On ne va pas te faire l’affront de présenter IDLES ou Joe Talbot. Son chanteur est au moins aussi connu par sa présence, sa gouaille, que par son interprétation. « Ultra Mono » débarque pour tout éclater avec un vrai effet coup de poing et on en a parlé avec lui.
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Vivre le moment présent.
Joe, comment tu te sens à 3 jours de la sortie ?
Cet album me paraît juste, je le trouve génial. Je l’adore, c’est un cadeau pour moi, il m’a aidé à faire face au doute de soi, à l’isolement et j’y crois.
J’ai épluché toutes les reviews et interviews dispos ces derniers jours et le contenu est très centré sur votre engagement societal, politique, vos conflits avec d’autres groupes qui vous reprochent votre attitude ou votre posture. Mais on revient assez peu sur la puissance et la réussite de ce disque. Et pourtant, ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas fait botté le cul comme ça. Comment vous vous êtes mis à bosser sur le disque ? Est-ce que vous aviez des morceaux en stock de l’album précédent ?
Nous allons toujours de l’avant et ne regardons jamais en arrière avec notre musique. Jamais. Après la sortie de JOAR, nous avons beaucoup tourné et il y a eu ensuite un long moment de réflexion. J’ai commencé à douter de moi-même à cause de la quantité de shows et des endroits où nous avions joué. J’y pensais trop et je faisais plus attention aux remarques des autres au lieu de chercher ce sur quoi je voulais écrire.
J’avais des progrès à faire, pas seulement dans la musique mais aussi dans la vie. J’étais très perdu, j’avais besoin d’être sûr de moi. C’est là que j’ai trouvé le concept d’Ultra Mono. Cette acceptation de soi sur laquelle tu dois te concentrer pour parvenir à être dans le moment présent. Éradiquer le futur et le passé et profiter du moment présent et de mes proches. C’est là que j’étais et toutes les chansons viennent de cette période. Nous avions l’intention de faire l’album le plus libre possible. Le plus proche de nous, en termes de paroles, guitares, batterie, basse et son. Le disque le plus Idles possible, tout en étant aussi compact que possible.
Pour être honnête, j’avais adoré Joy as An act of Resistance tout en le trouvant très compliqué à écouter en entier. Pesant parfois et lourd dans l’ensemble. Ici, Ultra Mono reste plaisant quelque soit ton humeur ou le moment. Vous décrivez le disque comme un moteur et ça se ressent clairement dans le son et l’absence de temps mort. Est-ce que c’était dans vos intentions de sortir un disque fun ?
La musique vient toujours en premier et les paroles ensuite. Nous avons écrit en gardant la musique à l’esprit et il est important pour nous que l’album sonne comme un moteur, un tout qui ne fait qu’aller de l’avant. JOAR est censé être aussi un tout qui vous aide à aller de l’avant, à croire en vous et à être une meilleure version de vous. En tant qu’auditeur et aussi en tant qu’artiste, et je pense que c’est ce que nous avons fait. Il y a un sentiment de vitalité sur ce disque qui m’a aidé à traverser l’année qui vient de s’écouler. Cela m’a aidé à faire partie du monde, même si je n’en suis qu’une infime partie. Il est important d’être conscient de son importance et de sa futilité pour se sentir vivant.
Un « bol » de son.
La production est mastodonte sur ce disque et joue aussi beaucoup dans l’impression de puissance et la cadence infernale. Comment se sont passés les différentes étapes avec Kenny Beats, Nick Launay et Adam Greenspan ?
Nous avons écrit l’album de juin à août, l’avons enregistré en septembre et l’avons mixé pendant 4 mois. Nous voulions que le son soit le reflet de la confiance en soi et l’importance du moment présent. Pour ce faire, nous avions besoin d’un son cohérent et chaleureux, qui puisse unifier l’ensemble du disque. Adam Greenspan a travaillé sans relâche avec Bowen pour y parvenir. Ensuite, Kenny Beats est venu pour nous aider notamment à trouver le son de la grosse caisse. Le savoir-faire combiné de Nick Launay, d’Adam Greenspan et de Bowen a permis de trouver le son du disque. Un son pensé comme un « bol » plutôt qu’un mur : un objet rond et balistique qui vous frappe au visage. La vie est comme ça aussi, quelque chose te frappe sans prévenir et tu dois réagir.
L’ordre de la tracklist est primordiale ici : les 3 premiers morceaux sans break, la place d’un closer comme « A Hymn » ou de « Danke » pour terminer le disque. Vous avez passé beaucoup de temps là-dessus ?
