Sorti à la fin de l’été et produit par Dan Carey, Tired of Liberty est le premier album de The Lounge Society. En tête d’affiche de la première date du festival des Inrocks, nous avons retrouvé le groupe à La Boule Noire pour parler maturité, géographie et musique bien sûr !
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Comment s’est passé cette fin d’année quelques mois après la sortie du disque ?
La tournée n’est pas si lointaine, nous nous sommes installés un peu à la maison pendant un moment et ce soir, c’est notre dernier concert de l’année.On va faire une pause côté concerts pour réfléchir à notre prochain album. Ça va être la fête ce soir, on va tout donner. Le line-up est top, c’est génial de partager la scène avec des amis. C’est cool de mettre en avant Speedy Wunderground de cette manière et de pouvoir le faire à Paris et non seulement à Londres. Nous avons joué à Paris récemment au Point Ephémère et cela a été l’un de nos concerts préférés de la tournée européenne.
Le premier album est sorti en août dernier, l’enregistrement s’est terminé il y a presque un an. Comment vous êtes- vous mis à la composition après votre premier EP ?
C’était une combinaison. Certaines chansons avaient leurs racines dans des idées vieilles de quelques années : nous les avons redécouvertes, reconstruites et elles sont arrivées sur le disque. Une autre partie des chansons a été écrite à la dernière minute, juste avant l’enregistrement. Nous avions certaines d’entre elles dans notre poche. L’album a été enregistré en deux semaines : la première a été consacrée à la mise en place des instrumentaux. C’était calme, nous étions logés dans un appartement sympa, nous avons bien mangé et quelques jours de repos.
La deuxième semaine a été très différente : nous sommes restés dans un endroit horrible, avec peu à manger et plus beaucoup d’argent. En plus, nous devions terminer les paroles.
C’était un mélange entre une créativité confortable et un stress absolu. Cette urgence était importante car nous en avions besoin et on peut l’entendre dans le disque.
Bien sûr, on ressent ce sentiment d’urgence dans les morceaux. Comment écrivez-vous ensemble : à partir de démos ou de jams ?
En général, l’essence de la chanson est déjà là dans la pièce, elle vient assez rapidement et naturellement. Quelqu’un joue un riff ou un rythme et on agrémente. L’idée vient en jouant, en s’amusant jusqu’à ce qu’elle se transforme en chanson. Ça marche aussi à la surprise, chacun essaie de faire aussi bien que l’autre avec notre instrument. C’est la partie la plus intéressante de l’écriture, tirer le meilleur parti de cet instinct, de ces moments. S’assurer qu’on peut avoir le squelette d’une chanson rapidement et ensuite, la peaufiner.
On pose toujours un téléphone dans un coin de la pièce pour avoir un enregistrement. On le ramène chez nous et on garde les passages qu’on aime vraiment. Comme ça, la prochaine fois qu’on vient sur le ring, chacun sait inconsciemment ce qu’il veut jouer. Nous avons appris de cette façon et cela nous aide à savoir plus rapidement où nous voulons aller.
Cela correspond aussi à la façon d’enregistrer de Speedy Wunderground, qui privilégie l’enregistrement dans les conditions live. Les thèmes de l’album sont la recherche de la liberté et la contrainte de ne pas la trouver. Ce qui est surprenant puisque vous êtes assez jeunes. Les paroles parlent d’une vie normale, d’avoir un vrai travail, du sens de la famille, et même la façon dont votre musique est construite peut donner l’impression que vous êtes beaucoup plus vieux que vous ne l’êtes. D’où vient cette maturité ?
Pour nous, cela vient en grande partie du fait que nous essayons d’être des musiciens. Quand vous essayez de faire votre chemin dans une industrie qui est plus difficile chaque jour, quand jouer en Europe est plus difficile que jamais, quand vous essayez de faire un disque, c’est au premier plan de nos préoccupations. Il fut un temps où c’était beaucoup plus facile. En fait, nous rencontrons des restrictions à chaque fois. Quand on veut jouer à l’étranger, quand on découvre une loi qui n’a pas de sens…
Je pense que c’est aussi lié à notre ville natale. C’est en partie la géographie, tout paraît loin. En étant jeune, on peut se sentir plus piégé que jamais. Vous ne savez pas ce qui vous attend et vous avez l’impression que rien ne va dans votre sens. Le monde n’est plus orienté vers les jeunes.
D’où nous venons, la politique n’est pas en faveur de la liberté. Il y a cette vague idée de « travailler dur jusqu’à ce qu’on y arrive », mais on n’en voit jamais les fruits. Nous avons l’air plus matures que notre âge, mais on a développé cette sorte de peur de l’avenir. Qui est venue plus rapidement et naturellement que les générations précédentes.
