INTERVIEW – W!ZARD

L’un des albums immanquables de l’année s’appelle Not Good Enough et nous a été donné par le trio bordelais de W!ZARD. On a demandé à Romain Arnault, chanteur et bassiste du groupe de nous le décortiquer.

Le 12 avril dernier, vous avez eu un accident de van qui a annulé votre Release Party prévue à La Boule Noire. Rien de cassé ?

On s’est bien fait flipper, on a fait de l’aquaplaning sur l’autoroute et on a fini par prendre un bord de pont qui nous a empêché de tomber de 30 mètres. C’était très chaud mais on a rien eu et le matos non plus. On est repassés récemment sur le lieu de l’accident, ça nous a fait quelque chose. On conduisait bien avant mais on est d’autant plus prudent. Depuis, on a fait pas mal de showcases et quelques dates à l’étranger notamment aux Pays-Bas. On a une télé prévue pour France 3 et le prochain vinyle pour la revue papier de Mowno avec un nouveau single.

Vous avez sorti l’un des disques de l’année 2024 avec Not Good Enough. Vous aviez un EP en stock qui datait de 2021 et qui était déjà très abouti. Comment vous avez démarré le travail sur ce disque ?

On commence par faire nos maquettes sur ordinateur avec Logic ou n’importe quel autre logiciel via nos cartes sons. Chacun de notre côté. Je m’occupe de la plupart des compositions, Manuel et Julien en font aussi. Au total, il y avait 20 à 30 maquettes. Ensuite, on se retrouvait chez moi pour tout écouter et modifier sur l’ordi directement. On a changé de batteur entre l’EP et l’album, Julien avait la veine de l’EP en tête mais vient d’un univers plus pop et mainstream. La différence avec l’EP, c’est les mélodies. Avant, tu avais quelque chose de très scandé et très peu de lignes mélodiques.

Il n’y avait pas de cahier des charges, on voulait juste que ce soit rock en tentant des aspects beaucoup plus électronique ou pop. En insérant des gimmicks qui ne passent pas forcément que par la voix. Un élément qui te reste en tête et qui te fait reconnaître et retenir le morceau.

L’introduction de ‘Private Garden’ par exemple, c’était une influence entre QOTSA et Psychotic Monks. Quand on le faisait écouter à des potes, ils la chantaient directement donc c’était gagné. (rires)

On ne s’est pas fixés de limites et on voulait ouvrir notre musique. Pour la sélection des titres, ça s’est fait facilement. En les jouant ensemble en live, on a fini par en zapper quelques-unes et il nous restait 15 titres et on en a gardé 11 pour aller en studio. C’était drôle à faire : on se retrouvait en fin de journée, on faisait n’importe quoi, on buvait des bières, on jouait et le lendemain, on voyait ce qu’on avait fait.

Avec vous, Birds In Row et bien d’autres, Amaury Sauvé se fait sévèrement un nom dans le milieu de la musique qui frappe juste, fort et bien. Vous avez travailler avec lui aussi sur l’EP. Pouvez-vous revenir sur votre collaboration et ce qui fait que vous vouliez retourner le voir ?

Amaury a une méthode bien spécifique qu’il applique à tous les groupes.
Tu commences par une phase de pré-production où tu joues les morceaux, fais des choix de micro, choisis le matériel. Le placement des instruments, les micros, la logistique est calé en amont. Tu écoutes aussi du son pour savoir ce que tu veux et on avait aussi préparé une playlist de 50 morceaux de référence pour nous. Ca impacte le placement de la batterie pour trouver l’acoustique qu’on veut. Ici, un son naturel donc on la place dans la grande pièce. Si on voulait un son plus sec, on l’aurait mise dans la pièce la plus petite. Une fois que tout ça est fait, on réalise un premier enregistrement qu’on réécoute le lendemain.

On repart avec cet enregistrement et un mois de réflexion pour faire des remarques avant d’enregistrer pour de bon. Tu sais exactement ce que tu dois jouer, il a son diagramme des dynamiques pour savoir si t’es dans le vert ou dans le rouge : c’est hyper bien parce qu’en 10 jours, si tu n’es pas organisé, t’es baisé. (rires)

Par contre, tu ne peux pas tester de choses en studio. On avait 11 jours pour enregistrer les 10 titres. Les prises de batterie/basse/guitare étaient faites en deux jours en 2/3 prises. Après certaines choses vont très vite, d’autres moins comme ‘Stupid Cunt In The Mall’ qui comprend beaucoup d’empilement.

Cette méthode peut être une qualité comme ça peut être un défaut. Pour l’EP, on est arrivés sans connaître et ça a été énorme parce qu’Amaury te guide de A à Z. Dans l’organisation et dans le sens de ce que tu veux dire avec ton morceau. On a enregistré les 10 morceaux du disque, un est resté de côté à la phase de pré-production pour des raisons de temps. Je suis assez dégouté de ne pas avoir pu le faire mais on le sortira plus tard. J’aurais aimé tenter plus d’effets, parfois plus osé. On a aussi passé pas mal de temps sur les batteries, notamment les caisses claires. On a presque une batterie différente par morceau, on a peut-être pris un peu de trop de temps à ce niveau-là mais le résultat est très solide.

