Mark Lanegan à Tourcoing.
Voilà bien un truc que je n’avais jamais osé imaginer. Si Lille sait attirer de nombreux groupes, Lanegan faisait à mon sens plutôt parti de la caste d’artistes qui ne passent que par Paris et Bruxelles mais il semblerait que cette fois, le Grand Mix ait frappé un grand coup pour sa rentrée. Pas étonnant donc que ce soir, la salle affiche complet malgré une reprise avant la fin du mois d’août.
Le géant de fer.
Alors oui, c’est lui, l’homme, la légende. Le monolithique Mark Lanegan qui fait l’ouverture de cette saison 2015/2016. Mais histoire de se mettre dans l’ambiance, Marky Mark a eu la bonne idée de mettre à profit ses musiciens, quitte à leur filer un cachet d’intermittent, autant les aider à atteindre leur quota d’heure et si j’ai quelque peu loupé The Faye Dunaways, nous sommes arrivés à temps pour voir le très – trop – discret Duke Garwood. Leurs points communs ? Ils font tous partie du Mark Lanegan Band. Mais Garwood est tellement discret qu’il était difficile pour nous d’entendre ce qu’il disait et difficile pour lui d’imposer son ambiance toute en noirceur retenue. Dommage car on était à la limite du voyage spirituel si le musicien avait eu l’opportunité d’imposer un peu plus son passage mais rentrée oblige, le public est un peu dispersé, dirons-nous.
Et puis c’est au tour de Mark de fouler les planches du Grand Mix, une belle intro sur l’excellent titre « Harvest Home » pour se mettre en jambe. Enfin en jambes. Au rythme d’un Mark ayant pris un sérieux coup de moins bien physique dans la gestuelle, le déplacement, mais avec une voix qui vous fait toujours vibrer les intestins à la moindre petite parole rauque. Prenant aux tripes, le frontman s’impose aux spectateurs malgré un éclairage extrêmement minimaliste, pour vous dire, être au troisième rang me permettait à peine de distinguer les yeux du grand Mark.
Hypnotique.
Mais qu’importe, difficile de ne pas être hypnotisé par le personnage. Discret dans son rapport au public, silencieux entre les morceaux, il n’en lâche pas moins quelques petites phrases presque insondables mais teintées d’un brin d’ironie :
« What are you ? Grown men or kids ? »
Ce à quoi un spectateur lui répond « and what are you Mark ? »
« I’m a grown man, just like you » retentit de la voix ultra grave d’un musicien envoûtant. On ne s’y trompe pas, ce soir, même s’il est tout en retenue et parfois à la limite du décrochage en raison d’une setlist quelque peu inégale, Lanegan interpelle de par sa présence et sa voix sans faille, épaulée par de très bons musiciens, dédiés corps et âmes au répertoire de l’artiste.
Les morceaux alternant entre « Phantom Radio » (principalement) et « Blues Funeral ». Et même si j’ai cru à plusieurs reprises que l’artiste allait râler des quelques flash envoyés pleine face par certains fans transis, il n’en sera rien. Pas un mot, pas une remarque et même à la fin, la possibilité de se faire dédicacer un souvenir par le frontman. On est donc loin de certains shows ayant fait la légende d’un musicien exigeant envers son public et envers lui-même (pour ne pas dire caractériel). Pas de doutes, le Grand Mix ne m’a jamais paru aussi proche des mornes plaines du désert californien. Nous serons même gâtés avec une setlist assez conséquente d’une quasi vingtaine de titres. Et même si on se moque gentiment dans le public de Mark descendant une bouteille de jus d’orange sur scène, on apprendra qu’il s’agit bien de jus d’orange et rien d’autre. Éreinté par certains excès, Lanegan a pour ordre de lever le pied sur l’alcool ou encore les clopes, n’en reste pas moins un artiste toujours habité délivrant certaines perles musicales quand certaines périodes de sa carrière laissent même ses fans les plus fidèles un peu dubitatifs (l’électro minimaliste de « Dry Iced », « Floor Of The Ocean » et ses arrangements à la UNKLE par exemple ou encore « Ode To Sad Disco » – que j’apprécie personnellement – ). Et plus encore quand « Metamphetamine Blues »/ »Killing Seas » viennent conclure le concert.
Mais c’est bien sur « Riot in my House » qu’un très bizarre pogotito (petit pogo en italien approximatif) va se créer autour de 5 personnes ayant fumé un tabac un peu spécial. Okay, les mecs.
C’est très discrètement mais sous les applaudissement nourris du public que Mark quittera la scène tel un pantin mécanique rouillé par le sable du désert californien. Et si le concert aura laissé certains spectateurs quelque peu dubitatifs par son rythme de croisière posé et lancinant, c’est dans l’ensemble une salle conquise qui s’alignera pour approcher l’artiste et faire signer des pochettes, des photos, par un Mark décidément très sociable et taquin ce soir (il se dessine des cornes et des moustaches sur les portraits que les fans lui apportent).
Reste un superbe cadeau de rentrée que nous a offerts la salle avec un grand nom de la musique et qui aura su nous envoûter de son aura. On comprend mieux pourquoi certains fans auront fait le déplacement depuis Paris pour leur douzième fois comme notre ami et lecteur Chocky. Bref, difficile de faire la fine bouche, personnellement, j’ai été conquis.
J’en profite pour remercier Barthélémy du label (malgré le quiproquo) mais surtout la salle elle-même, le Grand Mix et surtout mon sauveur d’un soir, Vincent.