Tu as pu le remarquer, sur Visual, on est très fan de M. Carter. Alors quand le monsieur promet un show inoubliable pour le final de sa tournée anglaise, je n’ai pas boudé mon plaisir à prendre un ticket, direction Londres !
L’entrée sur le ring
Frank débarque sur scène avec un hoodie et des lunettes de soleil, capuche relevée, la démarche assurée, tel un boxeur entrant sur le ring. Dean frappe alors sa guitare, les premières notes drues de Primary Explosive claquent dans Brixton comme un uppercut, Frank hurle alors « BRIXTON !!! ».
En 30 secondes, on sait déjà que l’on va passer une soirée inoubliable.
Un raz de marée se déverse dans la salle, aucun temps mort, aucun répit n’est admis, l’urgence de la musique des Rattlesnakes est ici à son apogée et Frank, au sommet de son art.
Les titres explosifs du premier album s’enchaînent, Rotten Blossom, Trouble, et puis les guitares crissent et un véritable Juggernaut se déploie. Le public, déjà excité, se transforme en une terrible masse mouvante et lorsque Frank lance « let’s go! » juste avant le premier refrain, les murs vibrent tant la ferveur de l’auditoire anglais est totale. Des sourires extatiques se peignent sur les visages du groupe, Frank a l’air sous le choc malgré ses 12 ans de carrière. L’appel de la foule est plus fort que tout et il ne tarde pas à plonger pour surplomber la foule, comme à son habitude. Cette fois, c’est la rage de vaincre que l’on peut lire dans les yeux du frontman, celle d’une décennie contre lui-même et les autres pour arriver sur ce qui semble être l’espace d’une soirée, le toit du monde.
« I’m about to pass out, oh my Godness! » s’exclame-t-il, ravi de l’accueil fiévreux qu’ils ont reçu lors de cette tournée et dont Brixton est le final.
Et quel final ! Ce soir, les Rattlesnakes ont prévu de jouer tout leur catalogue, soit 23 titres. 23, le nombre fétiche de Frank. De là à y voir un signe, il n’y a qu’un pas.
Intimement explosif
Chaque chanson est l’occasion pour Frank de développer une relation plus intime avec nous, de nous raconter des histoires, son histoire, avec vérité et sincérité.
Wild Flower, dédiée aux femmes présentes ce soir-là, sera ainsi l’un des moments phare du concert, Frank ayant remarqué il y a peu à quel point la scène restait misogyne. Cet instant ovarien où chacune d’entre nous aura pu crowdsurfer en toute candeur fait du bien et m’emplit d’une joie difficilement descriptible, mais visiblement partagée par mes pairs. Compte tenu du climat actuel, qu’un artiste de la trempe de Frank ait pris conscience des travers de notre scène et essaie de rectifier le tir, même l’espace d’un titre, est tout à son honneur (voyons le bon côté des choses) :
« You want a revolution? You better start it. It’s a great thing to be part of and to witness. You see girls getting onstage and they are pumped because for the first time that they feel safe. It’s great to witness the change in male attitude as well. There’s a bonding that happens then between everybody in our crowd and at that moment in the set everything changes. One of the things that really drove this home for me was a conversation I had with a girl who was at the front of our show ages ago. She told me she didn’t feel safe stage diving, she was quite young and immediately I thought about Mercy saying that to someone in the future. And I just felt ‘f*ck, here I am twelve years into a career in music and if I’d been doing this twelve years ago the landscape would be entirely different’. »
(source : http://www.thebeatjuice.com/2017/01/27/indoors-interviews-onstage-frank-carter-sarah-carter-schor-conversation/)
Après avoir vécu ce qui semble être un passage dans un ouragan, les Rattlesnakes entament la seconde partie du set qui alternera titres calmes et dévastateurs, à l’image de la sensuelle Acid Veins, l’une de mes préférées, suivie d’une Lullaby endiablée reprise en cœur par un public chauffé à blanc. God is my Friend, une chanson qui célèbre la vie, enfonce le clou, et malgré la superbe pause Bluebelle (où l’irrespect légendaire des anglais trop bourrés brillera, malheureusement), le groupe ne cessera de faire valser son public avec des chansons toujours plus incisives comme l’enchainement Jackals/ Modern Ruin pendant laquelle Monsieur Carter ira faire un tour dans les balcons pour saluer ses parents. L’homme au regard bleu d’acier, implacable, dingue, nous emporte dans une folie douce dont personne n’a visiblement envie de se défaire.
Une Loss totalement dépouillée, piano/ batterie/ voix, sera pourtant l’un des moments forts de ce concert. Frank la dédie à tous ceux qui traverse une période difficile : « talk to someone, talk to anybody. Sometimes all you need is someone to listen« . Thunder sera la transition parfaite avant de repartir sur les chapeaux de roues avec les vieux titres Fangs et Paradise. Rien ne semble arrêter la machine Carter qui s’époumone comme un beau diable avant d’écraser rageusement son pied de micro sur sa plateforme. A une autre époque, il y aurait peut-être eu des guitares et des côtes cassées.
Enfin, nous entrons dans la troisième partie du concert avec Neon Dust et Beautiful Death. Pour cette dernière, Dean et Frank seront seuls devant nous et une constellation de portables pour jouer l’une des chansons les plus déchirantes du rouquin. L’émotion est à son comble, beaucoup de larmes coulent et je me demande comment Frank fait pour tenir le coup.
Il faut donc bien un entracte pour s’en remettre, mais également une bonne claque pour se réveiller. C’est donc ce que font les Rattlesnakes en nous offrant un rappel dantesque à base de Devil Inside Me, une Snake Eyes épique qui mettra en évidence le talent indéniable des musiciens et une redite totalement folle de Fangs parce que Frank est comme ça, c’est son concert, son moment, il fait ce qu’il veut, même jouer 15 fois d’affilé le même titre.
Et puis I Hate You. LA mythique que tout le monde attendait. La communion est telle qu’elle laisse sans voix Frank et fout franchement la chair de poule.
Si tu es déjà allé voir les Rattlesnakes en concert, la suite, tu la connais. Sinon, autant te dire que crier à tue-tête « I hate you and I wish you would die ! » est terriblement cathartique et finit en point d’orgue ce concert hors norme.
Cette soirée, il est difficile de la résumer avec de simples mots. Tous les superlatifs s’appliquent ici. De grands artistes et performeurs, de très belles personnes dont la musique à fleur de peau et brute de décoffrage est un doigt d’honneur magistral à toute la soupe que nous entendons quotidiennement. Ce soir-là, Frank a marqué d’une pierre blanche son histoire et à n’en pas douter, Brixton marquera un tournant dans sa déjà prolifique mais tellement prometteuse carrière. This is just the beginning.
Tu peux précommander le live audio de cette soirée sur le site officiel des Rattlesnakes.