L’heure du troisième album a sonné chez Last Train et ce III sonne comme une évidence. Dans les locaux de leur label PIAS, les 4 membres du groupe nous ont raconté la vie qui se cache derrière ses nouvelles chansons.
Vous avez démarré cette tournée en Angleterre par quelques premières parties pour The Luka State avant de jouer 4 Boule Noire pour fêter votre retour aux affaires en France. Comment ça se passe ?
Honnêtement heureusement qu’il y a eu les premières parties. Ca redescend le niveau de trac puisqu’en Angleterre personne ne nous attendait. Ces deux semaines nous ont fait du bien pour se retrouver. Pour nous et l’équipe technique, il faut se ré-approprier le matériel et la scène. Ca nous a permis d’attaquer avec un autre état d’esprit, de revoir du pays, de rencontrer des gens. Des choses qui font partie de la tournée et qu’on aime bien. C’est encore plus kiffant de faire des plus longs sets ici et le public est très chaud.
J’ai vu dans les épisodes de la série OMPS qu’habituellement, vous savez ce que vous faîtes un ou deux ans en avance. Où en étiez-vous pour ce disque-là ? Vous avez enchaîné, non ?
Ce qui nous importe et c’est l’essence de cet album, c’était de refaire de la scène. On vient de là, c’est ce qui nous anime et c’est l’une des plus grandes raisons qui fait qu’on joue de la musique. Comme on est producteur de disques et de concerts, on sait toujours ce qu’on va faire dans l’année et demie à venir. A savoir faire des tournées. On a une vision précise pour les périodes à venir et c’est important pour les comptes bancaires. (rires)
Avec le single Home, vous revenez avec un rock très incisif. Elle ouvre le disque, est très représentative de l’album. Est-ce que c’était le premier titre fini de l’album ?
Le premier titre fini n’est pas sur l’album, il est au paradis des chansons. ‘Home’, on l’a construite sur un principe de boucle. Ce qui était assez inédit pour nous. On s’en rend compte maintenant mais chaque album a été un terrain d’expérimentation. On écoute énormément de musique et on se rend compte qu’on n’avait pas encore testé ce principe de production. C’était l’occasion d’avoir un morceau live mais avec la saveur d’un titre très produit, comme s’il était réalisé sur ordinateur. On l’a choisi comme single parce qu’on trouvait que c’était la chanson qui tranchait le plus. On a souvent un système de compositions où on accumule les maquettes et chaque élément peut potentiellement changer radicalement le ressenti sur un morceau. On s’investit sur chaque chanson et ça nous arrive d’être dégoutés de devoir laisser de côté un titre parce que tel autre morceau devient ouf une fois telle partie ajoutée.
Cet album sonne comme un défouloir. D’ailleurs, on retrouve ce sentiment via la pochette qui est la photo d’un cri, non ?
Comme d’habitude, c’est un état d’esprit général qui se dégage de l’album. Comme une émotion assez primaire. Cela faisait un an qu’on était en studio et c’est ce qui en est ressorti. L’atmosphère de travail était aussi différente. Sur The Big Picture, on était sur une remise en question permanente. Ici, c’est peut-être une question d’expérience mais même la pochette s’est définie rapidement via un shooting photo qui n’était pas prévu pour. En sort une sorte de spontanéité et d’envie d’aller à l’essentiel.
Selon moi, c’est votre disque le plus nerveux, violent et ça se sent aussi au niveau du son où le coffre n’a jamais été aussi puissant. Et en même temps, vous arrivez à mixer ça avec des nappes plus instrumentales en lame de fond comme ‘this is me trying’. Le niveau d’intensité général est très élevé. Il y avait une envie d’en mettre plein la gueule ?
C’est une réponse à l’album précédent et à sa complexité de production. On voulait faire quelque chose de plus frontal, violent, rock et concentré sur nous 4. Bien sûr comme d’habitude, on n’a pas pu s’empêcher de compliquer les choses et de faire des morceaux longs. La notion de nappes, c’est le mot qu’on utilisait entre nous. Et l’album s’est créé exactement comme t’a dit. (rires)
Travailler avec un orchestre pour Original Motion Picture Soundtrack vous a amené à retravailler votre répertoire mais est-ce que ça a influencé votre manière de composer ?
Comme tout ce qui nous arrive est susceptible d’influencer nos compositions. OMPS était vraiment l’aspect le plus nerd qu’il puisse y avoir en termes de production pour nous. Il y a énormément d’albums qui sont produits comme ça mais on était très loin de ça avec une manière de produire qui était très rock et brute. On n’a jamais fait de maquettes et si on avait pu, on aurait enregistré les albums précédents sur 16 pistes.
‘C’est en faisant le parallèle avec la musique que l’on écoute où il y a énormément d’albums très produits qu’on a décidé de se lancer. III est un condensé de tout ça avec une couleur très rock avec beaucoup de ferrailles, de la musique comme on avait envie d’écouter et de produire. Tout en ajoutant ce que l’on a pu voir sur OMPS, pour un résultat dont on est assez fiers.’
