INTERVIEW ☭ LE GRAND MIX – PARTIE 2

Vincent et Julien n’avaient pas encore révélé tous les secrets de la salle du Grand Mix, on a donc profité d’une interview fleuve pour évoquer un peu plus les groupes passés par la salle et les anecdotes qui vont parfois avec. Pour redécouvrir la première partie, c’est par là.

Affluences et influences.

Est-ce que vous pourriez nous citer votre plus gros bide que vous ayez fait, à votre étonnement ?

Julien : Y’en a eu, c’est sûr. là, comme ça, je sais pas… Mais des fois, c’est frustrant, on pourrait faire plus que 600 et ça, ça fait chier !

Est-ce que vous sauriez me dire votre plus gros succès alors ?

Vincent : Celui qui a vendu le plus rapidement, c‘étaient les Editors.
Julien : Plutôt Ghinzu car ils jouaient le lendemain en fait. Ils nous ont appelé un mardi.
Vincent : Non jeudi, ce qui est important parce que du coup, c’était un vendredi soir le concert.
Julien : Ils nous disent que le mercredi soir, ils ont joué à Toulouse et sur la route du retour en Belgique, ils aimeraient bien faire une date, est-ce que c’est faisable au Grand Mix ? Je savais qu’ils avaient fait 2000 à l’Aéro mais j’en parle quand même à mon directeur, à la régie technique, Vincent et du coup, on s‘est dits, on y va, banco ! C’était il y a 5 ans. On n’avait pas encore notre propre billetterie en ligne, les réseaux sociaux étaient moins développés mais ça a marché parce qu’on l’a annoncé et le lendemain soir, on était complets donc ça, c’était super. On n’a pas eu de première partie tellement ça s’est fait à l’arrache. Sinon Editors, on a fait complet en 48h…
Vincent : On avait quand même vendu 180 places en 5 minutes et ça, c’est quand même très très rare. Sinon dans les plus gros succès, on a eu Alt-J mais à l’inverse, je retiens un Tame Impala où on a fait 200 – 250 personnes ou encore Anthony & The Jonhsons, qui sont maintenant des grosses références…
Julien : Des groupes qui n’ont d’ailleurs plus rejoué à Lille…

https://vimeo.com/44455579

Est-ce qu’un bide au niveau local peut faire qu’un groupe ne revienne plus, d’ailleurs ?

Julien : Non, on a fait des dates  » trop tôt » comme Tame Impala, sur le premier album. 3 ou 4 jours après la sortie du disque, la promo du disque n’est pas encore faite alors qu’on l’aurait fait 3 mois après, le bouche à oreille aurait joué et on aurait fait complet facile. Le groupe ne vient plus parce qu’il font de grosses salles.
Vincent : Mais c’était aussi il y a quelques années Bon Iver en 2008, Tame en 2010, depuis les réseaux sociaux, on arrive à remplir parce que l’info se diffuse beaucoup plus vite. Du coup, ça monte plus vite aussi et tu peux sentir un truc.

« Nous, on avait fait 180 personnes sur les Foals ! »

Julien : Cet automne, on fait Petit Biscuit, un jeune gars de 17 ans de Rouen, moi j’en ai entendu parler il y a 2 mois mais à l’heure actuelle, virtuellement, on a 2300 personnes intéressées pour une date qui a lieu en octobre et pour laquelle on n’a vendu que 100 places. Ce qui reste honorable (ndr : nous sommes début juillet). Ce truc sort de nulle part et j’en avais entendu parler via 2 personnes différentes. Initialement, je voulais lui proposer un afterwork, ces événements que l’on organise un jeudi par mois, le tourneur m’explique qu’il ne tourne que pendant les vacances parce qu’il prépare son bac français (rire général). J’ai donc attendu quelques semaines pour lui proposer une vraie date parce que je voyais que ça continuait à prendre et sauf coup de théâtre, on sera complet, EASY même ! Je me demande même s’il n’y aurait pas déjà un Aéronef dans les tuyaux pour février, tu vois.

