C’est dans les locaux de PIAS et au lendemain de la ré-élection de Donald Trump que nous re-discutons avec Maarten Devoldere, connu pour Balthazar et Warhaus. Une aventure solo qui nous a envouté avec son album précédent et qui nous revient le 22 novembre avec Karaoke Moon.
On s’était rencontrés il y a deux ans, avant ton concert au Point Ephémère. Il s’en est passé des choses depuis Ha Ha Heartbreak. Deux ans où tu as beaucoup joué sur scène, où tu as fait quelques dates en festival avec Balthazar à l’été 2023, et où tu as eu visiblement l’occasion de travailler sur ce disque. Comment sont nées les premières chansons de ce quatrième album ?
Je viens d’avoir le vinyle dans les mains pour la première fois, j’ai oublié Trump immédiatement. (rires)
Le processus d’écriture a commencé rapidement sur cet album, j’avais déjà beaucoup de chansons avant même que Ha Ha Heartbreak ne sorte. C’était une période de calme entre la fin de l’enregistrement de l’album et sa sortie et à part les clips, je n’avais pas grand chose à faire donc j’en ai profité. J’essaie toujours de faire en sorte que la machine soit en route donc j’écris plus ou moins tout le temps. J’écrivais des pop songs assez classiques au départ et je me suis dit qu’il fallait que je surprenne les gens alors j’ai tenté d’autres approches pour me challenger et sortir de ce que j’ai fait habituellement.
Je me souviens que pour le précédent, tout avait démarré dans une chambre d’hôtel à Palerme. Est-ce que là aussi tu as choisi un cadre particulier pour te mettre à la composition ?
Non, cette fois je ne suis pas allé quelque part en particulier. J’étais à la maison, j’ai passé du temps avec Jasper et j’ai cherché des manières de trouver l’inspiration. L’album est à propos de mon subconscient, je voulais m’en rapprocher le plus possible. Pendant un an, j’ai tenu un journal où j’écrivais mes rêves. J’ai aussi pris beaucoup de drogues psychédéliques et j’ai fait de l’hypnose avec un thérapeute. Je suis allé vers lui en lui disant que je ne voulais pas d’une thérapie classique mais que je souhaitais faire ça pour écrire des chansons. On a donc démarré quelques séances et ensuite, je suis venu avec un clavier. J’ai joué comme ça pendant 20 minutes une sorte de jam. Toutes ses drôles d’expériences ont participé à l’écriture de l’album et c’était donc plus un voyage intérieur qu’une destination en particulier.
Tout était enregistré ou tu arrivais à te souvenir plus ou moins de ce qui s’était passé lors de ces séances ?
Non, j’ai tout enregistré. Aussi bien quand je jouais que lorsque je parlais. Il y a cette idée préconçue selon laquelle tu ne te souviens de rien de ce qui se passe sous hypnose mais c’est faux, tu gardes des souvenirs quoiqu’il arrive. Le titre de l’album est venu de ces sessions. Dans la chanson ‘No Surprise’, j’évoque le fait que je n’écris pas les chansons, elles s’écrivent pour moi. C’est à ce moment qu’est venu cette notion de Karaoke Moon où je suis l’interprète des paroles de morceaux qui me sont projetés. C’est une notion que j’ai aussi à propos de la vie en général : toutes les actions et les idées que nous avons viennent de notre subconscient et ensuite, nous prenons le contrôle avec notre esprit cognitif. Nous avons le crédit de ce que nous faisons mais en réalité, nous n’avons pas grand chose à faire là-dessus et je ne pense pas que nous ayons une grande marge de manoeuvre. Notre environnement, notre éducation, nos gènes, tout ce qui nous arrive, c’est un grand mélange. La métaphore du karaoké avec le fait que tu lises les paroles sur un écran, c’est l’image que je voulais créer.
Ha Ha Heartbreak était assez intimiste. L’atmosphère sonore est très différente sur ce disque, plus collective. : avec plus de backing vocals, le retour des duos et l’arrivée d’un orgue notamment. Sur Karaoke Moon, on retrouve des morceaux très mouvant aux constructions déliées. Qui sont du genre à partir dans une autre direction pile au moment où on pensait qu’ils allaient s’arrêter. Je pense à What goes up notamment.
Je suis très content de l’entendre, je ne pense pas que c’était intentionnel mais avec l’âge et la maturité, tu tends vers ça en tant qu’artiste. Quand tu es jeune, tu es sauvage, plein d’énergie mais en même temps, tu cherches qui tu es, tu veux être cool et de ce fait, tu te fixes des sortes de règles pour arriver à tes fins. J’essaie d’éviter ça et ma collaboration avec Jasper m’aide énormément pour y parvenir. On travaille ensemble pour Warhaus et sur Balthazar et c’est l’un de mes meilleurs amis. Plus je travaille avec lui, plus j’ai confiance et j’adore lui confier quelque chose en lui disant qu’il peut faire ce qu’il veut. Ca donne cette liberté, cette envie de trouver de nouvelles choses et de dessiner en dehors du cadre.
