ROCK EN SEINE ☭ JOUR 3

Avec une chaleur écrasante où l’ombre se fait rare, le dimanche est synonyme d’embouteillages avec 9 groupes à voir. Du rock sous toutes ses formes, jusqu’au finish expérimental avec Aphex Twin.

Chanter en français, mais en anglais.

Très matinal, nous nous attaquons dès 14h30 à Cannibale. Des sons psychédéliques, un groove intéressant mais un interprète ayant tendance à mettre les efforts de son groupe à plat à cause d’un chant quelconque, d’un accent anglais/français difficile à encaisser et de blagues foireuses en guise d’interludes. Dans un genre musical aussi bien représenté, c’est impossible de s’attarder. Nous ne l’aurions pas deviné mais ils sont signés chez Born Bad Records depuis 2017.

Un vrai coup de chaud.

Mini Mansions était là pour défendre Guy Walks Into A Bar…, troisième album concept autour de la naissance et la fin d’une relation amoureuse. Le trio composé entre autres du bassiste des Queens of The Stone Age est également entouré de Jon Theodore à la batterie, en studio comme en live cette année. Une coquetterie qui change absolument tout. Si on pouvait se demander ce qu’allait foutre l’ex-batteur des Mars Volta dans un groupe aussi dansant, il n’y a qu’à voir dynamiter ses fûts et apporter nettement plus de coffre à l’ensemble. Sans cannibaliser l’attention, il muscle les morceaux, permet à Mike Schuman de gesticuler dans tous les sens à la guitare et de s’appliquer au chant. Lui qui était avant limité à rester planté debout devant sa caisse claire complimente plusieurs fois le festival pour sa prog du jour et souligne son amour pour lui et la ville de Paris. Oubliant leur premier disque et se concentrant sur l’excellent The Great Pretenders, l’EP Works Every Time et leur dernier né, les Mansions ont une setlist rodée secouante et dansante. Bravant les 32 degrés et l’exposition plein soleil, ils rencontrent plusieurs problèmes techniques : les pédales à effets et les synthés surchauffent et redémarrent sous le coup de la chaleur. Pire, la batterie ne tient pas en place sous les coups de semonce de Theodore. A tel point que plusieurs roadies sont obligés de venir scotcher les éléments au sol tous les deux morceaux ! Tyler Parkford nous confiera en interview plus tard que cela arrive régulièrement et que la scène toute entière vibre à cause des coups reçus par la structure surélevant son compère. L’exercice est donc assez complexe pour les quatre potes mais rien n’entachera le plaisir que nous avons eu de les voir sous cette mouture. En terminant avec leur meilleur titre, « Honey I’m Home« , on se prend à vouloir une date en salle à Paris. Ce que Tyler n’a pas confirmé quand on lui a demandé, sans fermer la porte pour autant…

Prévenez les risques d’insolation, utilisez vos cheveux.

Gagner au Loto puis avoir Le Seum.

Petite surprise de l’an passé au Nos Alive, nous avions apprécié Two Door Cinema Club en fin de soirée sur la Main Stage. Nouvel album plus synthétique cette année et Alex Trimble a beau avoir fait l’effort de garder veste et col roulé sous cette température, ce qui se passe m’en touche une sans toucher l’autre. Habitué à des slots en soirée, TDCC assure ses tubes comme What To Know connue aussi comme la chanson Euromillions, celle qui lui ressemble et bien d’autres titres similaires. On saluera un habillage vidéo efficace mais passé la moitié, on tente le grand écart en allant voir Décibelles. Rock Français est sorti récemment, a été produit par Steve Albini et a été reçu de bons retours, sauf chez nous. Le trio s’en sort quand il évite de se la jouer crise d’ado des 30 piges, le tout chanté en français par un mix schizophrène d’une voix très vénère et d’une autre presque enfantine. Dommage que leur premier disque Tight ne soit pas mieux produit car les chansons y étaient plus speeds et variées. « Le Seum » termine le set, les paroles font rire ceux qui ne la connaissent pas et on ressort plutôt convaincus même si la formule très répétitive a ses limites sur la longueur.