Ce que nous essayons de faire au niveau des paroles, et je pense que c’est assez important, c’est d’être évocateur. Nous pouvons parler de quelque chose qui est géographiquement proche de nous mais qui peut être compris par n’importe qui dans le monde entier.
Vous êtes l’un des rares groupes récents qui ne vient pas de la ville.
Il y a plus de gens dans le monde qui vivent dans des villages que dans des grandes villes. On peut avoir l’impression du contraire mais c’est juste parce que les gens sont plus concentrés dans les villes. Les villes ne contrôlent pas la population. Avoir l’impression que son monde est petit, ne pas être libre et rebondir entre les différentes situations en essayant de comprendre ce qui nous arrive : c’est ce dont parlent les chansons et je pense que la plupart des gens peuvent s’identifier à cela. Même ceux qui vivent dans les villes, car il est facile de se sentir seul dans les endroits bondés. Même si je pense que c’est plus un sentiment de petite ville et c’est principalement ce dont parle « Boredom is a drug », essayer d’échapper à cela.
Pour revenir à Speedy Wunderground. Le patron du label et producteur Dan Carey est quasiment partout depuis quelques années et a cette réputation de s’adapter sans s’imposer aux groupes avec lesquels il travaille. Comment ça s’est traduit pour vous ?
Le principal pour nous, ça a été de construire une relation avec lui. Le travail dans le studio s’est fait ensuite. On a appris à se connaître d’abord et à se comprendre pour ensuite travailler ensemble plus facilement. Comme on a pu faire l’EP dans un premier temps, on savait exactement comment échanger dès le début dans le cadre de l’album puisqu’on se connaissait déjà. C’était super naturel et immédiat et ça donne envie de continuer à collaborer avec lui.
Vous avez déjà eu un moment fort de votre carrière avec le festival de Lytham en ouvrant pour Wet Leg, Fontaines D.C. et The Strokes. Comment était-ce ?
C’était une sacrée journée ! Un rêve devenu réalité. Même se balader avec toute la pré-production en cours était fou. On n’a pas traîné avec les Strokes mais on a rencontré les Fontaines. Ils sont adorables et c’est agréable de voir que ce sont de “vraies personnes” en dehors de la scène. Cela nous aide à nous construire un personnage sur scène, c’est plus inspirant car cela semble possible. Il n’est pas nécessaire de naître super-héros.
Il est également courant aujourd’hui que les groupes de rock parlent de la difficulté d’être sur la route ou pendant trop longtemps.
Les tournées peuvent être la meilleure chose qui soit, mais ce n’est pas viable de vivre comme ça tous les jours. Il faut s’ancrer, chaque membre du groupe doit avoir son propre espace. Nous ne voulons pas ternir notre relation. Nous sommes membres du groupe mais aussi meilleurs amis, alors nous devons faire attention à cela aussi : ne pas ternir notre relation.
Pour conclure, quelle est la dernière chose qui vous a fait rire ?
Des privates jokes débiles bien sûr, mais la chose la plus récente date de ce matin. Nous avons commandé des pizzas. Nous ne parlons pas français et c’était gênant. Nous avons parlé pendant 30 minutes avec la serveuse car elle ne comprenait pas que nous ne voulions pas 3 pizzas à 20€ mais 3 parts. (rires)
Aussi ça nous arrive de rire à cause de la route. On s’endort dans le van en France et on se réveille sans même savoir qu’on est en Italie ou en Belgique et ça amène à des quiproquos stupides.
Prochaine étape pour les Lounge Society, la pause ! Essayer d’écrire quelques titres pour l’album suivant avant de se préparer pour leur première tournée américaine en 2023 avec un passage au SXSW. En attendant, écoute le premier disque dispo !
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Released late August and produced by Dan Carey, Tired of Liberty is the first album of The Lounge Society. Headlining the first gig of the Inrocks festival, we met the band at La Boule Noire to talk about maturity, geography and music of course!
How has it been lately after the record came out?
The tour wasn’t too long ago, we were settling down a bit at home for a while and tonight is the last show of the year. We are sort of thinking about our next music and taking a break from gigs. It will be a party tonight, giving everything we have left. The line-up is brilliant too, it’s great to share the scene with friends. It’s a cool way to highlight Speedy Wunderground. Especially that we can do this celebration and not in London. We played in Paris recently at Point Ephémère and it has been one of our favorite gig in the European Tour.
The first record came out last August, the recording finished nearly a year ago. Compared to your EP, how did you work?
