En 2024, le Motocultor Festival s’ouvre à un nouveau format 4 jours, retourne à Carhaix et se permet même d’accueillir un petit frère avec le Re-Animator à la fin mai. Discussion avec le directeur du festival Yann Le Baraillec sur les évolutions et nouveautés à venir.
Le Motocultor prend de + en + d’ampleur. Comment vivez-vous cet engouement ?
Ce n’est pas commun de déménager un festival de cette taille. Heureusement, on est allés à Carhaix où les gens ont l’habitude d’une culture de festivals et où les élus ont l’expérience d’en accueillir avec en plus le maire en activité avec des responsabilités importantes au sein des Vieilles Charrues. Ca nous a permis de faire le déménagement rapidement, on a plié la décision en trois heures. Avec cette expérience, on s’est épargnés beaucoup d’échanges et de réunions car ils savaient ce qu’on voulaient et ils maîtrisaient déjà le sujet. Il n’y avait que là-bas que ça pouvait être comme ça. Le public a suivi aussi : avec moins de Morbihanais pour plus de Finistériens. On est passé de 14 % de Morbihanais à 8,5% mais en Finistériens, c’est passé de 11 à 20.
En 2024, comment se traduit sur l’affiche et sa programmation les grandes lignes de la prochaine édition ?
Déjà, on passe à 4 jours. Ce qui donne plus de marge de manœuvre pour tenter des choses plus dingues. On refait Magma et Ange le jeudi, des groupes qui ont plus de 50 ans de carrière et qui seront l’une de leurs dernières dates. Faire Alan Stivell aussi, c’est une légende. On l’avait déjà fait en 2019 mais dans cette région, je n’ose pas imaginer. Neko Light Orchestra et son metal symphonique qui fait notamment des reprises de Game Of Thrones risque de bien fonctionner aussi. Dans un autre genre, Thurston Moore de Sonic Youth permet aussi d’ajouter de la variété. Dewolff et son rock à l’ancienne, Komodor et ses instruments des années 60, Emma Ruth Rundle, Deicide, etc.
J’aimerais bien aller dans ce festival en tant que public, je suis plus en phase avec ce qu’on propose aujourd’hui comme programmation. Avant, j’aimais bien mais là, ça ressemble vraiment à ce qu’on voulait faire.
Il y a aussi une iconographie et un style visuel reconnaissable au festival. Comment vous vous accompagnez sur ce sujet ?
Depuis 2019, on est avec Vade Retro et Fortifem. Cette année, on est avec ces derniers. Parfois, on arrive avec un thème précis mais ces derniers temps, on laisse carte blanche. La consigne était juste de rajouter de la couche, quitte à exagérer. Ils ont donc fait ce qu’ils voulaient. On s’éloigne un peu des codes métal mais c’est bien ça change. Ca permet de se démarquer.
Evolutions et programmations
Un festival, c’est aussi maintenant une expérience sur le site. Quelles seront les spécificités et installations prévues pour cette année ?
Il y aura des échos à notre partenariat qu’on a avec le Naia Museum qui est basé dans le Morbihan. Le festival va aussi passer à des bières 100% bretonnes, ce qui permettra d’ancrer la présence dans la région. Il y aura une nouvelle et grande zone restauration avec un troisième bar par rapport à l’an dernier avec 12 bières et du vin. Cela permettra de savoir si les gens aiment ou non.
Parlons de la scène française : sur le site, on est quotidiennement surpris du niveau de qualité et de la profusion de nos groupes. Toi, tu y vois une évolution ?
Est-ce que c’était déjà il y a 15 ans ? Je ne me le rappelle pas.
Est-ce que je m’intéressais plus à des groupes uniquement connus quand j’ai commencé ? On faisait des tremplins de 2011 à 2017 je crois et je n’ai pas l’impression que les groupes étaient aussi professionnels. Dans les préparations du Re-Animator, je me suis aperçu du potentiel des groupes rien que dans l’Ouest. Je n’arrive pas à savoir si c’est parce que je m’y intéresse que j’en vois plus ou si ils existaient avant. L’an dernier, on avait communiqué avec une affiche uniquement composée des artistes français et tu te rends compte de ce que l’on a.
Comment se nourrit la programmation : soit on vous contacte, soit vous avez des noms en tête ?
Oui et comme on fait partie de la fédération des musiques métal ça nous permet de mutualiser les efforts. On se communique les groupes dont on a envie, les cachets, ce qui nous permet de délimiter ce qui est possible. En éliminant directement les offres que l’on ne peut pas se permettre. Parfois, on approche les artistes en faisant une offre commune avec d’autres festivals : l’un d’entre nous propose un cachet environnant et des dates. S’ensuivent les négocations en fonction des contextes et des besoins de chacun puisque ça dépend du rooting et de la notoriété du groupe dans le pays par exemple.
