l’Olympia en avril 2021 et un Primavera dans la foulée nous permettront, si tout va bien de recroiser, leur route. En attendant, la session chez France Inter pour Very Bad Trip et la future émission d’Echoes combleront le manque !
🇬🇧🇬🇧🇬🇧ENGLISH VERSION BELOW 🇬🇧🇬🇧🇬🇧
Since February, our first physical interview is with Fontaines DC while they are playing for France Inter and Arte. From a golf cart with Conor Deegan and Carlos O’Connell, respectively bassist and guitarist. Their second album A Hero’s Death, touring and inspirations were the main themes of our road trip.
Back to business.
3 months after the record release, how does it feel?
It has been a weird 3 months: no touring and being locked up in our houses. We actually moved away and are living in different countries. We hadn’t seen each other for a while. I’m living in Paris, Carlos in Madrid, Grian in London, Curley in New York and Tom in Dublin. The band exists for seven years and it has been the longest time without being together.
Last night at France Inter, you played as you never stopped to practice.
It was great to get back playing but it was funny as we didn’t use pedals or amps for a while. We had to figure that out again for a sec. Playing as a band and in front of an audience felt good.
The album was written while touring everywhere and was recorded once in Los Angeles. How did it work basically?
It was really tricky. We were very busy with a tight schedule, always touring and got caught between gigs, backstage, hotels rooms and festivals. We managed to pull it off as when we went back with the songs in Dublin, we put them all together and added some work there. Taking small ideas and flesh them out to a proper idea. Even with this extra step, I think the songs reflects the kind of environment we were in, the tiredness, the disconnection from where you are, the diversity. The schedule was quite ridiculous: in 5 days, we went Copenhagen, Barcelona, Moscow and St Petersburg. And there was a French Festival on top of that. It’s so weird how used you are to feel like shit, to the point where you become a shitty person. After a few months, I discovered I was just really tired and was happy with it as I was not degenerating. The lack of sleep is the worst of everything. During the day, you can’t really go anywhere either between the cigarettes break, hotel rooms and gigs.
On the songs from A Hero’s Death, it’s almost like there is a catchphrase for each song. Allowing you to build the song with a crescendo. How did you start the work lyrically?
As we went to music college, we became really aware of putting things in and out of songs. A lot of bands we were surrounded by at the music college complicated things a lot in order to maintain the song going, the dynamic with new parts or sections. We realize we could have one simple idea that is good and has a vibe, a groove. You can develop this idea and keep it going. During the arrangements, we are spending a lot of time to remove an instrument for instance and then put it back in to build around it. As the crescendo you were talking about.
Building confidence.
How do you compose usually: jamming, starting from a demo?
It depends but a lot of time, Grian will bring a demo or an idea for a chorus/verse and we start from there. Or it can be in the room out of nowhere by playing a part which leads to discussions and then we are playing it indefinitely. There is no method to it. We are still experimenting and still open to it. Maybe 5 or 10 years from now, we will need to bring stuff like Brian Eno’s cards to challenge our creativity.
In terms of pace, A Hero’s Death can be slower with No, Oh Such A Spring or Sunny. Was it a consequence to slow down the pace you had while you were insanely touring?
It wasn’t intentional, maybe it was just the way we were feeling. We were listening to a lot a music to chill ourselves out from the gigs and I think it reflects on the songs. It has to do as well with the success of the first record which gave us confidence in releasing slower songs. I think it’s easier to do a banger than a slow song as there is a risk. You are risking the energy of the show and people are not expecting this type of song from us especially. In our days, people enjoy the shows and the moment almost more than the music. We had the confidence these songs were good, no matter if they were slow or not.
It’s funny how all the songs from both records are fitting live. It’s the first time we got a setlist with Dogrel and A Hero’s Death combined and the level of intensity of the slower songs matches the quicker ones.
We were definitely nervous on how we could structure these sets because of the differences between the 2 albums and it’s great if it’s working for now.
After Dogrel, you finally worked again with Dan Carey. He’s everywhere on the scene lately. What makes you work with him again?
We went to Nick Launay to record the album. He made us an album we became aware of how we wanted the songs to sound like, because of it. And Dan was able to put it out the way we wanted. He is in a position where he knows us before anything happened. He saw us played live in a tiny pub in London, with no lights or a proper PA system: it was the core of the band and thought it was special. He was able to capture that on the first record. He carried that as well on the second one. Anyone else who is discovering the band after is going to work with us with the perspective of what Dan did. You could maybe expect us to sound bigger for example but it’s just not us and he’s aware of it.
When we were in LA, it sounded good but like a different band and that was a problem. Even if it was the same songs.
Excitement & Escape.
What is the first memory coming to life from A Hero’s Death?
Carlos: We were in Athens playing the Release Festival. We were walking with Grian around the harbor under the blue sky and sun, it was pretty hot. We were listening to the demo of I don’t belong we just finished and felt really excited as I kept listening it over and over. This was really free and a lot of it was just letting ourselves go, some magic happened between all of us.
Conor: I’m just thinking about the color blue. Because when we were playing “The Lotts” live, we used to have blue lights on it and we were fascinated by the headspace it brought us into, the mood we were in. I tried to recreate it momentarily with the new songs.
When you announced A Hero’s Death, you were very open about the fact the success and endless touring almost got you. It’s rare today to have artists who are not going after fame and acclaims. How did you find the right words to communicate it?
I don’t know, I suppose you are in an uncomfortable situation you feel confused for a long time. This confusion will lead you either to self-destruction or trying to understand it. We had a little a bit of both last year. Ultimately, writing was a bit of escape. Reuniting in a room, we are not a big band, we are friends so we focused on that.
Except France Inter & Echoes this week, what are the plans to promote the album?
Maybe there will be some but I’m not sure we are not allowed to say it yet.
We are supposed to do in-stores shows in the UK in the following weeks but we don’t know if they will happen due to COVID.
Due to COVID_19 and the extra-time everybody got, did you start to write and work together on the next record?
Yes, we have been living separately but we demoed. Sending stuff and sharing ideas to each other. We are going to London next week to write and bring all the stuff together. This extra-time has been great to explore ideas by ourselves
What’s the last thing that makes you laugh as a band?
Probably the trip in this little car, minutes ago.
And then slanging our manager constantly backstage. I think we bond over joking over him. He enjoys it as well, treating us like bullies and coming back for the next round.