INTERVIEW – TAGO MAGO

Le bouche-à-oreilles est vivace à Rennes : Tago Mago est l’une des révélations des Trans et le groupe à surveiller dans les mois à venir. Avec un batteur cloué au lit par la maladie à quelques heures de leur set au Parc Expo, c’est leur claviériste Joris qui a répondu en solo à nos questions.

Faisons les présentations, comment tout a commencé pour Tago Mago ? 

On s’est tous les deux retrouvés autour d’une danseuse. Elle organisait des ateliers d’improvisations et elle aimait bien avoir de la musique live. Elle a invité des copains à elle dont Léo et moi. On a commencé à jouer comme ça tous les deux, en improvisant directement pour des danseurs. Cela a duré pendant environ un an et demi et c’est lors d’un festival de jazz où on s’est retrouvés que l’on s’est dits qu’on pourrait monter un duo. 

Avec pour idée de faire très peu de répétitions pour un maximum de concerts. Chez des copains, dans des squats, des bars mais rien de plus. 

Tout s’est monté donc sur votre kif de jouer ensemble et sur votre capacité à improviser. 

Aussi, l’idée de se mettre en danger via l’improvisation. On est sur le fil et il faut forcément qu’on se retrouve afin que la musique avance sinon ça ne marche pas. Ça a vite matché entre nous : on a la même culture musicale. Avec l’énergie du rock et le son qui va avec, surtout celui des années 60/70. Et une ouverture sur le hip-hop et le jazz. 

D’où le groove de vos morceaux et le côté mécanique que l’on retrouve à la fois dans le hip-hop et le rock allemand. 

Vous bénéficiez de l’accompagnement des Trans. Ce qui se traduit par une résidence, du coaching et des concerts ? 

C’est ça exactement : beaucoup d’ateliers, trois de jours de résidence, la tournée des Trans qui est très formatrice. Notre vidéo Voyons Voir a aussi été payée par les Trans et énormément de conseils par l’équipe des TransMusicales. 

Votre album sort le 3 Mars 2023. Comment avez-vous réussi à canaliser vos improvisations pour concentrer ça dans un disque ? 

On a eu la chance d’avoir eu un studio pour nous. Le plus important était d’y trouver notre son, on s’est mis dans une bulle superbe pendant les deux tiers du temps. Ensuite, on a joué et on a gardé tel quel tout ce qu’on a enregistré. C’est sans retouches avec ces fragilités, ces défauts et ces moments moins inspirés mais ça fait partie de notre musique donc on a voulu garder cet aspect-là. 

 

Sans mauvais jeu de mots, ce style de musique se construit sur la transe. Avec un sens du rythme, des montées/ descentes, comme sur un fil : comment sait-on quand on doit s’arrêter ?

On en a aucune idée. Pour la tournée des Trans, on est censés avoir 40 minutes de set. Ce qui est très difficile pour nous car on a un grand morceau qu’on aime jouer au début qui peut durer entre 20 et 30 minutes, en fonction de comment on se sent sur scène et des retours du public. C’est le seul indicateur que l’on a pour ajuster la durée du morceau.

Et justement en studio, lorsque vous n’êtes que deux ?

On a réduit par rapport aux versions live et sans le public qui nous pousse, ça vient plus naturellement et donne des morceaux plus réduits. 

Le début de vos morceaux se construit par sessions de jams ? 

Principalement. Depuis qu’on sait qu’on va jouer les Trans, on a essayé de poser des choses. On a plusieurs morceaux qui sont plus écrits que d’habitude mais on essaie de garder le maximum de part de liberté. 

Quelle est votre source d’inspiration ? 

L’amusement. Et en studio, on a pas mal de vieux instruments : synthés, orgues, effets, des échos. On joue avec ça, on branche et essaie tout. Par exemple, on a un morceau qui a démarré avec une pédale de guitare qui ajoute de la delay sur la caisse claire de Léo. 

Sur la partie visuelle, vous fonctionnez comment ? 

Pierre Moissard a fait la pochette de l’album. Pour les concerts de 2023, on aimerait avoir du VJ-ing car c’est une musique assez cinématographique. Ça permettra aussi de favoriser l’immersion dans notre son qui peut être aussi assez psychédélique. 

Puisque nous y sommes, quels sont tes souvenirs des Trans ? 

En tant que Rennais, je suis venu plusieurs fois et ça m’a forgé une culture de la musique. Beaucoup de groupes que j’écoute aujourd’hui ont été découverts par les Trans. Tous les ans, ça m’arrive car même quand je n’y vais pas, quelqu’un va me conseiller un artiste qu’il a vu jouer ici. 

60 000 personnes sur un week-end, avec cette curiosité et cette envie de voir des choses nouvelles. Je trouve ça incroyable de faire un festival aussi grand avec une proposition aussi pointue. On l’a vu avec MEULE jeudi soir où il y avait 4000 personnes qui sautaient partout sur une musique instrumentale qui pourrait être considérée de niche. C’est génial. 

Sans parler trop en détails du passé, Tago Mago n’est pas votre première formation ? 

Non, tous les deux on a eu plusieurs groupes. On avait ces groupes où on avait des répétitions régulièrement, de l’ambition, une envie de tourner. Tago Mago a été fait en réaction à ça avec l’envie de s’amuser avant tout et sans projet particulier. Bizarrement, c’est celui-ci qui se retrouve catapulté aux Trans et maintenant, on se retrouve à se poser plein de questions d’adultes. (rires)

D’ailleurs, votre arrivée aux Trans s’est faite comment ? 

On a enregistré une session live il y a un an. On a saisi l’opportunité en se disant que ce serait l’occasion de nous montrer pour ceux qui veulent entendre ce que ça donne afin de nous programmer. Le collectif Afterschool derrière la vidéo s’est dit que ça devrait plaire à Jean-Louis Brossard, programmateur historique des Trans. En janvier dernier, je suis passé devant son bureau avec ma clé USB. Comparativement à la taille du festival, son bureau est toujours ouvert en semaine. N’importe quel groupe peut taper à sa porte et lui faire entrer sa musique. Il m’a accueilli gentiment avec le sourire et ça s’est enchaîné. On a eu le droit à une journée de résidence, puis à un filage pour savoir si on pouvait faire les Trans ou non. Puis, on a été directement programmé en mars en première partie de Mezerg à l’UBU complet. Et ce soir, le Hall 8 qui nous paraît improbable.

 

Pour finir, quelle est la dernière chose qui vous ait fait rire ? 

On se marre beaucoup avec l’ingénieur son et l’ingénieur lumière, c’est devenu des vrais copains. L’ingé son a fait notre rider et a précisé qu’on souhaitait une bouteille de whisky. Et elle était bien là pour tous les concerts de la tournée des Trans. Ce qui a donné des états qui n’étaient pas désirés à la base. A la fin, on la partageait avec d’autres groupes parce que ça commençait à faire beaucoup. (rires)

Fin janvier, Tago Mago sera à l’Antipode de Rennes pour le tremplin du Printemps des Inouïs afin de faire partie du line-up du Printemps de Bourges. Ils ont livré un concert planant et montant crescendo vers ses titres les plus entêtants. Bien malin celui qui a pu deviner que le batteur pouvait être malade le jour J…

Rendez-vous début mars pour leur premier album !