Alors, c’est justement une question que j’allais avoir pour vous, est-ce qu’au niveau local, il peut y avoir une petite guéguerre pour attirer tel ou tel artiste ?

Julien : En même temps, les artistes qui passent à 2000 spectateurs sans un premier passage plus modeste, c’est rare. Même si là, il l’aurait peut-être fait. Même si cela reste notre taff de sentir le vent, le buzz. Mais même 2000 à Lille, c’est pas si évident.
Vincent : C’est pas la même logistique déjà. Les mecs n’envoient pas un groupe jouer devant 2000 personnes comme ça, sans qu’il y ait un show un minimum calé.
Julien : Même stratégiquement, vaut mieux pour eux annoncer un concert complet à 600 qu’une date à 1000 à l’Aéro tu vois. .

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« – J’ai vérifié, les futs sont vides. » « – N’oublie pas que Fat White Family est passé en concert cette année. »

Un peu comme les Foals qui ne font pas un Zénith complet alors qu’ils l’auraient fait à l’Aéro.

Julien : Exactement ! Faut franchir un sacré cap quand même.
Vincent : Nous, on avait fait 180 personnes sur les Foals (rires). Mais avant la sortie du premier album !

David : Après, j’ai souvenir de groupes qui n’ont pas forcément rempli le Grand Mix et repassent quand même.

Julien : Oui. On n’est pas que dans une démarche remplissage.

David : Je me souviens notamment du passage des Villagers où on n’était vraiment pas nombreux…

Julien : Oui, Villagers, on les a faits 3 fois et s’ils ressortent un disque, on les refera encore. Bon, après si y’a des mecs qui viennent et qui stagnent à 100 – 150 personnes tout le temps, on leur dira qu’on a essayé et que ça ne marche pas. Villagers, on a fait peu, puis un peu mieux et là on a fait 400 la dernière fois tu vois. On a dû faire 150, 300 et 400. On est sur une économie où on ne perd plus trop d’argent. On peut donc le refaire une quatrième fois. Si ça avait perduré, on aurait dit que l’on préférait mettre cette perte sur un autre groupe pour essayer autre chose. Quand on programme plusieurs fois, c’est qu’il y a une progression ou alors, c’est que ça fait toujours 400, 500, 600 personnes et ça nous va bien. Dominique A, on l’a fait une paire de fois, on le refera. Comme Bertrand Belin, ce sera avec plaisir. Mais il faut qu’il y ait une progression ou une bonne fréquentation continue.

De l’art de recevoir

Est-ce qu’il y a des groupes que vous rêveriez d’attirer chez vous ? Que vous travaillez depuis un moment…

Vincent : Y’en a eu comme Low que Julien essayait d’avoir depuis longtemps.
Julien : C’est souvent des trucs perso, justement. Tu vois, un peu comme DJ Shadow. Le premier album est de 96. Mais tu vois, 20 ans après, dans une histoire personnelle de mélomane, tu te dis que c’est chouette. Je l’accueille dans la salle où je travaille. Low, Bill Calahan aussi, ce sont des trucs que j’ai écoutés, je me souviens quand j’écoutais Bernard Lenoir dans mon appart’ d’étudiant à Besançon. À titre perso, ce serait Sonic Youth mais ils n’existent plus et puis ce serait trop gros. Par contre, Thurston Moore, j’aimerai vraiment qu’on le fasse par contre. Le live est cool. les derniers albums sont cools.

David : Arcade Fire un jour (rires) ?

Vincent : Oui, eux ils ont annulé quoi, deux semaines avant leur date au Grand Mix ? Et pour le coup, je peux même te dire que ce n’était pas complet et je ne pense pas que ça l’aurait été.
Julien : C’est sûr qu’Arcade Fire, ç’a été une histoire douloureuse. Tout comme Chet Faker. Et ça, c’est des mecs qu’on n’aura plus.