 

Vous avez réussi à équilibrer un côté pop/accrocheur à un son initial très noise, ce qui est assez rare. Comment vous avez travaillé le live ?

Dans l’album, il y a beaucoup de couches de guitares mais ce n’est pas quelque chose qu’on perd car Manu a un son assez massif. Ce qui est nouveau, c’est qu’on rajoute en séquences via un pad SPD. Ca nous a fait bizarre au début, on avait l’impression de tricher car on ne se voyait pas rajouter de claviers ou d’éléments électronique. On s’y est fait, ça marche très bien et ça nous permet d’intégrer les samples de ‘Stupid Cunt in The Mall ‘ par exemple. Il y a certains titres qui ne marchent pas encore et on ne joue pas ‘I Can’t Feel The Pain’ mais on avait prévu d’avoir un album facile à arranger, sans que ça fasse too much. C’est ‘Ego Box’ avec la guitare chorus et une batterie à la Phoenix, qui nous semblait plus difficile à dompter mais ça s’est fait tranquillement. .

Ce mélange d’influences à la Phoenix, Foals mais aussi d’autres groupes plus noise et abrupts comme METZ, DITZ, ça vous a réclamé de travailler différemment en tant que musicien ?

En faisant la maquette d’Ego Box, j’ai démarré par une batterie à la Phoenix, une guitare chelou à la Bowie et entre cette ébauche et la version finale, pas grand chose n’a bougé. Le plus dur, c’est les chants en live. Il faut les assumer parce qu’on avait pas l’habitude de chanter mais de gueuler. C’est déstabilisant au début mais on est contents de nos mélodies et des messages que l’on veut faire passer donc ça se fait naturellement.

Votre identité visuelle est très travaillée et reconnaissable. De la pochette de l’album aux illustrations de singles. On y retrouve d’ailleurs beaucoup d’effets de blister et une collaboration avec un artiste spécialisée dans l’intelligence artificielle. Comment vous vous entourez sur cet aspect ?

On en a parlé avec Libération récemment. On a contacté un artiste via Instagram en faisant une sélection de visuels qui nous a touché. Ce n’est pas comme si on avait utilisé uniquement la barre de recherche de Bing Creator. Par contre, j’ai fait le visuel de Jack via une IA. Il y a des rageux qui réagissent avec des émojis vomis dans les commentaires mais on ne va pas chercher plus loin.

Depuis l’après COVID, la scène française est très vive sur scène et en studio et ça fait plaisir à voir. Comment vous le vivez ?

On sent qu’il y a trop de monde actuellement. C’est difficile de trouver des dates pour jouer. Mais on est hyper contents de voir nos potes sortir des super disques. On a poncé les disques de Structures, Mad Foxes, Psychotic Monks. On galère un peu à tourner en ce moment, ça nous blase un peu car ça nous empêche de concrétiser la sortie d’album. Ca bouchonne, c’est frustrant mais ça ne nous empêche pas d’être super fiers de la scène.

Avant cet interview, j’ai vu que le disque n’était plus sur Spotify. Pourquoi ?

C’est à cause d’une radio anglaise qui s’appelle Wizard. Ils ont ‘réclamé’ le disque sans véritable raison et ça l’a retiré temporairement de la plate-forme. Il va revenir dès aujourd’hui dans le monde entier, sauf au Royaume-Uni pour le moment.

Avec le label A tant rêver du Roi, comment s’est fait la rencontre ?

On travaille avec eux sur le physique. Après, ils ont signé quasi tous les groupes du sud-ouest ces derniers temps. Je connais Stéphane depuis très longtemps, je viens de Charentes et il y avait le Jarnac Sound où on retrouvait ces premiers groupes comme Headcases, Gâtechien et Café Flesh. Au début, j’envoyais mes projets et il ne me répondait jamais. Il l’a fait quand j’ai enfin pondu quelque chose de bien je pense. (rires)

Maintenant, on est hyper potes et il nous aide énormément. Il nous avance les frais des vinyles et on le rembourse quand on les vend. On a failli ne pas signer avec lui, on a hésité avec un plus grand nom à l’international ou via Vicious mais ça ne s’est jamais pas fait. Le dispositif d’accompagnement du Fair nous a aidé aussi pour la distribution digitale. On est très contents comme ça parce qu’on fonctionne en circuit court et on se sent compris.

 

C’est quoi la dernière chose qui vous ait fait marrer ?

Récemment à Nilvange, on était bourrés avant de jouer et on s’est mis en rond pour faire une battle de breakdance. Les mecs n’étaient pas au courant que j’étais capable de faire la coupole : un truc où tu commences à faire des ronds. Geoffrey, notre ingénieur son nous l’a demandé dans les retours pendant le concert. Je l’ai fait, c’était énorme. Le lendemain, Manu n’avait pas mis de réveil et on est allés demander un double de sa carte pour aller lui balancer deux bouteilles d’eau à la gueule. On a bien sûr tout filmé. (rires)

Du franc parler, des anecdotes et un album dingue, écoutez les W!ZARD et allez les voir quand ils seront dans vos parages. Il nous tarde de mettre nos cervicales à l’épreuve en live.