Ca sous entend aussi des questions importantes pour les groupes comme le décalage de l’enregistrement d’un album car ils savent que l’argent sera là pour payer le studio et ce qui va avec. Avec cette méthode, il y a aussi un gain de temps en termes de démarchage pour les festivals et d’organisation de dates pour les groupes. Avant, je démarchais entre octobre et janvier pour l’année qui suit. Depuis le COVID, je discutais une année au préalable.
Ce n’est pas la première fois que j’entends que l’après COVID est plus compliqué que prévu sur l’organisation de concerts. C’est lié au nombre de groupes et à la concurrence dans le milieu des festivals ou il y a d’autres facteurs ?
Au-delà du COVID, il y a aussi des guerres avec le conflit entre l’Ukraine et la Russie et aussi entre l’Israël et l’Iran. Les hausses de prix du pétrole, les problèmes de douanes, cela fait beaucoup de critères.
Est-ce que le succès de l’édition 2023 en termes de fréquentation vous permet d’aller chercher d’autres groupes ?
Les coûts augmentent : les locations de tour bus, les billets d’avions, l’essence. Quand on fait un festival, on connaît le niveau de billetterie que l’on doit faire pour être rentable et c’est celui que l’on atteint en fin de festival. On ne peut pas se permettre d’augmenter nos tarifs éternellement : on a augmenté de 10€ en 2023. On n’a pas marge de sécurité sur le budget quand on compare ce que l’on dépense en programmation et ce qu’il faut vendre en billetterie : on fait tout juste ce qu’il faut.
Dans la foulée du succès du Hellfest, les festivals à orientation métal ou musique « extrême » se multiplient. Une bonne nouvelle en soit mais comment vous faites pour garder votre patte, marquer votre différence ?
En passant de 3 à 4 jours et en ayant 4 scènes. Ca nous permet d’avoir 110 slots pour les groupes et d’avoir plus de flexibilité sur les itinéraires des groupes afin de proposer une affiche plus complète et diversifiée. Ca a été le cas pour Deicide par exemple. On peut déborder du cadre comme le metalcore qu’on ne se permettait pas forcément dans le passé.
Humour et défrichage
Aussi, je voulais parler du caractère fun et humoristique de l’affiche avec de la place pour les groupes comme Didier Super et Bernard Minet Metal Band.
C’est pour jouer sur la nostalgie. Soit de ceux qui regardaient ça quand ils étaient gamins, soit pour ceux qui ont entendus Didier Super en soirées. C’est drôle aussi le contact que tu as avec ces artistes parce qu’il n’y a pas d’intermédiaire : tu discutes directement avec eux pour l’organisation des dates. On a pour habitude de se laisser la place pour ce genre d’artistes, on avait eu Giedré, Henri Dès ou MC Circulaire en 2011. Qui pour l’anecdote avait joué dans un groupe de métal avec un journaliste de Ouest France. Les publics étaient donc compatibles. (rires)
Cette année, vous avez lancé pour la première fois le Re-Animator qui arrive du 24 au 26 mai. Comment l’aventure s’est mis en route ?
Suite à notre départ pour Carhaix, on ne voulait pas forcément partir de Saint-Nolff. On pensait discuter avec la mairie mais on s’est vite rabattus sur un terrain privé et on a fait notre truc dans notre coin. Cela créé un engouement, on a des bénévoles qui se sont proposés après être venu au Motocultor. On verra ce que ça donne puisqu’on a choisi une jauge plus intimiste avec 500 personnes par jour et une autre période de l’année. Je vois au moins une deuxième édition car c’est beaucoup d’énergie dans la mise en place et je ne vois pas ça être un one-shot. C’est une aventure humaine, on verra si le public suit et selon l’envie et la motivation de chacun.
Comment vous allez pouvoir répondre aux critiques sur les files d’attente de l’an passé, notamment vis-à-vis des entrées et sur les sanitaires ?
Pour les toilettes, il faut savoir qu’on ne maîtrise pas le site. On a du supprimer une zone toilettes sur les 3 parce que le plan que l’on a eu de la mairie ne coïncidait pas avec la réalité. Cela donnait en plein milieu d’une voie secours. On a donc déplacé le matériel prévu pour 3 zones sur les 2 zones restantes. Cependant, le public allait massivement sur la zone la plus visible et ça générait un déséquilibre. Cette année, on aura une meilleure maîtrise du terrain. Pour les entrées, ce sera différent cette année. Il y aura plus de moyens et on réorganise la pose des bracelets et les entrées au camping.
La question à la con peut-être, quel est le groupe que vous rêveriez d’avoir à l’affiche ?
S’il n’y avait aucune contrainte, je dirais les Beatles. (rires)
Après, je dirais Gojira, Megadeth, Tool ou Nine Inch Nails. Certains de ses groupes sont inabordables pour nous mais on arrive quand même à les voir chez d’autres donc c’est cool. J’adorerais avoir Tenacious D mais on était dans la fourchette basse des cachets pour le moment et la Bretagne n’aide pas pour le routing.
Pour le moment, quels tes 3 concerts préférés vus au Motocultor toutes éditions confondues ?
Ministry, Denez Prigent et Devin Townsend.