David : À moins d’une tournée des petites salles…

Julien : J’y crois pas.

David : J’étais à Bruxelles pour Reflektor et c’était déjà une jauge de 2000 et pour eux, c’est une petite salle.

Vincent : Et puis, c’est Bruxelles. C’est une capitale. Tu as les médias, le public. C’est une petite salle pour eux, ils remplissent ça super vite.
Julien : Ça me rappelle de je ne sais plus quelle date à l’Aéro où le mec disait « on est super contents de faire une date en club… » Ha bon ? Donc l’Aéro, c’est un club. (Rire général). Pour moi, un club, c’est une petite salle pleine de fumée, un truc de 200 – 300 places où t’es bien compacté. Mais même au niveau du tourneur pour Arcade, ils sont aussi emmerdés, ils savent comment ça s’est passé mais n’ont pas le pouvoir de… Enfin, derrière, ça n’entache en rien notre collaboration, Radical Productions nous a envoyés Royal Blood, Low, Parquet Courts, Tame Impala, donc on continue à bosser ensemble.

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Et niveau programmation alors, c’est quelque chose qui est plutôt perso ou tu penses plus business ou c’est un habile mélange des deux ?

Julien : Perso, si je suis venu bosser au Grand Mix, c’est parce que la prog’ me plaisait. Du coup, j’essaie de continuer sur cet axe. À la base, ce sont donc des groupes indé, étrangers, avec des guitares, rock, pop. Bon même si là sur la rentrée 2016, c’est un peu moins ça, mais ce sont aussi et surtout des opportunités avec une teinte d’économie. Si j’avais un budget illimité, y’a des trucs que j’aurais fait tu vois, mais que je laisse filer car je sais qu’économiquement, ce n’est pas possible, on risque de perdre trop d’argent. On peut se permettre 3-4 plantages par trimestre car on sait que derrière, y’en a d’autres qui assurent mais le sixième, septième plantage avec des gros sur lesquels tu fais 100 places payantes, c’est pas possible. Là, sans citer personne, on a un groupe qui nous demande le cachet de DJ Shadow alors qu’on fera 100 payantes. Et encore !
Vincent : Et ce, même si le groupe est artistiquement très cool.

« Tricky, il a des demandes un peu exotiques… »

Julien : Ouais et ça, ce n’est pas réaliste économiquement parlant. Et puis même, à titre perso, ça me fait chier. En tant que citoyen, contribuable, ça ne les vaut pas. Pas ce tarif. Nous, dans le domaine des musiques actuelles, il y a quand même un rapport popularité / fréquentation / cachet. Je ne cède pas au discours, « je suis rare, ça vaut autant ». Quand il y a un tourbus et qu’on parle de centaines d’euros, on s’adapte mais là pour 100 places  payantes, non, on ne fait pas, c’est pas grave. Après, on a la chance d’être bien repérés, la salle existe depuis 20 ans avec une programmation claire et identifiée donc on nous en propose. Je vais chercher des trucs mais le côté confortable, c’est qu’on nous en propose aussi. Des bons groupes même. Parce qu’il y a un boulot sérieux. Là où certains programmateurs doivent avoir une tâche plus ingrate avec un accord sur 100, ou ils n’ont pas de réponse du tout. Dans certaines villes plus modestes, tout de suite ça se complique et ce doit être épuisant.
Vincent : Moi, je le vois. Pour avoir travaillé ailleurs et des fois, on apprend même via les réseaux que tel ou tel groupe va bien tourner chez nous. Il n’y a que 3 – 4 salles et on s’aperçoit qu’on en fait partie. Le fait aussi que techniquement on puisse accueillir du lourd.
Julien : C’est vrai qu’on vient de changer tout notre matos son, on a investi dans des lumières.

Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des demandes loufoques de la part des groupes ?

