Cette année, le Hellfest accueillait un jour avant son ouverture le premier Knotfest français. Plongée dans l’inconnu (ou presque).
La fête du nœud :
Comme beaucoup n’avaient pas l’air au courant, on rappellera que le Knotfest ne date pas de cette année. Le festival de Slipknot est né en 2012 comme une sorte d’Ozzfest destiné à faire jouer les copains et à faire plaisir aux fans avec des décors reprenant l’imagerie de fête foraine malsaine du groupe. Alors oui, dit comme ça ça ressemble au Gathering of the Juggalos mais l’ambiance a quand même l’air (un peu) différente. En 2016 et 2017, la fête à Ozzy déclinant, on a droit aux première associations de la fête du Nœud avec deux Ozzfest meets Knotfest. Puis en 2017 et 2018, le Knotfest s’affirme comme festival uniquement curated by puisque Slipknot ne jouera pas à ces éditions respectivement mexicaine et colombienne.
Cette année le Knotfest a posé son carnaval en France pour la première fois, en s’associant au Hellfest : Knotfest meets Hellfest. Pas de panique, les Neuf sont bien en tête d’affiche. Le pourquoi du comment est en fait assez simple : une fois la programmation du Hellfest bouclée, il était diplomatiquement impensable de rétrograder un des groupes à qui la tête d’affiche avait été promise pour y placer Slipknot. Comme il n’y avait plus de place au festival, les américains ont amené le leur, et l’ont rempli avec les autres retardataires arrivés trop tard pour se placer dans le festival principal.
Ce n’était donc aucunement « un test de Ben Barbaud pour évaluer la possibilité d’un quatrième jour pour l’an prochain » comme ont pu l’affirmer quantité d’experts auto-proclamés sur un certain groupe facebook. Le patron l’a rappelé lors de sa conférence annuelle, le Hellfest a vocation à rester à trois jours et le Knotfest ne devrait pas revenir l’an prochain.
En pratique
Alors en vrai ça donne quoi ? Le gros avantage permis par ce premier jour non-officiel aura été de bien fluidifier les entrées. Si les VIP ont du cuire au soleil pour une raison mystérieuse, les vrais festivaliers n’ont pas du tout eu à faire la queue pour retirer leurs pass et entrer sur le festival. Pas d’attente devant les grilles, pas de ruée vers le camping, tout le monde est entré dans le calme et à son rythme.
Si on parle score, on pourra dire que la jauge n’était pas à 100% mais tout de même bien élevée avec 37 000 knotheads, ce qui est loin d’être déshonorant.
Côté décors, partage de l’infrastructure oblige, on a malheureusement droit au minimum. Une banderole placée devant la cathédrale accueille les têtes de nœuds. Des panneaux estampillés « Knotfest » empêchent l’accès aux tentes inutilisées… Le seul vrai bonus sera le petit musée Slipknot, un chapiteau planté devant la Valley sous lequel on retrouvera d’anciens costumes et accessoires du groupe.
Début des hostilités
En bons élèves on arrive à temps pour le premier concert. Ce qui n’était pas le cas de tout le monde et il faut bien le dire, durant les premières heures du fest tout le monde était paumé. La faute à un festival où personne n’aura eu la présence d’esprit d’imprimer un running order à distribuer aux festivaliers, ou même de l’indiquer sur le site officiel ou sur les réseaux sociaux. On passera donc l’après-midi à entendre des « C’est quand (machin) ? » et des « Alors, ils passent aujourd’hui, mais je sais pas quand. ».
Le Hellfest avait cette année pour thème « escape the code » mais le véritable escape game était au Knotfest : il fallait trouver les horaires des groupes, cachés sur deux panneaux derrière la régie.
Sick of it All
Pas le temps pour l’échauffement, la bagarre commence dès le premier set avec une valeur sûre : Sick of it All. Sincérité, fraternité, enigrecachixcé. Les mecs sont authentiques et contrastent pas mal avec le défilé auquel on va avoir droit au cours de l’après-midi. Les new yorkais nous grattent la surface et on repart en se disant que décidément, dans l’underground, l’intégrité repose à l’intérieur et l’image ne veut rien dire. Enfin quelque chose comme ça.
Amaranthe
Pour Amaranthe on a essayé, mais on n’a pas pu. Imaginez Evanescence qui essayerait d’être à la fois Katy Perry, Nightwish et David Guetta, mais qui ne parviendrait au final qu’à devenir un smoothie Lidle de l’ensemble.
Après une chanson et alors qu’on tente de déguerpir en marche rapide tout en réprimant une violente diarrhée tels des Yohann Diniz de l’extrême, on se demande qui a ramené cette immondice. On découvrira quelques jours plus tard qu’il s’agit en fait de la future première partie européenne de Sabaton. Tout s’explique.
Ministry
La dernière fois qu’on a vu Ministry, ils nous avaient sorti une setlist impeccable mais un son tellement uniforme qu’on avait l’impression d’entendre le même titre du début à la fin. Cette fois il y a du mieux. C’est pas parfait, mais mieux.