Vous êtes très créatifs mais aussi très productifs. C’est assez habituel chez les artistes aujourd’hui et vous l’êtes aussi. La création musicale pour vous, c’est une vraie activité quotidienne ?
Le fait qu’on soit impliqué dans d’autres choses que la musique via notre structure à gérer, cela permet de faire en sorte que la musique ne soit pas le nerf de la guerre. On fonctionne donc par période avec des timings dédiés : composition, production, préparation du spectacle, les partenaires, les contenus vidéo. Cela donne un équilibre. Souvent, on se plaint parce qu’on fait beaucoup de choses par nous-même mais on a aussi ce côté control freak qui fait qu’on aurait du mal à faire différemment. Si on faisait que de la musique, on se ferait peut-être chier. C’est notre manière de fonctionner et on est à l’aise avec ça.
Dans un monde de la musique où l’économie parait parfois complexe et en faisant du rock, qui n’est pas le style musical le plus rémunérateur en France, comment faîtes-vous pour mener à bien tous vos projets depuis 10 ans ? Avec Cold Fame et aussi Last Train Productions que vous avez créée en 2020 qui vous fait cumuler les casquettes.
Comme tu le vois, ce n’est pas encore à nous ici. (rires, en parlant des locaux de PIAS)
On a toujours été au centre mais on a la chance de toujours avoir eu des experts autour de nous. On ne peut pas avancer tout seul, dans Last Train ou dans la vie et on a la chance d’être entouré de gens qui ont compris notre besoin d’indépendance et de produire, notre vision artistique, du respect et chacun y trouve sa place.
Pour The Big Picture, vous étiez partis enregistré en Norvège. Vous aviez un environnement en tête pour celui ci ?
On aime bien avoir des histoires et lier les albums à des lieux. Quand on a fini l’album précédent, on voulait enchaîner avec un album rock en repérant la fin d’année comme le moment d’enregistrement. On ne voulait pas retourner là où on était déjà allés. On a regardé à New-York ou en Espagne et c’est via Rémy avec qui on enregistre que la décision de la maison s’est faite. C’est une ancienne maison d’ouvriers en Lozère qui ne sert pas l’hiver parce que ce n’est pas bien isolé. Cela fait 10 ans qu’il nous en parle et comme on voulait se poser et avoir du temps, cela rentrait aussi dans nos budgets pour rester un mois sur place. On est allés faire un petit repérage et ça s’est fait naturellement.
Lorsqu’on dit qu’on a enregistré dans un manoir, on peut passer pour des chatelains mais c’était par moments une vraie lutte contre le froid. Des gens sont venus nous aider pour faire à manger et réchauffer les espaces. Cela fait des bons souvenirs. La salle d’enregistrement manquait un peu de chauffage et on a des photos avec Jean-Noël jouant de la guitare avec des radiateurs entre les jambes. C’était un environnement à la fois cool et creepy qui allait bien avec la musique qu’on était en train de faire.
Vous vous êtes prêtés au jeu des documentaires via les épisodes OMPS que vous avez réalisés vous-même mais aussi via une vidéo pour Jack lors de votre deuxième album. Ca nécessite d’être assez clair sur la communication au sein du groupe, d’être à l’aise avec tout ce qui s’y passe. Ce n’est pas trop dérangeant parfois ce degré d’intimité ?
Julien : Ca a démarré sur le clip de The Big Picture et le documentaire qui allait avec, ayant pour but d’offrir des images plus intimes. Ca me demande d’avoir un rôle un peu spécial, quasi de documentariste où je dois ‘sortir’ du groupe. Sur la série, je ne prends pas la parole ou très peu pour prendre du recul. C’est particulier parce que je leur envoie une première version de montage en me demandant ce qu’ils vont penser et si ça ne va pas créer des conflits parfois. Vous en pensez quoi vous ?
C’est drôle parce qu’il se retrouve à interviewer ses potes. Entre nous bien sûr on parle des choses et lui, il a un axe lorsqu’on se retrouve dans ce cadre précis. C’était plus dur pour The Big Picture et plus naturel pour OMPS.
Je me positionne comme un journaliste qui aurait le sens global de l’histoire. Comme je les connais mieux que personne, je sais aussi où appuyer. Après, c’est compliqué parce que tu retrouves entre les interviews d’OMPS et les sessions studios, j’étais en permanence avec leurs voix dans la tête. Pour ce troisième album, il n’y a rien de prévu mais plus tard voir quelque chose de plus grand sur l’histoire de Last Train au sens large.
C’est quoi la dernière chose qui vous ait fait rire en tant que groupe ?
En tournée, certains membres de la tournée composent. Ils s’y mettent tard, sortent le Logic et ça ressemble à de l’écriture automatique. Le but étant de se limiter à l’ordi, en une prise avec pour but de faire un truc éclaté si possible. L’idée, c’est d’être le plus mauvais possible et… on est très bons là-dedans ! (rires)
On appelle ça les 3 mousquetaires et ces derniers temps, Jean No s’est ajouté à la troupe. La réécoute le lendemain est drôle, surtout qu’on documente le truc et qu’on le fait écouter à nos proches. On se marre bien.