Julien : Les groupes nous fournissent un rider, faut se mettre à la place du groupe, ils sont en tournée, et des fois ils sont mal accueillis. Surtout s’ils rentrent d’Angleterre. Les anglais eux ne savent pas le faire, ce sont des chiens galeux sur ce point. Quand t’es sur la route, c’est bien d’avoir un truc chaud à bouffer, un peu de réconfort quoi, donc pour faire face à ça, ils blindent les riders en demandant la marque, en indiquant les références, limite le code barre quoi. C’est un petit peu chiant, nous on le respecte dans les grandes lignes, si le mec veut du jus d’orange, on lui met, s’il veut du bio, on lui met mais on n’ira pas forcément chercher LA marque. On essaie surtout de respecter les allergies alimentaires, le vegan, la nourriture hallal, gluten, ce qui fait déjà pas mal de boulot. Après il y a aussi les demandes d’alcool extravagantes, y’a des bières, du vin à table, on file une bouteille d’alcool fort à la tête d’affiche, ça s’arrête là, voilà. Après, t’as parfois des demandes rigolotes comme des chaussettes (rires) parce qu’en tournée, ils n’ont pas le temps de faire des lessives, des cartes postales pré-timbrées, des clopes parce qu’ils ont peur de ne pas avoir le temps d’aller en acheter. L’autre coup, j’ai acheté un T-shirt pour Shigeto, il voulait un T-shirt noir car il est en train, il arrive à 18h30 à la gare, il fait l’Europe comme ça et donc il a un petit sac avec sa machine sur le dos et c’est pas de l’abus, tu sais que le temps qu’il arrive à la salle, qu’il fasse sa balance, qu’il mange… Donc s’il doit en plus faire sa lessive, ça va être compliqué.
Vincent : Y’en a qui veulent se faire leur bouffe.
Julien : Ouais Tricky, il a des demandes un peu exotiques (rire général). Il veut dans sa loge une cuisinière, un toaster, il veut être autonome quoi. Comme il a des allergies alimentaires, il préfère gérer son truc mais ça, c’était plutôt rigolo.

« Quand tu vois les Stones faire le Trabendo qui est moins bien équipé que nous… Donc on peut faire les Rolling Stones ! »

David : J’avais entendu dire que le rider de Marina & The Diamonds n’était pas mal non plus…

Vincent : Alors en fait, les mecs blindent le rider, tu vois, genre il faut 12 mecs, sobres. Ce qui veut dire qu’ils ont déjà rencontré des mecs bourrés quoi. En déchargeant à 10h du mat’ ? C’est que ça a dû exister !
Julien : Notre équipe technique, c’est 5 personnes et au final, ça va très bien. Marina, effectivement on a eu un surcoût parce qu’elle a des fans, on a dû mettre un agent de sécurité à la porte, juste ce genre de choses. Louer un van pour aller la chercher à Lille Europe mais rien de délirant. De toute façon, on ne peut pas pousser les murs, la salle est comme elle est. Des fois, il y a des trucs qui restent dans le camion, je sais qu’Animal Collective, ils avaient plein de trucs, genre ils avaient 4 figures gonflables mais il n’y en avait que 3 qui passaient chez nous par exemple.
Vincent : Pareil pour Alt-J, non ?
Julien : Ouais, il arrive que les mecs voyagent avec un tourbus et un camion de matos, ça veut dire qu’il y a des trucs dedans, sur notre scène, ça va être compliqué. Quand les groupes sont bons, ils ont rangé en conséquence la veille en mettant le plus important près de la porte mais d’autres sont moins organisés et ont tout foutu en pensant qu’ils allaient tout sortir. Un concert, ce sont des micros, une diff’ pour le public des retours et quelques lumières en fait et surtout beaucoup de bonne volonté. Finalement, tu peux faire jouer tous les groupes du monde ici. S’ils sont okay, tu branches une guitare, un ampli, une batterie et c’est parti. Quand tu vois les Stones faire le Trabendo qui est moins bien équipé que nous… Donc on peut faire les Rolling Stones !

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« On va faire la fiesta, la fiesta ! » Ou pas.