La liste des titres a été réfléchie, mais nous avons écrit « War » en premier et « Danke » en dernier. L’album s’est fait chronologiquement et le parcours que nous avons vécu pour écrire les chansons en tant que groupe, vous devriez le ressentir en tant qu’auditeur. La setlist est donc venue presque naturellement.
Tes paroles ont toujours reposé sur un sens de l’observation du quotidien du point de vue de l’homme normal avec un sens de l’humour très punk. Ici, j’ai l’impression que tu as joué la carte de l’économie en chantant peu de mots mais en enchaînant les punchlines et les rimes. Quelles sont tes méthodes pour éviter la redondance et le syndrome de la page blanche ?
Comme la musique évoquait le sentiment d’acceptation de soi, j’ai dû faire la même chose au niveau des paroles. Ce que j’essaie de faire, c’est de ne pas trop réfléchir. Quand je pense trop aux paroles, je commence à douter et ce n’est pas sain. J’ai utilisé cela comme un moyen de croire en moi et de m’aimer à nouveau. Je voulais être aussi concis que possible et ne pas laisser de place au doute. C’est ce qui se passe quand j’écris trop, je doute et j’essaie d’expliquer mes paroles. Je voulais en dire le plus possible avec le moins de mots possible. C’est un exercice et vers la moitié de l’album, j’ai décidé que le meilleur moyen était d’écrire directement dans la cabine d’enregistrement. C’est pourquoi la deuxième partie a été écrite là-bas. Les titres pouvaient changer par la suite, mais les paroles sont restées.
Ici, tu t’amuses beaucoup avec des onomatopées (Clang, clang, etc…,), comment tes compères réagissent aux paroles ou interprétations que tu proposes ?
Il n’y a pas de discussion, ils adorent les paroles. L’onomatopée est une chose que je voulais utiliser parce que c’est très animal et viscéral d’utiliser du bruit à la place des mots. Ne pas avoir de nuance ou d’explication avec les mots et juste être dans l’émotion. J’y avais réfléchi avant d’écrire le disque et j’ai vraiment apprécié. Par exemple, on ne peut pas expliquer le chagrin : le cri est très universel pour y remédier. L’absence de forme aide à s’exprimer.
Tu es derrière la plupart des pochettes et du merch. Quelle est l’histoire derrière la pochette d’Ultra Mono ?
Je voulais avoir une image qui résume ce qu’est l’album, un impact. Le moment où l’on se fait frapper au visage par une balle, il n’y a pas de réflexion : t’es dans la vie, t’es juste frappé en pleine gueule. Vous ne pensez pas à ce que vous allez manger au dîner. C’est ce moment et rien d’autre. Pour moi, cela résume l’album. S’accepter pour ce que l’on est vraiment, c’est-à-dire de la chair, des os, des pensées, des émotions et des actions.
Je voulais que quelqu’un le fasse et mon ami Russell Oliver l’a peint. Je voulais que ce soit dans le style de Carravaggio. C’est l’exemple parfait de l’illustration de la violence avec un mélange de lumière, contraste, obscurité et d’impact et c’est ce que nous avons essayé de faire avec notre musique.
Est-ce que vous avez d’autres morceaux en stock à la Mercedes Marxist ou Dream Guillotine que vous avez sortis en dehors d’un album ?
Non, Ultra Mono se résume à ça : il n’y a pas de gras. (Rires)
Tous les shows (Balley TV, Genks, …) que vous avez mis en place sont funs et avec des thèmes bien définis. Est-ce que c’est quelque chose que vous vous voyez continuer ?
C’est quelque chose que j’aimerais faire à l’avenir. J’ai toujours voulu le faire. Mais le faire bien. Les concerts, les discussions avec les artistes : Jehnny Beth et son équipe de production le font très bien avec Echoes. Balley TV était cool et c’est ce que nous pouvions faire à l’époque. C’est juste une façon de se connecter avec les autres et nous en ferons certainement d’autres avant de repartir en tournée.
Quel est le souvenir qui te revient quand tu penses à l’enregistrement du disque ?
La sensation que j’ai eue quand nous avons écrit « War », la première chanson que nous avons eue pour le disque. Jon & Dev ont commencé à jouer cette chanson et elle a littéralement explosé dans la pièce sans aucune conversation. Je connaissais le titre du disque, ce qu’il signifiait, mais je n’avais rien d’autre. À l’époque, j’étais très en conflit avec moi-même et c’est la meilleure chanson que nous ayons écrite, à mon avis, je l’adore. Peut-être aussi »The Lover »… Mais « War » m’a sauvé d’une phase très merdique. (Rires)
Est-ce que tu peux m’en dire plus sur la création de « Reigns » ?
