LEVITATION FRANCE 2019 ☭ JOUR 2

Après une première mise en jambes sous forme de buffet open bar de tout ce que la scène psyché a de plus varié, le Levitation en remet une couche dès le lendemain. Réveil tardif, tourisme sous le soleil au château d’Angers avec une visite de tapisseries apocalyptiques (!) et nous pouvons attaquer de nouveau notre jonglage permanent entre les deux scènes du Théâtre du Quai.

 

Pas le temps d’niaiser.

La journée s’enclenche avec TV AM et le programme est appétissant. Niché dans la profondément sombre T400, le duo joue d’une scénographie originale. La télé balance les paroles sous fonds de boucles d’images qui s’enchaînent, comme une séance de lobotomie prise à l’heure du goûter. Autour des tubes cathodiques, un gratteux chanteur, un homme derrière un Mac et des potards et basta. Le potentiel du groupe est certain avec un talent avéré pour les compos accrocheuses et un sens du visuel compatible avec des salles bien plus grandes. Tout le public a l’air d’avoir pris plaisir à s’immerger dans le noir avec eux. Comme on est un peu du genre casse-couilles, on est déjà curieux de voir une version du groupe avec au moins un batteur en plus pour voir où la formule peut aller et on te conseille de t’enfourner rapidement leur premier disque sorti il y a quasiment un an en Australie mais seulement dispo physiquement depuis la rentrée en septembre. Commence donc par le morceau Psychic Data pour avoir un bon aperçu de leurs incantations.

Autre salle, autre ambiance avec Vanishing Twin. On goûte moins quand ca chante en français mais nous sommes arrivés perplexes et partis charmés. On se croit transporter en plein animé japonais.  L’atmosphère fonctionne même en plein jour et si parfois on doit se pincer pour vérifier que nous ne sommes pas chez Natures et Découvertes, il s’agit du set le plus planant des deux jours et on a scotché sur ce morceau au titre complètement chtarbé.

 

Le point Michel Sardou

Ne m’appelez plus pour voir France. On a utilisé le mot performance pour black midi mais ici on est dans un concept déroutant : un seul morceau pendant l’intégralité du concert. Bluffant pour les uns, esbrouffe pour les autres. Des retours entendus, c’était soit le meilleur ou le pire set des festivaliers. Après 10 minutes, on quitte la salle et repasse à intervalles réguliers pour se rendre compte en effet que la boucle reste la même : un ange passe. Ca nous aura au moins rappelé l’existence de la vielle à roue. France, tu l’aimes ou tu les quittes.

Pour votre curiosité, un set qui a l’air moins fermé que leur dernière tournée.

Surprises, surprises.

Pendant que France tourne en boucle, on sirote une bière ou deux dans le patio et on hésite à craquer une énième fois en louchant sur les affiches et t-shirts sérigraphiés. Nous connaissons le groupe suivant depuis peu. Pour cause, ils étaient en support des Oh Sees 3 semaines auparavant au Bataclan, les Frankie and The Witch Fingers passent ici dans une autre dimension. On ne sait pas dire si c’est la taille de la scène, l’habillage parfaitement en ligne avec leur univers ou juste leur capacité indéniable à botter des culs. Ils ont sortis LE concert des 2 jours et ça ne nous ait jamais arrivé de ressentir quelque chose de si différent, en si peu de temps pour un groupe. Une déferlante constante de fun, de rock et aux derniers compteurs, leur show a duré 4 minutes. Oui, on pense à John Dwyer pour le jeu de scène à base de mimiques, short en jean au-dessus du genou et guitare portée haut mais on s’en fout, c’était le feu comme disent les jeunes.

À la suite de cette claque derrière la nuque , on manque de se casser la gueule en allant voir Derya Yildirim & Grup Simşek, toujours dans le noir complet de la T400. Assis dans un coin de la salle pour reprendre des forces, on se plaît à hocher de la tête le temps d’un quart d’heure devant ses chants et poèmes traditionnels turcs. Mais l’appel de l’appétit est trop fort et nous nous décidons de manger sur place pour la première fois en 2 jours avec un succulent poulet mafé.