Haha, on fera passer le message ! Sinon certains soulignaient que le Grand Mix était bien connu aussi pour son bar dans la salle, est-ce qu’il y a des groupes qui ont contribué à sa légende ? J’avais entendu parler de Royal Blood par exemple…

Julien : Les groupes sont en tournée, ils décompressent après le concert, ils font la fête, ils boivent un coup ou deux en loge puis après ils descendent, ça dépend de l’ambiance. Il faut savoir que chez nous, la sécu’ est payée 5 heures donc en arrivant à 19h30, à minuit 30, il faut que le public soit parti. Donc après, le groupe est là avec le staff, on discute, on papote… Mais pas Royal Blood, au contraire, ils avaient eu un souci la veille à Rouen, ils s’étaient faits agresser dans la ville et un de leurs techniciens a dû repartir et tout. Comme nous, y’a pas grand chose autour, il y a eu des after un peu plus festives parfois…
Vincent : Ouais, c’est vraiment de la décompression, quand il y a un contact qui passe bien, genre Villagers étaient restés, ce ne sont pas des mecs à se la coller. On ne remet pas la sono et c’est reparti quoi (rires).
Julien : Après y’a des groupes qui boivent beaucoup avant, pendant, après.
Vincent : Le parfait exemple, c’est Fat White Family mais ils sont connus pour ça…

Ouais quand je les avais vu arriver sur scène déjà et qu’ils sont partis au bout de 25 minutes.

Julien : 25 minutes, t’es sûr de ça ? Je suis même pas sûr qu’ils les aient atteintes.
Vincent : Non seulement c’est pas festif mais c’est pas sympa en plus. Un mauvais souvenir effectivement… Après ils ne le font pas à chaque fois, ils s’étaient faits remonter les bretelles à la suite de cette date.
Julien : Je crois que le guignol en question ne s’en est même pas rendu compte. Je sais qu’il a quitté le groupe ensuite pour partir en cure et tout. Il était au bout chez nous, il ne pouvait pas continuer comme ça.

« Le festival est un secteur hyper concurrentiel, tu ne peux pas faire le groupe qui joue dans des festivals autour avec des exclus de géographie et de temps, 3 mois avant, 3 mois après et à 100/200 bornes… »

Je sais que le festival Heartbeats que vous aviez monté n’a pas eu le succès escompté, je me demandais si on pouvait s’attendre quand même à une seconde édition un jour ? Et avez-vous su identifier les raisons de cet insuccès alors que le cadre était sympa, la prog’ plus qu’honorable…

Julien : Le fait que ce soit une première édition, on a appris qu’il ne fallait pas être trop ambitieux, faut d’abord inscrire le nom, le rendez-vous auprès du public et il y a un boulot de com’ à faire sur la durée plutôt qu’un coup, ce qui prend du temps. La programmation on a eu beaucoup du mal. Je serais bien plus sévère avec moi-même sur nos choix parce que c’était trop la redite de groupes qu’on avait déjà faits jouer, et en fin d’actu’ eux-mêmes. On a aussi fait certains choix par défaut car on n’avait plus de groupes… D’autant plus que c’est un secteur hyper concurrentiel et que tu ne peux pas faire le groupe qui joue dans des festivals autour avec des exclus de géographie et de temps, 3 mois avant, 3 mois après et à 100/200 bornes donc ça te prive et comme il y a déjà beaucoup d’offres, faire sa place au milieu, c’est compliqué. Et puis trop ambitieux, si on s’était contentés de faire 1000 personnes, c’était déjà bien ! Après, il y a eu le lieu qui a coûté très cher et sa mise en conformité, on a aussi découvert le plein air.