Je voulais écrire une chanson techno et grâce à cette ligne de basse et ce drive, il y a ce mélange entre le post-punk et la techno. Je voulais écrire sur le fait que je déteste le concept de sang bleu et de ce type de famille.
A propos de morceau techno, ton chant sur War, Reigns et Grounds m’a fait penser que ta voix irait bien sur du The Prodigy…
Merci du compliment mais je n’essaierais jamais de m’approcher du trône de Keith Flint. C’est une énorme inspiration pour nous, notamment pour Bowen et Dev, ils font partie de nos héros.
C’est quoi la dernière chose qui vous ai fait marrer en tant que groupe ?
Notre bassiste Dev, c’est notre running gag. (Rires)
Une dernière pour la route, Abbey Road. Bizarre de live-streamer ?
C’était stressant. Nous n’avions pas joué pendant si longtemps et nous savions que beaucoup de gens regarderaient. Nous voulions faire du bon travail car nous aimons jouer en direct. C’est très inhabituel et inconfortable, nous n’avons pas fait semblant d’être géniaux car nous n’avions pas assez joué mais nous avons adoré.
Vous venez d’annoncer hier une série de concerts dans les magasins de disques en avril prochain en Angleterre pour soutenir le disque. Doit-on s’attendre à la même chose dans un autre pays ?
Pour le moment, on ne peut pas faire grand-chose mais on va essayer.
Notre interview à l’époque de Brutalism et nos chroniques de l’album et de JOAR. Ainsi que la chronique d’Ultra Mono.
A défaut de pouvoir soutenir Ultra Mono en live, IDLES trouvera sûrement des solutions pour garder le contact avec sa communauté de fans qui ne va pas rétrécir avec un album pareil. Un grand merci à Florian
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No need to tell you who is IDLES and Joe Talbot. Ultra Mono is there to reign on the last part of 2020.
Self-Doubt & Self Acceptance.
Joe, how do you feel 3 days away from the Ultra Mono release?
I feel that this album is right, I think it’s brilliant. I love it, it’s a gift for me, it helped me to deal with self-doubt, isolation and I believe in it.
I have read all the recent reviews and interviews and it is very much focused on your social and political involvement or your conflicts with other groups. But they don’t talk much about the power and achievements of this record. And damn, it’s been a long time since our asses have been kicked like that. How did you start to work on the album? Did you have songs from the previous album in stock?
We always move forward and never go backwards with our music, never have. After JOAR has been out, we toured it and it was a time of reflection. I’ve started to feel self-doubt because of the amount of plays and the places we played. I was thinking about it too much and I was looking for other’s people remarks instead of just me thinking about what I wanted to write. It was a sense of progress I had to do, not just in music but also in life. I was very lost, I needed to be self-assured and to progress about this.
This is where I came out with the concept of Ultra Mono. The moment of self-acceptance you have to focus about, being in the moment of now. Eradicating the future and the past and enjoying the moment and my folks. That’s where I was, and all the songs came from that period. We intended to do the album the most Idles we can be. The most me lyrics, the most John‘s drums, the most Bowen and Lee guitars and the most Adam’s bass. The most Idles‘ record. Being as concise as possible, embracing the moment of now.
To be honest, I loved Joy as An act of Resistance but found it very difficult to listen to the whole thing. Too Heavy and intense at times. Here, Ultra Mono remains fun and can be heard at any time or mood. You describe the record as a motor and it is clearly felt in the sound and the lack of any time-out. Was it intentional to deliver a fun record?
The music always come first and the lyrics, second. We wrote with the sound in mind and it’s important to us to have the album sound like an engine, an unified self that only goes forward. As the way of being. JOAR is supposed to be as well one compound that helps you move forward, believe in yourself and be a best version of you. As a listener and also as an artist and I think we’ve done that. There’s a sense of vitality on that record which helped me with the last year. It helped me to be part of the world, even as a small one in this huge universe. To embrace significance and the power of insignificance is important.
The production is massive and also plays a lot in the impression of power and infernal tempo. How were the different stages with Kenny Beats, Nick Launay and Adam Greenspan ?
We wrote the album from June to August, recorded it in September and mixed it through 4 months. We were aiming to create the sound of self-assurance and the power of now. To do this, we needed to had a holistic sound, to feel it as a whole. Adam Greenspan worked tirelessly with Bowen to find that. Then Kenny Beats came in to find the sound of the kick drums. The brilliance of both Nick Launay, Adam Greenspan and Bowen achieved to configure the whole album. A sound of “bowl of sound”, rather than a wall of sound: a round and ballistic object that hits you in the face. Life is like that as well, something hits you in the face and you have to react to it.