Si l’on ajoute Balthazar, c’est mon neuvième album au total, ce qui commence à faire beaucoup de chansons donc tu t’auto-satures si tu ne cherches pas à modifier la manière d’écrire. On a tendance à se foutre des règles et c’est comme ça que l’on part sur un morceau instrumental, une chanson qui démarre par l’écriture d’un poème, etc. Ou un titre comme Jim Morrison qui est comme une diatribe avec énormément de paroles.
Autre titre où on retrouve cette liberté de composition : Jim Morrison. Une autre caractéristique qui ressort de ce titre et de l’album, ton sens de l’humour. Avec ici des phrases comme « ‘I would do this for you but please not ask me to » ou dans Emely où tu fais référence à Dumbo.
C’était une sorte de paradoxe par rapport à la période où j’ai écrit le disque. Depuis deux ans, tout va bien dans ma vie. J’ai une nouvelle petite amie, un chien, une maison, mes amis, tout semble rouler. Je me suis donc dit qu’il fallait que je creuse certains démons intérieurs nichés dans mon subconscient. Les sujets peuvent être sombres parce que j’aborde des aspects de ma personnalité mais en même temps, je ne voulais pas me prendre trop au sérieux et avoir l’air de l’artiste tourmenté. Pour revenir à l’hypnose, c’est l’idée de perdre le contrôle donc c’est peut-être au final l’album qui parle le plus de mon subconscient et non de mon esprit cognitif. C’est la première fois que je réalise ça mais il vient plus du ventre que du cerveau.
La fin du disque, ou en tout cas les 4 derniers morceaux on va dire ont a un aspect plus dramatique. Comme si ils avaient été composés ou enregistrés à une période différente ? Je me trompe ?
Oui et non car tu essaies toujours de surprendre et ce serait donc une mauvaise idée d’essayer de refaire ce qui s’est passé sur scène.
Ha Ha Heartbreak était vraiment un disque de groupe, enregistré à l’ancienne sur bandes avec une couleur très seventies. Pour Karaoke Moon, nous l’avons co-produit avec Jasper en recherchant un certain groove. Une fois que nous avions ce que nous voulions, on enregistrait avec de vrais musiciens mais ça ressemblait plus au premier album de Warhaus où j’étais seul derrière mon ordinateur à faire des boucles. On voulait un son frais et contemporain.
Pour l’ordre des chansons, c’est quelque chose à laquelle tu penses beaucoup mais qui ne vient pas avant la fin du disque. Je savais que ‘Where The Names Are Real’ était une bonne introduction mais c’est tout. C’est un album très éclectique qui passe par différentes phases et j’espère que c’est un disque qui gagne avec les écoutes. J’espère que les gens vont y passer du temps pour le découvrir. On y trouve moins de singles radio que sur les précédents.
Pour les clips de ‘No Surprise’ et ‘Where The Names Are Real’, vous vous êtes amusés à faire des plans séquences. Vous garderez ce concept sur l’ensemble des clips ?
Pour ‘Where The Names Are Real’, on a volé l’idée de la lampe à un film de Tarkovski. Ce n’est pas exactement pareil dans le film mais c’est notre version. C’est la première fois que je chante un refrain aussi direct que ‘I’m in love with you’, je trouvais ça cliché donc il fallait que je trouve un moyen de me mettre à l’aise. Dans la vidéo, c’est censé représenté l’idée de garder la flamme d’une relation en vie et aussi une allusion au mythe de Sisyphe.
La vie a fait que ton ami J Bernardt a lui aussi composé un disque suite à une rupture cette année avec Contigo. On parlait avec lui de la posture à adopter pour éviter de tomber dans le cliché du chanteur en peine de coeur.
Les albums de rupture s’écrivent tout seul, c’est super facile. Ton coeur est brisé, tu vas écrire un disque. Tu peux essayer de lutter mais ça va finir de la même manière. Quand tu es amoureux, tu ne veux pas paraître niais ou ringard. C’est un challenge de faire une chanson d’amour intéressante.
Ca fait deux ans que tu sembles vivre sur un petit nuage avec ce projet. D’ailleurs ici à Paris, tu vas pouvoir fêter ça à l’Olympia en mars prochain. Avec Balthazar, tu as déjà l’occasion de connaître le succès et des salles prestigieuses mais ça te fait quoi de réaliser ça avec ton projet « solo » ?
C’est fou ! Lorsque tu as un autre projet, c’est une sorte de luxe parce que ton autre groupe paye ton loyer. Warhaus a toujours été pour moi une manière d’aller plus loin sur ce que je vivais et d’essayer d’être le plus honnête et brut par rapport à ce qui peut m’arriver, sans compromis. Je ne m’attendais pas à ce que ça fonctionne de cette manière mais en même temps, ça doit être aussi pour ça que ça parle autant aux gens : ils doivent sentir que c’est authentique. Je suis tellement excité par l’idée de jouer l’Olympia.
Comment tu la vois cette prochaine tournée ?
On a aucune idée pour le moment. On a joué Ha Ha Heartbreak jusqu’au mois de septembre dernier et je n’avais pas envie d’enchaîner sur les préparatifs sans pause. On commencera à travailler les répétitions en janvier prochain mais pour le moment, on a besoin d’un break pour se reposer, revenir avec de nouvelles idées et surprendre le public.