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Vous avez presque péché par excès de bonne volonté au final avec des chapiteaux et tout…

Julien : Oui, on a eu des surprises sur les demandes de sécurité, entre les mairies, la Belgique, la France, il y a de plus en plus de choses qui ont un coût. Là, c’est en stand by, ce n’est pas mort, on réfléchit à d’autres lieux, l’idée d’être à la frontière c’était chouette mais un site en plein air, ça coûte cher.
Vincent : Et on ne peut pas se permettre de fragiliser les structures en place quoi. Même quand tu grossis, et même si on avait réussi notre coup, on aurait dû se poser la question car t’es jamais à l’abri d’un four. Là où certains festivals affichent complet chaque année, mais parce qu’ils bossent dessus toute l’année. Le Download qui vient de se lancer, les mecs avouaient qu’ils seraient rentables dans quelques années, ils investissent…
Julien : Et nous les salles, on fait gaffe. Les offres aux groupes sont délirantes, les coûts sont délirants, nous on bataille pour une bouteille d’alcool et là par exemple, on devait mettre une barge pour traverser le canal qui coûtait 30 000€, et que tu es obligé de mettre ! La programmation de dates nous permet de maintenir un équilibre au trimestre, on joue là-dessus pour lisser les revenus là où un festival, c’est une partie de poker qui me déplait un peu. Après, c’est vrai que quand il fait beau, que t’as un groupe cool qui joue et que tu bois des bières dans l’herbe avec tes potes, c’est plaisant aussi.

J’avoue que ça me fait penser au festival des Inrocks, je me souviens des premières éditions à l’Aéro qui cumulait Friendly Fires et Miles Kane par exemple et maintenant, ils font des têtes d’affiches moins importantes…

Vincent : Faut dire que le festival des Inrocks quand ils ont commencé, c’était un des seuls. Même si en intérieur et extérieur, c’est pas tout à fait pareil. Maintenant, tu en as partout, Paris tu as le Pitchfork deux semaines avant par exemple…
Julien : C’est vrai que ces dernières années, on voit que c’est une industrie qui se développe beaucoup. Il y a un paquet de gens qui ne sont pas là pour rigoler, c’est leur boulot. Nous, nous ne sommes que des salariés d’une association à but non lucratif avec des subventions. Ce qui n’est pas le cas des privés et qui sont là pour gagner leur vie.

Vincent : Il y a un côté très événementiel avec les festivals, dans le sens tourisme/communication. Ici, on est un lieu de culture, c’est différent. On voit beaucoup de festivals avec des partenariats et une accointance avec le privé qui est nécessaire pour survivre. C’est du business. On l’a aussi à l’année, mais moins.
Julien : On voit d’ailleurs que dans les enquêtes faites auprès des publics de festivals, on voit que la musique arrive loin derrière. Troisième ou septième position. L’ambiance, les copains, l’alcool et accessoirement la musique pour certains. Je suis allé aux Nuits Sonores il y a 2-3 ans et j’étais dans le train avec un mec qui dormait tout le long, le gars bien fatigué et en discutant lors de l’arrivée à Lille, il me dit qu’il y était aussi. Quand je lui demande ce qu’il a vu, il me dit « Laurent Garnier, j’étais avec des potes, on a fait les fous ». Le mec était descendu faire la fête comme un cinglé, se mettre à l’envers et il était capable de citer UN nom sur 3 jours de Nuits Sonores. Et je confirme Laurent Garnier était bien là, donc ça va (rires). Je me souviens avoir vu des comportements dingues en festival, genre au Name Festival où une petite pancarte annonce un changement de scène, je suis sûr que plein de personnes n’avaient même pas calculé. Après l’électro tard le soir c’est un autre monde aussi.

« Tu as aussi des groupes qui se prêtent pas aux festivals comme les trucs mélancoliques… Sur le Heartbeats, José Gonzales, c’était une erreur. »

Vincent : Après, tu as aussi des groupes qui ne se prêtent pas aux festivals comme les trucs mélancoliques. Sur le Heartbeats, José Gonzales, c’était une erreur. D’ailleurs, on peut s’apercevoir que la prog’ des festivals s’est enrichie sur les musiques électroniques et c’est pas que pour l’amour du genre. C’est aussi parce que ça fait tourner le bar, ça fait danser les gens, ça fait venir les jeunes. Et puis y’a le côté rite de passage, les jeunes font la fête après les études… Et puis y’en a qui écoutent aussi, on peut pas généraliser.