En fait la principale attraction viendra de la très récente addition à la basse de Paul d’Amour, là où tout le monde s’attendait à un retour de Paul Barker. Paul d’Amour n’est autre que le premier bassiste de Tool, qui a officié sur « Opiate » et « Undertow ».
On retiendra donc de ce concert la classe pas croyable de Paul et ses lignes rugueuses, mais aussi la sobriété (au sens littéral) du père Al Jourgensen.
Powerwolf
Powerwolf monte sur la Mainstage 2 et c’est une super nouvelle parce que ça veut dire que c’est l’heure d’aller chercher à manger ! Conscience professionnelle oblige, une fois la précieuse galette obtenue on revient quand même constater l’étendue du désastre. Et on regrette. Les morceaux sont incroyablement pauvres, les mélodies outrées et on dirait au final que le tout est écrit autour des gimmicks. Pour couronner le tout, c’est supposément drôle.
Public cible : les mecs qui viennent en festival avec des t-shirts de mangas. D’ailleurs on les imaginerait bien mieux sur la scène de Japan Expo, entre un groupe de Pirate Metal et un groupe de reprises de génériques d’anime.
Papa Roach
On continue les joyeusetés avec Papa Roach. Le mot clé à retenir ici : gênant. Parce qu’avec n’importe quel groupe de neo on peut d’habitude passer un bon moment nostalgique entre honte et jump décomplexé. En gros, même ceux qui passent leur temps à cracher sur Limp Bizkit et P.O.D. se sortent le balai quand les mecs jouent leurs tubes. Mais pour Papa Roach, on a l’exception à la règle. Ici, c’est gênant.
Alors bien sûr on aura droit au dernier ressort en ouverture, à leur hymne à l’amour en clôture et à une petite reprise de « Firestarter » de The Prodigy en hommage à Keith Flint pour laquelle on dira que c’est l’intention qui compte, mais dans l’ensemble la sauce ne prend pas et on ressort gênés devant ces vétérans d’une époque révolue capables d’être ridicules comme Limp Bizkit tout en restant premier degré comme Deftones.
Behemoth
On repasse sur la scène de la honte où Behemoth constitue le barrage du torrent fécal qui aurait sans eux été ininterrompu. En fait il y a probablement eu méprise et leur slot aura été échangé avec celui de Papa Roach. Toujours est-il que bon dieu ça fait plaisir de voir un groupe devenu aussi populaire en faisant aussi peu de concessions. Alors bien sûr il y aura forcément une armée de blackeux pour rétorquer que gnugnugnu, mais le jour où un blackeux arrête de râler c’est qu’il est mort.
La foule devant la scène est immense. Nergal a une présence incroyable. Gabriel se fait souffler dans la trompette et on se prend à espérer un petit happening de Provocs Hellfest ça suffit. Leur satanisme grand public restera malheureusement sans opposition et les cieux perdront ce jour-là une jolie bataille.
Rob Zombie
Les concerts de Rob Zombie ont toujours été très décevants. Celui-ci sera simplement décevant, et c’est donc un progrès.
On retrouve avec plaisir les très bons John 5 et Ginger Fish qui nous rappellent par leur simple présence que le Zombie est peut être une diva, mais qu’il est très loin du niveau de pourriture du Révérend. Que dire sinon que ça joue, que les titres sont bons mais toujours plus mous que sur album et qu’au final on parvient à accepter cette imperfection pour juste apprécier le groupe tel qu’il est.
Gros point marketing transmédia, Rob Zombie se permet carrément de sortir de scène trois minutes pour passer sur l’écran géant la bande annonce de son prochain film. Publicité on ne peut plus ciblée.
Ce qui est triste avec Rob Zombie, c’est que ses titres ont beau être diablement efficaces, la faiblesse de son interprétation empêchera toujours ses compositions de gagner leur plein potentiel en live. Le Zombie arrive toujours à nous faire sautiller sur « Dragula » malgré son flow essoufflé qui zappe la moitié des mots, mais ce n’est rien à côté de la folie qui gagne les festivaliers quand le titre est passé par un DJ sous la tente du camping.
C’est alors que je me rends compte que le site commence à être envahi par une foule de Didier-corne-au-ceinturon soucieux de prouver au choix : leur virilité / leur ascendance viking / leur appréciation de la série de l’History Channel. Ni une ni deux, je me barre prestement de ce rassemblement pour aller rejoindre le camping où se prépare la véritable guerre de l’Enfer.
Sur le chemin, je reçois un message d’Hilikkus qui m’indique son arrivée imminente en terre clissonne. Le point de rendez-vous est donc fixé : nous nous retrouveront au concert de Joe la Mouk.