Pourquoi on te parle bouffe ? Elle est psychédélique aussi ? Non, mais attablé dehors on entend le Villejuif Underground démarré son concert par un « SALUT LES VIEILLES CHARRUES ! ». Une entrée en matière de qualité pour les trolls que nous sommes et qui nous fait tendre l’oreille. Très vite, on se rend compte qu’il faut plier l’assiette rapido pour écouter ce qui se passe à l’intérieur. En album, le groupe ne nous avait pas convaincu mais sur scène, c’est le jour et la nuit. En réalité, c’est le cas également puisque le ciel est tombé sur la capitale angevine. Bref, on s’égare mais les compos sont transfigurées, la connerie et les vannes incessantes du groupe sont super drôles et musicalement on se retrouve avec une démonstration de puissance assez similaire à ce que la Fat White a pu offrir la veille. Clou du spectacle, le groupe invite le saltimbanque du week-end : un animal torse nu du nom de Kenny, surnommé par erreur Kevin le soir même. Il prendra tout son temps et restera 20 bonnes minutes en leur compagnie à jouer de la timbale, en tapant des mains ou en écrasant et embrassant le chanteur. Une vraie communion dont on avait tous envie et besoin et qui fera plaisir à tous les professionnels de la profession comme dirait nos couillons préférés du week-end. On ne vous ratera plus en festival les gars, c’est promis.

Du côté de Phoenix, l’attente était forte, les albums avaient plu, et fallait voir comment tout ça s’organisait sur scène. Si le terme organiser est un poil fort en live, le côté foutraque ressenti en disque est démultiplié ce soir, et nous n’aurions probablement pas craché sur un set plus long. Probablement un des meilleurs moments de ce week-end.

Et après ?

Mystic Braves joue déjà quand nous arrivons et dès la première note, nous sentons que notre engagement face à ce revival des sixties US sera très compliqué. Déjà vu à deux reprises au Point éphémère, si on avait adoré leur premier passage en France (en 2016), le suivant, l’an passé, nous avait laissé froid malgré les 50 degrés dans la salle parisienne. Et ce concert au Levitation confirme la tendance : les américains se ramollissent d’album en album, nous laissant penser que pour le revival 60’s, on se tournera désormais exclusivement vers les Allah-Las dans un genre similaire mais clairement moins chiant. Quelques morceaux de loin, pour se dire donc que c’est plat, ronronnant et on repart au bar en attendant King Khan. Les deux adjectifs pré-cités ne peuvent pas moins convenir au bonhomme, enrobé comme jamais et toujours prêt pour porter son groupe. Déjà vu à Rock en Seine avec les Shrines dans le passé, cette version Louder Than Death ne connaît pas le répit mais si l’on enlève son frontman charismatique, qu’en reste-t-il ? Un quart d’heure passe et on se retrouve entre membres éminents du Parti pour débriefer de ce qui s’est tramé et on mélange pelletée de souvenirs de concerts avant d’arriver très vite sur Night Beats qui tape fort mais souvent de la même manière. Difficile d’en retenir quoique ce soit de précis, si ce n’est que même d’une oreille distraite et lointaine, on aura envie de les voir plus attentivement, ces gars au style garage en chapeaux de cowboys.

Le coup de L’Epée, dans l’eau ?

Pour le premier concert de L’Epée, ce sera donc au Levitation et en tête d’affiche. Anton Newcombe porte un magnifique t-shirt Eat Shit, Emmanuelle Seigner a l’air stressée, les Liminanas sont bien en place et tout ce beau monde est là pour assurer une prestation fortement attendue puisqu’il s’agit de la fosse la plus bondée du week-end. Jamais grand fan des efforts studios ou lives de BJM, je ne pense être la personne la mieux placée pour apprécier. Pour autant, 11 personnes pour un rendu sonore aussi statique, c’est problématique. Tout comme le chant assez laborieux dans l’ensemble malgré des efforts au long du show lorsque les cordes vocales se desserrent et que le stress s’estompe. On souligne l’arrivée bienvenue du patron Anton en fin de set, apportant un peu plus de charisme et de puissance.

Pour Phoenix, la déception est également de mise. Si l’album, sorti quelques jours avant ce concert annonçait du bon, force est de constater que jouer l’album en plus fort, c’est juste chiant. On repart donc de ce set un peu déconcertés mais pas abattus, tant la qualité globale du week-end (tant sur scène que niveau orga), nous aura donné envie de retenter l’aventure Levitation à l’avenir.

Le grand coup avant de partir !

On croise le nom d’It It Anita depuis quelques temps sans avoir entendu ce dont ils sont capables. Physiquement très présents avec notamment un batteur, au look de prof d’aérobic tous muscles dehors, ils nous ont sortis de la léthargie avec un rock aux accents emo parfois proche d’un bon vieux Placebo, sous stéroïdes. On n’a pas fini le set mais ça nous a donné envie de les suivre.

Dans le cadre impressionnant et immersif du Théâtre, le Levitation a su alterner avec une vraie patte valeurs sûres, une exclu et des groupes que l’on ne connaissait pas encore. Grâce à son sens du détail, à sa cohérence artistique, aux installations vidéo et à la scénographie, on signe déjà pour les prochaines éditions. Petit détail de touriste pour finir : comme avec la Route du Rock et Saint-Malo, Angers fait un beau duo avec le festival et contribue aussi à la réussite du week-end.