Dans le cadre du festival Days Off, Interpol fêtait les 19 ans de leur second album, Antics. Posés dans la magnifique salle de la Philarmonie de Paris, retour sur une célébration sous le signe de l’élégance.
Il est écrit que l’été 2023 se joue avec Jehnny Beth sur scène. En pleine tournée des stades avec Depeche Mode, elle trouve une place pour soutenir la première partie d’Interpol. Toujours entourée de Johnny Hostile aux machines et à la basse et de Malvina aux claviers et au chant, la setlist du soir remet à l’honneur son premier album. Déjà apprécié dans la courte session vue au Stade de France il y a quelques semaines ou lors d’un excellent set à Rock en Seine l’an dernier, le trio sait s’adapter aux foules et s’en emparer. Faire sauter un stade, reprendre des paroles ou se faire porter par des inconnus, peu de limites pour eux et c’est tant mieux. C’est aussi l’occasion d’écouter ‘Brat’, premier extrait du projet de Malvina. Plus électro, trap et brutal, encore une belle preuve qu’ils n’ont pas peur de balancer ça à des oreilles non averties et assez éloignées de ce style musical. ‘Heroine’, ‘Flower’, ‘We Will Sin Together’ sont toujours efficaces tandis qu’on est curieux de voir ce que donne la version studio de ‘More Adrenaline’. Ce tour de chauffe de taille XXL ne fait que grandir notre impatience sur le futur album à venir. Pour en savoir plus sur le travail de Jehnny Beth et Johnny Hostile, on vous renvoie sur notre podcast enregistré avec lui en avril 2022.
18 ans après mon premier concert d’Interpol au Splendid de Lille avec Bloc Party comme support, me voici donc à nouveau devant Paul Banks, Sam Fogarino et Daniel Kessler. Entre temps une dizaine de concerts quasiment pour chaque sortie d’album ou croiser au détour d’un festival. Après avoir vu la commémoration de Turn On The Bright Lights, l’aura de son successeur est bien là. Salle complète et fosse compacte pour une arrivée toute en sobriété qui ne tarde pas à enclencher les premières notes de ‘Next Exit’. Le disque sera donc joué d’emblée avec l’élégance et l’application qui caractérise le groupe depuis ses débuts. Costume pour tout le monde, lunettes de soleil inamovibles au chant et peu de lumières pour donner plus de détails à ses silhouettes noires que l’on voit bouger. Pour ceux qui n’auraient pas vu Interpol jouer depuis un bail, deux membres se sont ajoutés pour les lives : un bassiste et un claviériste. Une présence discrète que l’on pourrait voir renforcer par des backings vocaux lorsque Paulo semble en difficulté pour ajouter de la force à son interprétation.
Hormis les applaudissements et les claquements pour suivre le rythme de ‘Slow Hands’ ou ‘Evil’, la communication avec le public est assez rare. Musique introspective par excellence, les gens dansent en petit groupe ou chantent à tue-tête sans faire trop de vagues. Rien de très étonnant en soit mais au vu de la salle phénoménale et de l’occasion, on pourrait s’attendre à plus de ferveur.
Respectueux des traditions, Interpol se retire une fois l’album fini en nous précisant qu’ils reviendront nous jouer autre chose dans quelques instants. A part le single ‘Toni’ issu de The Other Side of Make Believe, le groupe se limitera surtout à ses débuts. Loin d’être un problème quand on sait la qualité du mal aimé Our Love To Admire qui contient entre autres la mélancolique ‘No I In Threesome’ ou la délicate ‘Pioneers To The Falls’. L’excellente Lights dynamitera ce rappel qui jouera aussi les incontournables ‘PDA’ et ‘Obstacle 1’. Dans l’ensemble, le rappel fait du bien et on sent le groupe plus libéré une fois l’exercice de la relecture d’Antics passé. Habitué à les voir sur les derniers disques, le set manque peut-être du coffre et de l’énergie que peuvent avoir des titres plus récents. Ce qui se ressent dans le jeu de Fogarino, plus en retenue qu’à l’accoutumée en raison des chansons jouées. On aurait pu aussi espérer un deuxième rappel mais les maîtres de cérémonie n’ont jamais été connu pour faire perdurer le show, ni pour être de grands bavards. C’est donc avec une certaine sobriété que tout ce beau monde rentre chez soi avec la sensation d’avoir vécu une bonne soirée, même si on n’aurait pas été contre un peu plus de démonstration de chaque côté de la scène.