Concernant la saison 2016/2017, vous pouvez nous dire comment ça se présente, un nom en exclu’ peut-être ?

Julien : On a annoncé pas mal de noms pour cet automne vu qu’on fonctionne au trimestre, on a déjà annoncé 15-20 dates. Y’a un truc que j’aimerai bien t’annoncer mais ce n’est pas confirmé donc je vais éviter. Là, on a eu confirmation de RY X, un truc assez mélancolique que j’aime bien, assez folk avec plein de nappes, assez atmosphérique, on va faire ça fin Novembre.

J’avoue que j’ai vu pas mal de choses que je ne connaissais pas.

Vincent : Ouais c‘est vrai que ce trimestre, c’est assez varié. Il y a de la folk, de la world, du métal, du rock.

Oui, d’ailleurs, vous avez récupéré Kadavar qui avait annulé l’an dernier.

Vincent : Bah, c’était le lendemain du Bataclan donc on avait préféré annuler. Ils sont quand même venus parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire, on a mangé ensemble et tout. Et là, ils reviennent pour le concert donc ça, c’est cool. Mais ouais, on aura aussi Yob et Black Cobra. Y’aura le festival des Inrocks.
Julien : On aura aussi Liima, les mecs d’Efterklang. C’est peut-être pas votre truc, ça risque d’être assez confidentiel mais leur album est vraiment super et en live, c’est toujours cool. Des fois, il nous manque aussi des dates et le cœur de notre prog’, c’est un peu des trucs à guitares, un peu dépressifs (rires) et comme là, on n’avait plus de songwriters et tout, je me suis dit qu’il fallait aussi contenter notre public. Par exemple, Kevin Morby, si j’avais eu 3-4 noms de ce type, j’aurais peut-être pas fait parce que c’est pas non plus une énorme tête d’affiche. Mais lui, c’est un super songwriter, et on n’en a pas beaucoup cet automne. Des fois, c’est un peu déséquilibré, comme là, on a pas mal de world, de trucs un peu festifs comme Voodoo Game et tout. Là on n’est pas loin de 4, c’est limite parfois ce qu’on fait aussi en 4 ans. Ce sont des hasards de proposition même si à titre perso, j’aime aussi ces moments de fête comme on a fait Lee Fields, ce vieux soulman. C’était une super soirée, les gens s’éclatent, ça transpire un peu, ça danse, les gens se marrent. C’est aussi une partie de notre boulot d’organiser ces moments de fête, de communion. Et puis ça draine un public un peu différent, plus âgé, des familles… C’est bien aussi de varier. Mais c’est vrai que là, on a n’a pas eu de groupes qui buzzent. En dehors de Petit Biscuit mais qui est moins notre truc à nous quatre qui sommes présents. Mais pas de trucs du type Royal Blood qui va faire les couv’ de magazines et qui va être encensé partout.

Mais c’est vrai que le rythme de la prog’, ça reste des opportunités. Genre fin d’année, on a eu Ty Segall et DJ Shadow. L’année dernière, on a ouvert plus tôt parce qu’on avait Baroness et Mark Lanegan. C’est vraiment parce qu’on va avoir de belles opportunités. Et on parlait de groupes qu’on aimerait faire, Lanegan en est un exemple, on sait qu’il a un public en Belgique.
Vincent : Editors font de petites salles chez nous mais en Belgique, ils font du 8-9000 donc…
Julien : Comme White Lies, chez nous ça a fait complet vite fait. Mais il y avait 5-6 autres dates et c’était la cata’, ça faisait à peine 150 à Lyon…

Et bien merci à vous pour cette interview et toutes ces précisions !

Retrouvez la première partie de l’interview avec Julien et Vincent du Grand Mix à cette adresse !