It was a combination. Some songs had their roots in ideas that were a few years old: we rediscovered them, built them into new pieces of work and they came to the record. Another share of songs were written quite last minute, just before we were due to the record. Some of them we had in our back pocket. The album was recorded over two weeks: the first was dedicated to putting instrumentals down. It was calm, we were staying in an apartment, had some food and a few days off.
The second week was way different as we stayed in a horrible place, with barely no food and no money and we had to finish the lyrics.
It was a hybrid between comfortable creativity and absolute stress. The stress was important as we needed it and you can hear it within the record. Along with chaos.
Of course, you have this sense of urgency, a kick. How do you write together: from demos or jams?
Most songs in the album are coming from someone playing his part and it sort of comes together as we refine it over. Usually, the essence of the song is already there in the room, it comes pretty quickly and naturally. The idea is coming by messing around, having fun until it turns into actual songs. Surprising ourselves helps also to bring something as good on the table. This is the most interesting part of writing, making the most of this instinct, these moments. To make sure we can have the body of a song quickly and then, tweak around it.
We always get a phone recording at the corner of the room and play it a few times. Take it home and keep the bits we really like. Like this, the next time we are coming to the ring, everyone kind of subconsciously knows what they want to play. We learned that way and it helps us to know where we want to go.
It fits too to the Speedy Wunderground way of recording which is live.
The general themes of the album are the seek of freedom and being constrained by not finding it. Which is surprising as you are pretty young. The lyrics speak about having a normal life, a regular job, the sense of family, and even the way your music is built can feel like you are way older than you are. Where does that maturity come from?
For us, a lot of it comes from trying to be musicians. When you are trying to make a way in an industry which is harder everyday, when playing in Europe is more difficult than it’s ever been, when you’re trying to make a record, it’s in the front of our minds. Once upon a time, it was a lot easier. Actually, we meet restrictions every time. When we want to play abroad, when we are discovering a law which does not make sense…
I think it’s also linked to our hometown. It’s partly the geography, it’s steep value. The only thing is just being a young person, you can feel more trapped than ever. You don’t know what’s next and it doesn’t feel like anything is going your way. The world isn’t geared towards youth anymore.
Where we are from, the political feeling is not in favor of freedom. There is this vague idea of “work hard until you get there” but then you never see it. We sound more mature than our age but with youth, the sort of fear for the future came quicker naturally than the previous generations.
What we are trying to do lyrically and I think it’s quite important is being relatable. We might be talking about something which is geographically close to us but can be understood by someone anywhere all over the world.
You are one of a few bands which are not coming from the city lately.
There are more people in the world living in small towns than in cities. It can feel like the contrary but it’s just because people are more concentrated in the cities. Cities don’t control the population. Feeling your world is quite small, not being free and just bouncing between: that’s what the songs are about and I think most people can relate to that. Even people living in cities, as it’s easy to feel lonely in crowded places. Even if I think it’s more of a small town feeling and it’s mostly what ‘Boredom is a drug’ is about, trying to escape that.
About Speedy Wunderground. The head of the label and producer Dan Carey is nearly everywhere and he has the reputation of fitting in with each band is working with. How was it for you?
The main thing for us was building the relationship we have with him, rather than the work in the studio. Knowing how to understand each other and the work came naturally. Especially for the album, as we already did the EP together. We created a bond, allowing us to speak our minds. It could have been a totally different album without this. We want to do more with him as it keeps growing.
You already had a career highlight with the Lytham festival opening for Wet Leg, Fontaines D.C. and The Strokes. How was it?
That was a day! A dream came true. Even wandering around with all the pre-production going on was crazy. We didn’t hang around with The Strokes but we met Fontaines. They are lovely and it’s nice to see they are real people off stage. It’s helping us to build a persona on stage, it’s more inspiring as it feels more possible. You don’t have to be born a super human being.
It’s also common today that rock bands are talking about the difficulty of being on the road or living the rock life for too long.
Touring can be the greatest thing but it’s not sustainable to do it everyday. You have to ground yourself, every member of the band has to have their own space. We don’t want to tarnish our relationship with our best friends. We are band members but also best mates so we have to take care about this too: not harming our relationship.
To conclude, what is the last thing that made you laugh?
Silly inside jokes for sure but the most recent is us ordering pizzas this morning. We don’t speak french and it was embarrassing. We talked for 30 minutes with the waitress as she didn’t understand we did not want 3 full 20€ pizzas but 3 shares. (laughs)
Sometimes we laugh because of the road itself. You are getting asleep in the van in France and you are waking up without even knowing you are in Italy or Belgium.