Elle est là derrière nous l’année 2023. Rythme de sortie infernal, retour des tournées mondiales en fanfare, hausse continue du prix des places de concerts, problèmes de subventions dans les SMAC. Ces 12 mois de musique nous ont renversé, passionné avec une tendance aux grands noms, à l’indé et au hardcore. 23 albums pour résumer l’année. Sans classement pour que vous puissiez piocher dedans.
Meilleur groupe live en activité, les Young Fathers n’ont pas oublié de revenir en studio après 5 ans d’absence. Le trio nous offre ici un disque sous forme de recentrage, plus compact dans sa durée et toujours aussi intense dans la forme. Un groupe passionnant, une euphorie permanente et sûrement l’une des formations les plus complémentaires des dix dernières années.
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Les Queens nous reviennent avec ce qu’il faut de nouveauté pour nous rappeler à quel point on les aimait et à quel point ils nous manquaient. La production lave l’affront du pâlot Villains, les morceaux et l’interprétation de Josh Homme font le reste. En bonus, une date lyonnaise sous forme d’écrin où leur degré d’exécution et leur charisme n’ont que peu d’égal à l’heure actuelle.
Une étreinte, de la suffocation, des questions, de la répétition. Ce premier assaut de Model/Actriz nous a retourné le cerveau, les oreilles et tout ce qui va avec. Un son malsain et addictif et son chanteur en équilibre constant entre charme et malaise ont engendré un nombre d’écoutes insolent. Quel plaisir de se faire surprendre de la sorte sans comprendre comment, ni pourquoi des mois après sa découverte.
Radical Romantics est un album aussi magnétique que sa pochette est repoussante. Quatorze ans après un premier effort culte, Fever Ray fait de son troisième disque un objet intrigant dans lequel on se plait à s’immerger sans compter les écoutes. Si l’on ajoute la production de Trent Reznor et Atticus Ross le temps de deux morceaux, on tient là un retour en trombe inattendu soutenu par des lives captivants. Radical en effet.
Dans la grande lame de fond qu’est la hype post-hardcore qui a amené Turnstile à devenir pote avec Post Malone et Dua Lipa, nous retrouverons les MSPAINT. Post American casse la bouche de ses auditeurs et prend les rênes d’une scène post-hardcore nourrie aux synthés et dotée d’une production éclatante. Un générateur d’énergie qui mériterait d’être sponsorisé par ostéos et kinés car les headbangs vont se compter par milliers. Un disque sous forme de feu follet, sorti de nulle part semblant remplacer l’électrique par du synthétique.
Plus sournois que la frappe Ultrapop, ce millésime 2023 nous a prouvé que sous les muscles de The Armed se cachait le meilleur du rock et parfois même un coeur. Loin d’être une simple collection d’invités prestigieux, le groupe mélange tubes retors, production furieuse et des touches de pop. Un cocktail aussi fascinant que délirant qu’il nous tarde de voir sur scène l’an prochain.
En purs macronistes, les King Gizzard sont l’incarnation de la valeur travail. Ce disque est une relecture de leur virage thrash metal en y ajoutant la dose de relâchement et de jams nécessaire pour le rendre plus digeste pour tout le monde. Même si ce n’est pas notre version préférée du groupe, on y prend beaucoup de plaisir.
Sortir un album en décembre, c’est culotté car c’est passé à côté d’une belle exposition offerte par les récap’ Spotify. Mais Health s’en fout et claque un album inattendu et bien noir avec son « Rat Wars ». Du lumineux, du sombre, du très très sombre. Cherchez pas, elles sont là les vraies 50 nuances de gris d’indus rock qui vont mettre tout le monde à genoux durant la tournée 2024.
Habitués des petites scènes indé, le groupe Danois Eyes ne s’est pas démonté et a livré l’une des performances hardcore appréciées du Hellfest 2023. Un album « Congratulations » enthousiasmant qui flirte parfois avec le bordel sonore d’un Pissed Jeans et le noise de Metz. Parfait pour partir se décrasser les oreilles.
Pas de radicalité dans le parti pris esthétique mais tout dans l’intention, Enter Shikari signe probablement son meilleur album depuis « The Mindsweep ». Un peu à la façon de l’excellent dernier album de Biffy Clyro, les hertfordshiriens se sont contentés de rester eux eux-mêmes et de tout donner. Le désespoir optimiste, Enter Shikari s’est rappelé que la haine était à peu près aussi utile que de se verser de l’acide dans l’assiette, que l’ironie n’était que faux semblant, et a décidé de nous envoyer de l’amour premier degré en pleine face. Si le synthé à 0:25 de « (pls) set me on fire » ne vous peint pas un grand sourire sur le visage, il faut consulter. Sinon, le groupe vient de vous économiser des heures de thérapie.
La conquête du monde par Code Orange n’était peut-être finalement pas pour 2023, mais à un moment on y a sincèrement cru. En tout cas la conquête de nos cœurs c’est fait depuis longtemps. Non, parce qu’en sus d’une production de haute volée, leur plan d’attaque était bon : commencer par donner des gages aux plus rétrogrades avec deux morceaux qui auraient très bien pu sortir de « Forever », enchaîner avec des singles imparables pour sécuriser des passages radio, et terminer pour le reste de l’album avec un énorme délire expérimental qui a donné un peu de stimulation intellectuelle aux anciens combattants qui écoutent encore les albums en entier. La conquête du monde ce sera pour la prochaine fois, mais c’était franchement un des albums de l’année.
« 2023 ain’t got no riffs » aurait déclaré un malheureux sur un des innombrables réseaux de microblogging nés durant cette année de l’absurde. Il n’avait que partiellement raison. Parce que si le puit à riffs a pu sembler tari, c’est parce que c’est Mutoid Man qui a tout bu.