Hier soir le Rock and Roll Hall Of Fame accueillait de nouveaux membre et qu’on aime ou pas l’institution, c’est toujours un événement.
Parmi les nouveaux participants on comptait Kate Bush, Sheryl Crow, Missy Elliott, George Michael, Willie Nelson et The Spinners. Mais aussi Rage Against The Machine, représenté par Tom Morello.
On aurait évidemment beaucoup de mal à imaginer Zach de la Rocha sur scène pour ce genre de cérémonie, mais le médiatique Morello étant un habitué de la chose, c’est tout naturellement qu’il s’est chargé d’honorer son groupe.
Le discours est évidemment consacré entièrement au rôle politique de RATM, commence par l’absence de ses collègues et se termine par un gros bisou à se maman, devenue centenaire récemment.
Comme on se doute que vous n’êtes pas tous anglophones, et que le webzine rouge tient à garder sa carte du Parti, vous retrouverez le discours traduit dans son intégralité ci-dessous.
Le discours
Mon nom est Tom Morello et je représente un quart de Rage Against The Machine. Je suis profondément reconnaissant de l’alchimie que j’ai eu la chance de partager avec Bard Wilk, Tim Commerford et Zack de la Rocha. Comme la plupart des groupes, nous avons des perspectives différentes sur un certain nombre de choses, comme le fait d’être introduit au Rock Hall.
Mon point de vue est que cette soirée est une excellente opportunité la musique et la mission du groupe et de le faire avec le cinquième membre du groupe : les incroyables fans de Rage Against The Machine. Vous êtes la raison de notre présence ici. Et la meilleure façon de célébrer cette musique pour vous est de continuer à porter cette mission et ce message.
La leçon que m’ont appris les fans de Rage, c’est que la musique peut changer le monde. Chaque jour je suis contacté par des fans qui ont été affectés par notre musique et en retour ont changé le monde de façon significative. Des organisateurs, des activistes, des défenseurs publics, des instituteurs et les présidents du Chili et de la Finlande ont tous passé du temps dans notre mosh pit.
Quand la musique protestataire est bien faite, vous pouvez entendre un nouveau monde émerger de ces chansons, repoussant les oppresseurs du moment et évoquant l’idée que la vie peut être plus que ce qu’on nous donne. Est-ce que la musique peut changer le monde ? Le putain de but entier est de changer le monde. Ou au minimum de foutre un peu la merde.
Quand Rage a commencé on répétait au fond de la San Fernando Valley. Ce passait régulièrement devant chez nous et un jour il s’est arrêté pour nous demander « Qu’est-ce que vous faites ici ? » On a répondu : « On est un groupe. » Il a demandé à nous écouter et on a dit « Bien sûr. » Il est venu et il s’est assis. Le premier mec à entendre Rage Against The Machine. On lui a joué quelques chansons. Une fois terminé on lui a demandé ce qu’il en pensait.
Il a réfléchi, s’est levé et nous a dit « Votre musique me donne envie de me battre. » A travers l’Histoire, l’étincelle de la rébellion est venue de personnes inattendues : des auteurs, économistes, charpentiers…
Mais comme l’a dit Salvador Allende, « il n’y a pas de révolution sans chansons. » Alors que peut dire ce que peuvent accomplir des musiciens avec une intention révolutionnaire quand un public qui saute secoue l’échelle de Richter.
Personnellement, j’aimerais remercier ma femme Denise et mes enfants, qui me rappellent chaque jour que le monde vaut la peine qu’on se batte pour lui. Merci aussi à tous les musiciens qui ont aidé à définir la vision collective du groupe.
Rage a aussi eu la chance de bénéficier de nombreux collègues et co-conspirateurs qui ont cru en ce groupe. Depuis Michael Goldstone, le mec qui nous a signés, et insisté pour que le premier single de Rage ne soit pas censuré et comporte dix-sept gros mots, jusqu’au plus grand guitar tech de tous les temps, Slim Richardson, merci.
Et merci et une immense gratitude pour les centaines d’autres qui ont collé des flyers, qui ont déplacé des montagnes pour amplifier le message et la musique. Ce que j’entend dans la musique c’est ça : que le monde ne changera pas de lui-même.
Mais à travers l’histoire, ceux qui ont changé le monde de façon progressive, radicale ou révolutionnaire, n’avaient pas plus d’argent, de pouvoir, de courage, d’intelligence ou de créativité que tous ceux qui nous regardent ce soir. Le monde est changé par des gens ordinaires qui en ont eu assez, et sont prêts à se lever pour un pays et une planète plus humaine, plus pacifiste et plus juste.
Voilà ce que je suis venu célébrer ce soir. Les fans demandent souvent « mais qu’est-ce que je peux faire ? » Bien, commençons par ces trois choses :
- Rêvez grand et ne renoncez pas.
- Visez le monde que vous voulez, sans compromis et sans excuses.
- Ne nous attendez pas.
Rage n’est pas là, mais vous oui. Le travail qu’on a commencé n’est pas terminé. Maintenant vous êtes ceux qui doivent testify.
Si tu as un patron, rejoins un syndicat. Si tu es étudiant, lance un journal indépendant. Si tu es un anarchiste, balance une brique. Si tu es un soldat ou un flic, suis ta conscience, pas tes ordres. Si tu es dégouté de ne pas avoir pu voir Rage Against The Machine, forme ton propre groupe, et fais-nous entendre ce que tu as à dire. Si tu es un humain, lève-toi pour ta planète avant qu’il ne soit trop tard.
Alors demain, passe du Rage à fond et part confronter l’injustice partout où elle pointe sa salle tête. Il est temps de changer le monde mes frères et sœurs, ou au minimum, de foutre un peu la merde.
Et pour finir, un remerciement spécial pour ma mère, Mary Morello : une prof de lycée public à la retraite et fière fan de Rage Against The Machine, et éternelle radicale, qui a fête ses cent ans il y a quelques semaines. Elle nous regarde depuis chez elle ce soir, mais elle m’a demandé de vous dire ceci : l’Histoire, comme la musique, n’est pas quelque chose qui se produit. C’est quelque chose que tu fais. Merci beaucoup.