Cela faisait bien 12 ans (date de mon exil en terres lyonnaises) que je ne m’étais pas rendu au Trabendo. Je me fraye un chemin entre les files allant vers la Philharmonie de Paris et celle, impressionnante, pour le concert de Georgio au Zenith afin de retrouver une de mes salles favorites. Peu de choses ont changé depuis mon dernier passage, si ce n’est l’ajout appréciable d’écriteaux rigolos, de hot dogs vegans et de stickers transpédégouines: le Trabendo est toujours cette excellente salle de concert bizarrement asymétrique avec sa rampe qui ressemble à un musée d’art moderne.
Nous sommes encore en petit comité quand les néerlandaises de The Klittens arrivent sur la pointe des pieds. Si les 5 filles qui composent le groupe semblent timides au moment de s’adresser au public, elles déploient sans mal leur musique évoquant tout autant la pop indé minimaliste de leurs compatriotes Voicst que le mouvement riot grrrl, un mix qui les rapproche de (feu?) Lemuria. Les 30 minutes du set se savourent tel un apéritif convivial – avec un bonus exotique à l’image ce titre interprété en allemand avec un fameux accent flamand, un vrai petit bonbon pour mes oreilles.
Après un entracte rapide qui voit l’intervention d’une régie majoritairement féminine, les Otoboke Beaver débarquent dans leurs robes à fleur ajustées tout droit sorties des années 60. La curiosité du jour que représentent les 4 japonaises a attiré nombre de vieux punks et de nipponophiles (je suis bi-classé) mais ce n’est clairement pas ce soir qu’on fera péter la jauge de la salle. Pas de tour de chauffe néanmoins, la foule est immédiatement chauffée à blanc par l’immense énergie des premiers titres malgré un son de basse un poil trop prononcés en façade.
On pourrait décrire le style musical de Otoboke Beaver comme un maelstrom punk garage qui fait penser à The Hives période Barely Legal, où aucun motif ne durerait plus de 45 secondes. Cela implique une avalanche de breaks et des changements de rythmes radicaux avec des pointes de vitesse à la limite du blast qui succèdent à des interludes pop folk enjouées. Guidé par le contraste ludique entre la puissante voix lead claire et les chœurs plus rauques de la guitariste, ce bordel constant demande tout de même une sacrée technicité surtout au niveau de la batterie. L’enchaînement était tel qu’à un moment je me demande si je n’assiste pas à un concert de mathcore…
Douce soirée japonaise ce soir au Trabendo avec les Otoboke Beaver ! pic.twitter.com/rtbu8xKgcz
— Etienne Mineur (@etienne_mineur) May 13, 2023
Je ne retiens évidemment aucune mélodie mais c’est vraiment fun d’assister à un tel spectacle. Otoboke Beaver maîtrise l’art du contrepied quand il s’agit d’interaction avec le public: l’ambiance du concert oscille tout du long entre joie communicative et vent glacial. On ne pourra pas accuser la barrière de la langue vu que le dialogue incombait surtout à la guitariste qui usait d’un anglais assez compréhensible. Les premiers échanges scène / public sont chaleureux – la guitariste sus nommée se jette dans la foule au moment de présenter des musiciennes – mais les choses se gâtent quand le groupe s’immobilise, attendant visiblement le silence pour reprendre le set.
Après deux bonnes minutes d’invectives en tous genres donc un “Macron Démission” repris dans quasi tout le public, les japonaises comprennent que nous sommes un peuple qui ne ferme pas sa gueule si facilement. S’ensuit plusieurs passages passif agressif entre la salle qui s’agace des injonctions au silence et le quatuor qui s’impatiente à chaque coupure mais qui garde un enthousiasme jamais démenti. Mon moment préféré est celui où la chanteuse raconte joyeusement sa découverte de la gastronomie française entre deux distributions de doigts d’honneurs à toute la fosse, visage fermé. A moins que ce soit cet instant improbable pendant lequel elle pique la montre d’un type au premier rang et la jette loin dans la fosse.
Vous voulez un rappel ? Voici un mini morceau de 20 secondes (littéralement) et rideau, non sans une photo commémorative et un dernier doigt d’honneur en guise d’au revoir. Musique furibarde et atmosphère bizarre: Je voulais un concert surprenant, j’en ai eu pour mon argent.