INTERVIEW – HA THE UNCLEAR

Ha The Unclear est un groupe de folk qui nous vient de Nouvelle-Zélande. C’est avant leur concert au Supersonic à Paris que nous avons discuté de leur nouvel album A Cul De Sac disponible depuis le 19 avril avec leur leader/chanteur Michael Cathro.

Commençons par le jeu des présentations pour cet album qui sonne comme un nouveau départ : peux-tu nous expliquer d’où vous venez, votre formation et ce qui vous amène jusqu’ici ce soir ?

On a commencé comme beaucoup d’autres groupes. J’avais des chansons d’un autre projet que je venais de quitter. J’enregistrais des chansons dans ma chambre, j’ai sorti un EP qui avait été bien reçu et je me suis demandé comment nous allions rendre ça en live. J’ai donc demandé à mon frère Paul de se mettre aux percussions à l’aide d’un carton et d’une bêche en guise de cymbale. C’était acoustique. Au plus on tournait, au plus ça marchait donc on a pu se permettre d’ajouter d’autres personnes à l’aventure et on a complexifié nos chansons.

A partir de là, nous sommes allés en studio et nous avons enregistré des albums plus travaillés que nous avons pu tourner en Nouvelle-Zélande où ça marche plutôt pas mal. Et voilà. Le constat de base, ça a été : comment on va jouer ses chansons que nous aimons à d’autres personnes ?

Votre goût pour la pop et les harmonies vocales est relativement à contre-courant de la scène musicale rock actuelle. Comment vous êtes vous tourné vers ce style plutôt folk et d’où viennent les racines de votre musique ?

C’est une bonne question et merci de le souligner. Notre musique vient d’une sorte d’anti-folk avec des artistes comme Moldy Peaches et Jeffrey Lewis. J’adore le fait qu’ils soient faussement naïfs avec cette facilité à dire des choses que tu n’entends pas ailleurs et qui avait un certain regard critique. Je me suis donc inspiré de ça et d’autres classiques comme les Beach Boys et The Hollies pour les arrangements vocaux. C’est pourquoi je pense que notre musique est éclectique et qu’il y a un espèce de flow assez léger qui nous laisse de la marge en termes de création. On peut y retrouver une influence de The Shins pour les mélodies ou de la new wave comme XTC et Gang of Four pour les guitares anguleuses. On n’avait pas vraiment envie de trouver une cohérence sonore à toutes les chansons mais plutôt de se laisser porter par la chanson qu’on était en train d’écrire.

Je voulais discuter les paroles : ce sont des observations de la vie mais avec un angle absurde comme sur ‘Secret Life of Furniture’ où tu donnes vie à une table basse. Comment se passe l’écriture pour toi ? C’est un muscle que tu travailles ou ça te vient comme ça ?

J’essaie de travailler sur des paroles en général pour libérer des pensées que j’ai en tête. Pour ce morceau, j’étais chez moi et j’ai commencé à me demander ce que penserait cette table basse de seconde main si elle pouvait parler. En 5 minutes, je suis donc parti sur cette histoire avec ce mélange de point de vue entre Toy Story et la Belle et la Bête. Parfois, ça fonctionne comme ça et sinon, je pars d’un sentiment général. J’essaie de ne pas être trop précis et de rester métaphorique. J’ai peut-être du mal à des mots spécifiques sur des sentiments et tourner autour m’aide à mettre le doigt dessus. Il y a aussi un équilibre à garder entre la structure et le chaos pour avoir quelque chose de nouveau à dire. Grâce à la musique, on trouve quelque chose que l’on ressent et on pense que d’autres personnes ressentent la même chose également et vont être d’accord avec nous.

 

Comme tu l’as dit, il n’y a pas vraiment de fil conducteur sur le disque. Comment vous avez fait pour y trouver une unité et de choisir les chansons au sein d’un album ?

On s’est concentrés sur les morceaux qui nous représentaient le mieux, aussi bien d’un point de vue sonore que musical. L’idée était aussi de montrer notre variété et pas seulement de ne choisir que des chansons rock très efficaces.

Au niveau de l’écriture justement, c’est un exercice collectif ou tu viens avec des démos pré-établies ?

Généralement, j’arrive avec les paroles et un squelette de chanson que je propose aux autres. Les paroles sont toujours là d’abord et ensuite, on essaie de trouver la musique qui va avec. On ne fonctionne pas en jammant contrairement à d’autres groupes.

Label français, cover des Rita Mistouko, A Cul de Sac en français dans le texte pour titre d’album : vous avez un lien particulier avec la France ou c’est un doux hasard ?

C’est l’alignement des planètes pour être honnête. Personnellement, j’ai vécu en Irlande et j’ai eu l’occasion de venir en France et j’ai adoré. J’ai appris la langue et ça m’a donné envie de m’y installer. J’ai étudié la philosophie et via mon cursus, j’ai lu et écrit beaucoup autour de Gilles Deleuze, Jean Paul Sartre, etc. Pour le label Think Zik, ils sont venus vers nous. Pareil pour ‘C’est comme ça’, on nous l’a envoyé et on a adoré la manière de chanter, l’ambiance et l’aspérité.

Elle donne quoi la scène musicale néo-zélandaise de l’intérieur ?

Il y a toujours eu une scène qui va et vient. Cependant, il est assez difficile pour les groupes de rester ensemble sur la durée car il est assez compliqué de tourner en dehors du pays. Après, il existe des groupes à succès comme Unknown Mortal Orchestra qui vient d’Auckland. D’où nous venons à Dunedin, il existe beaucoup de très bons groupes de musique indé mais c’est vrai qu’il faut pouvoir faire face à la concurrence des groupes européens et notamment des anglais.

Comme nous sommes loin et que la population est faible, ça peut être difficile pour prospérer. Le système gouvernemental est là pour aider l’industrie musicale en aidant les créateurs comme les producteurs et les ingénieurs mais pas les membres des groupes en direct. J’ai écrit une thèse l’an dernier sur la santé mentale des musiciens et une grande partie de leur bien être passe par le fait de se sentir reconnu et légitime en tant que musicien. Dans une société comme la nôtre, ça passe forcément par une réussite financière.

C’est quoi la dernière chose qui vous ait fait marrer ?

Hier, Stu a commandé à manger dans un restaurant une assiette de crevettes et il a du les décortiquer. Je ne vais pas avoir l’air très malin mais je n’avais jamais vu des crevettes comme ça et ça m’a fait un peu flipper et rire nerveusement. (rires)

En plus de déjà travailler sur un nouvel album, Ha The Unclear devrait revenir parmi nous. Dans l’intervalle, il te reste à écouter leur album tout juste disponible !