Spontaneous & Fun.
The order of the tracklist is crucial: the first 3 tracks without any break, the spot of a closer like A Hymn or Danke to finish the record. How did you organize this?
The tracklisting was considered but we wrote “War” first and “Danke” last. The journey of the album was chronological. We went throught a journey to process and write the songs, one after another and you should feel the same as a listener. The setlist almost came naturally.
Your lyrics have always been based on a sense of observation from the point of view of the average man with a very punk sense of humor. Here, I have the impression you wanted to say less by singing few words with a lot of punchlines and rhymes. What are your methods to avoid redundancy and writer’s block?
Good question. As the music was trying to catch a sense of self-acceptance, I had to do the same lyrically. What I try to do is not overthinking. When I think about lyrics, I start to doubt and it isn’t healthy for me. I used it as a way to believe in myself and loving myself again. I wanted to be as concise as possible and to not let space to self-doubt. Which is happening when I overwrite, over think and try to explain my lyrics. I wanted to say as much as possible with the fewest words. It’s a practice and about halfway through the album, I decided the best way was to write directly in the vocal booth. This is why the second part was written there. Titles could change afterwards but the lyrics stayed.
You have a lot of fun with onomatopoeia, how do your bandmates react to the words or interpretations you propose and how much do you discuss about it?
There is no discussion, they love the lyrics. The onomatopoeia is something I wanted to use because it is very animalistic and visceral to use noise instead of words. Not having nuance or explanation with words and just be emotional. I considered it before writing the record and really enjoyed it. For instance, you can’t explain grief: screaming is very universal and understood to express it. The formlessness helps to express.
What’s the story behind the cover?
I wanted to have a picture which sums up what the album is, an impact. In the moment of just being smashed in the face with a ball, you’re just being hit. There is no extra thought, you’re into life, just being punched in the face. Not thinking about what you’re having for dinner. It’s this moment and nothing else exists. To me, it sums up the album and accept yourself for exactly whatyou are, meaning just flesh, bones, thoughts, emotions and actions. I wanted someone to do it and my friend Russell Oliver painted it and I wanted to do it in the style of Carravaggio. It’s the perfect example of violence with lighting, contrast, dark and impact and this is what we tried to do with the songs having light, dark and weight.
No fluff.
Do you have other tracks on the table, like Mercedes Marxist and Dream Guillotine?
No. Ultra Mono is just that, there is no fluff. (laughs)
You have been pretty busy on YouTube lately with all the shows (Balley TV, Genks, …) that you set up are fun. Is this something you see yourself continuing?
It’s something I would like to do in the future. I always wanted to do it. But doing it well. Music shows, discussing with artists, a lot of what Jehnny Beth is doing with Echoes. She and her production team are doing it well. Balley TV was good and was what we could do at the time, I’d love to do it again. It’s just a way of connecting with others and we will sure do some more before going back on tour.
What’s the first memory that comes to your head while thinking about Ultra Mono?
The feeling I had when we wrote War, the first song we had for the record. Jon & Dev started to play that song and it literally exploded in the room with no conversation. I knew the title of the record, what it meant but had nothing else. At the time, I was very conflicted and it’s the best song we have written in my opinion I love it. Maybe « The Lover » as well… But War just save me from a very shitty phase.
I wanted to speak about Reigns with its huge bassline. How does it come to life as you said the second part of the record was on the go?
I wanted to write a techno song and thanks to that bassline & drive, there’s this mix between post-punk & techno. I wanted to write about I hate the concept of noble family and blue blood.
About techno song, when I was hearing “War”, “Grounds” and “Reigns”, it reminded The Prodigy and thought you were perfect to match their harsh beats.
I take that but I would never try to take Keith Flint’s throne. They are a huge inspiration for us, especially for Bowen and Dev as well. They are huge heroes.
What’s the last thing that made you laugh as a band?
Dev, our bassist, he is our running joke. (laughs)
Last but not least, Abbey Road sets. Was it weird to live stream?
It was a stressful thing to do. We didn’t play for so long and we knew there were a lot of people watching us. We wanted to do a good job as we love to play live. It’s very unusual and uncomfortable, we didn’t pretend to be amazing as we didn’t play enough but we loved it.
Regarding live, you will support Ultra Mono in record stores in April 2021 within the UK. Is there any possibility you’ll do the same in any other country?
It is very unlikely we could do it at the moment but we are going to try.