Joe la Mouk
Après les embrassades et les gênantes effusions provoquées par la rencontre entre FooFree et Hilikkus, les reporters de l’extrême ont pu assister à la prestation de Joe La Mouk offerte sous le petit chapiteau du Metal Corner situé du côté du camping, spécialement montée pour satisfaire les festivaliers du jeudi qui n’ont pas pris leur pass pour le Knotfest. Pour ceux qui seraient passés à côté de leurs 20 ans d’existence, Joe La Mouk est un trio qui parodie tous les genres musicaux (avec une préférence pour le punk et le metal) avec un humour pipi caca totalement rétrograde. Autant dire que la déferlante de conneries (“Du fric et des clopes”), d’insultes gratuites (“Connard de hippie”) et de violence insensée (“Vikings”, “La Guerre de L’Enfer”) fut accueillie avec le plus grand enthousiasme par le public du Hellfest – nos 2 reporters compris – reconnaissant en Joe La Mouk un groupe à leur image : des passionnés de musique saturée restés au stade anal.
Slipknot
Retour au Knotfest et faufillage pour assister au set des organisateurs : Slipknot !
« (515) » retentit alors que « Slipknot » s’étale sur les écrans en lettres de feu… puis c’est la dérouillée. Soucieux de faire taire les sceptiques, les Neuf nous servent un enchaînement « People = Shit » – « (sic) » certain de laisser quelques hématomes dans les premiers rangs. On aura d’ailleurs droit à beaucoup de titres issus des deux albums valables du groupe : cinq de l’éponyme et trois d’ « Iowa ».
Cette surprésence de bons titres aura pour effet de souligner la mollesse d’une partie des morceaux plus récents, en tête l’over-niais « Unsainted » et ses paroles que même les emos de 1999 n’auraient pas osées : « J’étais tout ce que tu voulais et plus, mais tu ne voulais pas de moi. Tu as tué le saint en moi. ». Dur.
Mais ne boudons pas notre plaisir parce que même si leurs discours ne trompent plus personne et qu’on commence à connaitre la réalité assez moche derrière les costumes, le groupe parvient toujours à créer cette ambiance malsaine si particulière et à attirer une foule immense dans son délire.
Les seuls moments de malaise viendront bien sûr des passages où on croit voir Chris Fehn monter pour aider son pote Clown à cogner sur des trucs et que… c’est pas lui. On n’a d’ailleurs toujours pas le nom de son remplaçant dépourvu de nez phallique.
Les mecs ont vieilli et ne sont forcément plus aussi fous qu’il y a dix ans, mais il font le taf. Petite mention au réflexe de papa de Corey qui arrête le concert quand il voit un slammeur les pieds en l’air… puis compense avec quelques jurons pour prouver que, on est des méchants badass en vrai, faut pas croire.
Puisque tout le monde ne parlait que de ça, on dira que les nouveaux costumes rendent plutôt bien en live. On rappellera qu’ils ont été conçus par Tom Savini, un maître des effets spéciaux qu’on se doit de respecter, et que le mec sait quand même ce qu’il fait.
Le masque de Corey est toujours aussi dérangeant et semble moins mal foutu que lors de sa première présentation. Il a peut-être eu droit à quelques ajustements. Son trench coat de tueur XIXe est fort classe mais limite ses mouvements, tandis que le survet’ Go Sport qu’il porte en dessous a l’air confortable mais nique un peu le concept.
L’autre costume remarquable était celui de Sid Wilson. Il se retrouve déguisé en moine affublé d’un masque absolument effrayant qui donne l’impression qu’il a les yeux creux. Cette robe ne l’empêche pas de faire ses pitreries comme on le craignait et on passe un moment à admirer ses moonwalks impeccables… avant de se rendre compte que l’étage de la scène est pourvu d’un tapis roulant.
Le style de la tournée, tant dans le tapis piqué à Flake que dans les couleurs ou le masque lumineux de Clown, rappelle la scénographie de Rammstein.
Tout ça c’est sympa, mais on finit par se rendre compte que le concert se passe et que le coin où on se trouve manque terriblement d’agitation. S’en suit donc une petite randonnée entre les gens afin de trouver le Saint Pit. Et croyez-nous, c’était pas si simple. On a fini par demander notre chemin à un des locaux.
– Bonsoir cher monsieur, excusez-moi de vous déranger, je cherche la bagarre.
– La bagarre ? Fort bien, je vous avais confondu avec un de ces malotrus qui cherchent juste à se placer devant moi. Bien, vous continuez tout droit sur 500 mètres, puis vous tournez à droite et vous devriez normalement commencer à vous prendre des coups.
Le bougre n’avait pas menti. Le pit n’était pas bien grand, mais la bagarre était somme toute qualitative.
On a eu droit au final habituel avec les gimmicks qui font plaisir : tout le monde par terre sur « Spit It Out », tous les doigts levés sur « Surfacing »… et tout le monde est reparti couvert de bleus, le sourire aux lèvres.
Sabaton
Hahaha. Non.
Si vous cherchez le podcast, il est là :