Messa ✖︎ The Spin

Personne n’en aurait voulu à Messa si avec « Feast For Water » les italiens avaient décrété avoir trouvé leur son et décidé d’en rester là.

Après un très bon « Belfry » doom aux accents bluesy, Messa était revenu en 2019 avec un clavier Fender Rhodes et avait carrément osé le jazz. Là où certains avant eux avaient décidé d’ajouter une flute ou une cornemuse inaudible en live, on aurait pu penser qu’ils avaient trouvé à leur tour leur gimmick et qu’on était bons pour les dix prochaines années. Ils seraient « le groupe de doom-jazz » et si les disques suivants étaient aussi qualitatifs que « Feast for Water », ce serait déjà exceptionnel.

Avancer

Sauf que non. Leur troisième effort « Close » les voit balancer le Fender Rhodes pour faire place à une quantité d’instruments orientaux et des compositions plus complexes inspirées de la musique méditerranéenne. Le double LP qui en résulte est sublime et manifeste la volonté du groupe de refuser de céder à la facilité ou de compromettre sa vision.

On avait déjà à ce moment là compris qu’il ne fallait pas s’attendre à les voir faire deux fois la même chose et l’avenir nous a donné raison.

« The Spin » nous donne à entendre leur idée des années 80. Cette dernière décennie a été assez intense en nostalgie 80’s et s’il est vrai qu’ils passent après beaucoup d’autres, on les imaginait mal de toute façon reprendre l’esthétique retro à néons et nous sortir un album doom-synthwave.

Sans s’arrêter

Comme par volonté d’éviter de s’endormir au volant en laissant la routine s’installer, Messa change encore une fois de direction et rompt avec certains principes, sans pour autant se perdre.

Là où « Close » prenait son temps et se permettait un double LP, « The Spin » se discipline et contient son effort en une seule galette de titres tournant autour des cinq minutes, à deux exceptions près.

Alors que les trois premiers avaient été enregistrés live, ils font ici le choix conscient de découper le processus en trois sessions, à des lieux et moments différents. Une décision cohérente avec la vision proposée par ce nouvel opus moins organique, plus synthétique.

De la reverb gatée sur la batterie, une multitude de synthés d’époque… le travail quasi-obsessionnel effectué pour atteindre le son recherché a payé et donne à l’album un feeling unique. Bien loin du worship bête et limité, ces sensations s’ajoutent à l’identité du groupe, qui reste lui-même et continue de progresser.

Le chant de Sara se pare lui aussi d’effets pour épouser cette esthétique, mais se fait paradoxalement encore plus sincère et vulnérable de par la poésie et l’honnêteté de ses textes.

Les 80’s convoquées ici sont les leurs. Ils citent d’ailleurs leurs influences en toutes lettres : Mercyful Fate, Jimmy Page, Journey, The Sound, Boy Harsher, Vangelis et… Killing Joke. L’hommage à la bande de Jaz Coleman est particulièrement perceptible sur les deux premiers titres et permet d’entrer dans l’album dans de bonnes dispositions.

 

Les synthés sont évidemment le personnage principal de « The Spin » et leur variété ainsi que leur puissance évocatrice donnent au voyage des étapes tantôt douces ou angoissantes, entre Twin Peaks ou un film de John Carpenter.

Pour le furieux « Fire on the Roof », ils sont même allés chercher un des grands maîtres synthiers de notre époque : Andrea Mantione de Nuovo Testamento.

Mais comme vu plus haut on parle aussi de musique à guitares et ces ambiances sont parfois déchirées par des solos de metal bien chevelu. Sans blues ni jazz, le choc est frontal et on a là probablement pour la première fois chez Messa des solos de guitar hero pleinement assumés, parfum nature.

Et si la proposition générale est clairement goth, une fois arrivé à l’avant dernière track Alberto ne se contient plus, sors son bottleneck et laisse exploser ses instincts de bluesman avec l’incroyable « Reveal » qui crée un dark blues unique en son genre.

Le jazz n’est d’ailleurs pas abandonné non plus, il est niché au cœur de « The Dress », l’indiscutable pièce maitresse de « The Spin ». Cette fois il regarde plutôt du côté de la fusion jazz-rock et la forme qu’elle a pu prendre dans les années 80. On pense notamment au célèbre « Tutu » de Miles Davis.

 

Et tourner

Une fois la quarantaine de minutes achevée avec les profonds râles de Rocco, on a envie de rester un peu plus longtemps dans cette délicate obscurité napée d’échos synthétiques et on se prend à relancer « Void Meridian », qui nous propulse vers l’imparable force cinétique de « At Races »… On connait à présent les riches paysages qui nous attendent le long de la route, on sait que « The Dress » nous attend quelque part et on va de toute façon trop vite pour s’arrêter.

Comme l’ouroboros de Nico Vascellari qui orne son artwork, l’album nous entraine dans un cycle dont il est assez difficile de s’extirper. L’objectif est atteint, « The Spin » ne peut s’écouter autrement qu’en boucle.

NOTE FINALE
L’objectif est atteint, « The Spin » ne peut s’écouter autrement qu’en boucle.
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