Pour les 10 ans du disque l’an passé, nous avons hésité à contacter le groupe pour leur poser des questions à propos de ce fantastique quatrième album. De nombreux making-of vidéo et articles longs formats existent et il n’était pas nécessaire les importuner. Cependant, un tel disque mérite un énième coup d’œil et nous mixerons souvenirs, impressions et anecdotes glanées.
En 2009, les Phoenix débarquent avec « 1901 » comme premier single et l’effet est saisissant. Quel est ce hook de malade, ce single imparable et cette sensation de fraîcheur ? Quelques jours après, le leak entier est là : 10 semaines avant sa sortie ! Ce qui n’était qu’une curiosité prend des allures de épiphénomène. La pochette, les clips, l’organisation de sa tracklist, une tournée mondiale triomphante, le Grammy pour clôturer : WAP est un parcours du Grand Chelem et du combattant à la fois. Une histoire si belle pour une bande de potes loin d’être prophète en son propre pays. Comme six après mois la sortie, lors de cette date d’octobre 2009 à l’Aéronef où Thomas Mars remercie le public d’être venu nombreux en comparaison d’une salle très clairsemée lors de leur dernier passage lillois.
Chacun de leur disque est synonyme d’une nouvelle méthode de travail, d’un nouveau cadre et d’une envie d’autre chose. D’un travail effectué en journée, en opposition avec le taf de nuit, en 24/24 ou en 3 mois comme l’avaient été les autres travaux du groupe. Le boulot a d’ailleurs démarré pendant trois semaines, dans une péniche sur la Seine ayant appartenu au peintre Théodore Gericault. Avant que l’ami Philippe Zdar ne prête son studio Motorbass du 9ème arrondissement de Paris encore en plein travaux, pour que la troupe puisse bosser sans pression. 5 jours par semaine, entre 11 et 21h de mai 2007 à décembre 2008. Côté matériels, ils décident de jouer avec des micros un peu usés par la vie, histoire de laisser de la place aux souffles et à de la respiration plutôt que d’obtenir un son clinique. Une entrave à la technique pour un résultat plus chaleureux. Riches de centaines de bouts de chansons, ils jouent au puzzle et traînent parfois à se décider. Au départ de passage pour embarquer des vinyles pour ses DJ sets, Zdar est là pour donner son avis, aider à trier et les incite à insister sur certains titres parfois. Aux dires du groupe, il devient vite le membre supplémentaire d’une bande qui compte autant de personnes que de songwriter / producteur. Deux, trois semaines de ces petites touches passent et en un rendez-vous au café du coin, Phoenix lui propose officiellement le statut de co-producteur du disque. Ses remarques et conseils s’avèrent décisifs comme dans le son de batterie, mélangeant prises réelles et reproductions synthétiques des beats par clavier sur « 1901 » ou l’usage d’une boîte à rythmes sur « Rome« .
Le talent, le hasard, la spontanéité font que lors de l’enregistrement, ce sont souvent les premières prises qui sont conservées. « Armistice » en fait partie. Chaque titre est le fruit d’un collage de 4 à 5 bouts de morceaux enregistrés sur des dictaphones dans 5 lieux différents. Un millier d’enregistrements de la sorte auraient été répertoriés avant de finir intégrées dans l’album.
L’une des infos de choix que cette série de vidéos commentées offertes par le groupe nous apprend que le disque aurait pu comporter des interludes mises de côté et virées assez rapidement pour garder un ensemble concis, solide et sans fioritures. Le souci du détail de la troupe ira jusqu’à soigner la fin de la tracklist et en aucun cas de l’achever par un titre mou. « Armistice » est donc menée tambour battant avec des percussions immanquables, que l’on n’a pas fini de singer les bras en l’air ou en tapant sur les genoux et ses mots qu’on comprend difficilement à l’oreille : For Lovers In A Rush, For Lovers Always.
La nostalgie, le romantisme, la candeur, la grandeur, un sentiment de puissance venu d’ailleurs, WAP collectionne les émotions tout en capitalisant sur les force de ses créateurs. Les guitares d’It’s Never Been Like That, la concision pop de United, les mélodies chaleureuses de Alphabetical sont combinées pour un mélange savamment équilibré et par conséquent assez universel. Ce qui est étrange également, c’est le consensus derrière WAP alors que son aîné, tout aussi excellent en est si proche. Bien sûr le son n’est pas le même avec pour résumer : une autre production plus abrupte avec plus de guitares et moins de synthés. L’ensemble est très joyeux et donne juste, et c’est con à dire comme à lire, mais envie de vivre. Regarder la route défiler sur « Love Is Like A Sunset« , envie de filer à « Rome » les yeux dans le ciel pendant que l’avion nous y emmène sur la chanson du même nom, crier en yaourt les yeux fermés les paroles de ses tubes, autant de choses faites régulièrement depuis 2009 et qui ne sont pas là de s’arrêter…
Si vous voulez en savoir plus sur le groupe de A à Z, le livre Liberté, Egalité, Phoenix! est sorti en octobre dernier pour fêter les 20 ans du groupe. Un bel objet, assez complet qui revient sur leurs rencontres, leurs débuts et chaque disque dans le détail sous forme d’histoire orale.