Beaucoup d’euros ?
Pour la troisième année, nous nous rendons au Pitchfork Paris par nos propres moyens. Le festival réputé pour ses bonnets, ses huitres, ses coupes de champ’ et ses galettes saucisses à 7 euros 50. Arrêtons de suite l’hypocrisie : le P4K n’est pas plus cher qu’un autre festival. Sa programmation te fait gagner bien des concerts parisiens à 30 balles, sa pinte est moins cher que les 40 centilitres de Rock en Seine et manger dans un festoche est toujours une enculade, quelque soit le lieu. Une fois passé les préjugés, qu’en était-il en 2016 ?
80 % de festivaliers étrangers en moins cette année. Cela explique peut-être pourquoi les travées sont parfois un peu éparses mais il n’empêche que les connards taillant une bavette dans la fosse sont toujours de la partie. Parler d’une bronchite chopée à cause de la clim’ ou de sa journée de travail écoulée semble toujours être le sport favori des visiteurs de la Grande Halle de la Vilette. Et hélas, ses hauts plafonds lui rendent bien avec un écho fort désagréable. Fort heureusement, ce problème était moins omniprésent sur cette édition. Grâce à la prog’ ?
Un peu de rock
Parquet Courts pour démarrer les 3 jours, on a connu pire. Les New-Yorkais sont 4 et envoient leur rock en changeant de chanteurs comme de styles. Un set très agréable piochant dans leur imposante discographie, dont la variété n’est déjà plus à prouver. Les Suuns m’ont contrariés avec Hold/Still et aussi avec un show poussif au Grand Mix. Même scéno, même intro pour un set + court ici mais plus efficace. Ben Shemie mange toujours son micro et la setlist n’est pas des plus faciles mais l’intensité est là. Mais nous monterons encore d’un cran avec des jeunots. SHAME nous a mis une violente baffe en première partie de FIDLAR et l’annonce de leur venue avait déjà fait frétiller notre pilosité. Le rendu final était à la hauteur de nos attentes : 12 ans d’apparence, une confiance et un son imparable à l’arrivée. Pas de doute possible, le rock anglais passera par eux. A bientôt pour la sortie de leur premier album.
Le frémissement du week-end a eu lieu vendredi à 20h40 avec Explosions In The Sky. J’adore un de leurs albums (Those Who Tell The Truth) mais vu leur disco, je ne pense pas m’y retrouver et je croise les doigts. Heureux hasard : mes 3 morceaux préférés seront joués et rendus à la perfection. « With Tired Eyes, Tired Minds, Tired Souls, We Slept » et ses 12 minutes de tension, d’émotions, de frissons m’auront presque envoyé aux larmes dans un concert où les temps morts furent courts pour du post-rock. Jamais je n’ai assisté à pareil concert au Pitchfork en 3 éditions.
Bat For Lashes était l’une des exclus du festival avec une absence remarquée des scènes après la sortie de The Bride à la rentrée. Un album décevant hélas, sauvé ici par une prestation vocale parfaite. Quelques morceaux des autres albums et la messe est dite : au chant, il y a Natasha et les autres très, très loin derrière…
Warpaint est l’un de mes coups de cœur ces dernières années et les retrouver est toujours un plaisir renouvelée. Pour une cinquième prestation parisienne en 3 ans, le groupe met en avant
Heads Up, jolie sortie de plus dans leur disco très homogène mais jamais trop redondante. Malgré quelques faussetés, le set fonctionne grâce toujours à une section rythmique jouissive et aux harmonies vocales de
Theresa et
Emily, jamais aussi à l’aise que lorsqu’elles s’accompagnent. Un show beaucoup trop court hélas : ce qui nous poussera très vite à aller les revoir pour une date parisienne qu’on parie en janvier.
A We Love Green, Floating Points était la surprise de la journée dans une formule plus proche du post-rock que de l’électro. Ici, le set semblait plus dilué mais n’empêchait pas de frapper juste. Ce fut aussi les premiers reproches envers les lights shows totalement abusifs et stroboscopiques. Une tare qu’on retrouvera sur d’autres concerts du week-end. A éviter si vous n’êtes pas Gilbert Montagné.
On avait découvert Todd Terje lors de la cuvée 2013 du festival et le retrouver est toujours un plaisir. Fini le monde solitaire des machines, il s’est entouré des frères Olsens pour un format groupe à base de congas, batterie et guitare. Le moment totalement YOLO des 3 jours où parfois le fun a bien du mal à s’installer. De la flute, des palmiers et beaucoup de déhanchés : c’est toujours quand tu veux, Todd.
Peu de déceptions et des surprises
Même si elle n’est pas vraiment de notre répertoire, Abra a conquis l’audience par un set minimaliste mais maîtrisé. En brassière Nike et juste accompagné par des machines, elle a fait la leçon à la tête d’affiche. MIA était elle scandaleusement longue à se mettre en place, pleine d’esbrouffe et à côté de la plaque. Aucune attente de mon côté et j’ai été atterré : je n’ose pas imaginer ceux qui l’attendaient. Un rappel non désiré et une fin de set 10 minutes à l’avance finissent d’écrire le mot ESCROQUERIE en lettres capitales.
Nous n’avons jamais succombé au charme barbu de Chet Faker mais sa nouvelle formule épaulée d’un groupe est assez grotesque. Intenable et maniéré comme jamais, Nick Murphy de son vrai nom nous aura tenu 4 morceaux. A l’inverse, Mount Kimbie l’a joué sans prétention mais avec aisance pour conquérir le début de soirée vendredi. Minor Victories s’est invité dans la prog tel le mini-supergroupe qu’il est, avec discrétion. Son show n’était pas des plus démonstratifs et si musicalement la sauce prenait presque, le chant souvent à côté a fini de nous sortir de la fête. Dommage certes mais à l’image de leur disque trop peu tranché pour vraiment marquer. Entre Slowdive, Mogwai et Editors, aucun membre n’a su imposer une patte distincte et le projet semble piocher sans convaincre pleinement. En studio comme sur scène.
Beaucoup de plaisir
Si tu aimes le rock indé et lorgne vers l’électronique, le Pitchfork reste encore une fois une excellente adresse. Avec ses dates quasi-exclusives ou unique en France, le festival réussit à offrir une affiche variée et consistante. Cette année les temps morts à subir en attendant le prochain set ont été inexistants. Peut être grâce à un effort de cohérence dans le running order permettant aux groupes les plus voisins de jouer à l’affilée. Au bilan d’une édition sans fautes, on ne peut que re-signer pour la suivante.