La révélation de la journée.

Nous voyons quelques titres de Sam le bien nommé Fender avant de filer en courant à l’interview de Mini Mansions avec Tyler Parkford. Un retour en courant 30 minutes plus tard pour assister à The Murder Capital qui ouvre sur l’intro de l’album For Everything. Très vite le public se montre captivé et patient devant les pauses et poses du groupe, semblant à l’étroit sur cette scène Firestone en carton pâte. James McGovern nous avait déjà rendu perplexe par son attitude à la Boule Noire : ça fume une clope, regarde ses potes du premier rang, se coiffe la mèche qu’il n’a pas, ça se touche quoi. Et puis, encore un qui nous demande de nous asseoir ! Au vu de leur style vestimentaire et capillaire, on s’attend à ce qu’ils nous gueulent à chaque instant : We Are The Fucking Peaky Blinders! Il ne fait pas de doutes que le groupe a marqué les esprits lors de son concert avec un son énorme, des riffs référencés mais ayant fait leurs preuves, un bassiste drôle à regarder et un set solide. Pour autant, on a parfois l’impression de regarder Shame sans le même don à savoir marier âpreté, honnêteté et interprétation habitée.

Définitivement royal.

Deerhunter a déjà pris la scène Cascade et interprète les meilleurs titres d’Halcyon Digest en version rallongée. Hélas, on se contentera de la moitié avant de filer choper une bonne place pour l’orage Royal Blood. Bradford Cox et sa troupe revient heureusement au Trabendo le 12 novembre. Deuxième passage à Saint-Cloud pour Ben Thatcher et Mike Kerr après une introduction pleine à craquer en 2014 avant la sortie du premier disque sur l’ancienne scène du Bosquet supprimée cette année. La fosse les acclame, ils débarquent en force tranquille le smile en étendard et comme prévu, cassent absolument tout sur leur passage. C’est simple : je ne connais pas un groupe ayant un tel gap entre leurs albums et leurs concerts. Passant d’un groupe férocement efficace sur disque mais rapidement anecdotique, Royal Blood est une véritable machine de guerre calibrée pour les têtes d’affiches de festivals et les stades. Tout le monde se demande comment il joue avec une basse de cette manière, pourquoi la batterie sonne aussi fort et comment ils font pour provoquer autant de bordel à 2 ? Les questions restent en suspens mais le bilan est toujours le même : les circle pits ne désemplissent pas, les cervicales sont en PLS pendant 48 heures et nous en redemanderons encore à leur prochain passage. Pour rappel, le groupe n’a que 64 minutes de musique en magasin et le troisième disque arrive tranquillement. Nous avons eu un premier extrait (« Boilermaker« ) avec 2 choristes en bonus dont la force n’avait pas de quoi jalouser ses aînées. L’avant scène aura été utilisé de nombreuses par Mike le BG, Jon Theodore aura sonné le gong et le show s’est déroulé en un clin d’oeil. Hélas, ils n’ont pas voulu joué « Hole In Your Heart » car le clavier a rendu l’âme. Dommage de ne pas la jouer vu le faible apport de l’instru sur ce titre, utilisé surtout dans l’intro. Cela n’empêchera pas ce set d’être dans le top 3 du week-end sans problème.

Définitivement trop court.

Les Foals sont en pleine bourre, pondent 2 disques cette année et fait rare ne connaissent pas de coup d’arrêt d’un point vue médiatique et public. En clôture en 2016, ils se retrouvent relégués à la Cascade pour un set plus court et blindé de monde. Un best-of piochant dans toute leur disco nous attend avec deux, trois titres de chaque avec par exemple le nouveau single Black Bull ou la classique Two Steps, Twice pour finir. Inhaler et What Went Down mettront le feu et nous rappelleront l’orgie qu’a été le Bataclan de mai dernier avec un nombre indécent de circle pit. Comme d’habitude, Spanish Sahara fait toujours son effet et sera d’ailleurs la seule représentante de Total Life Forever. Yannis Philippakis a maigri et tient toujours aussi bien la note, comparativement à une certaine époque où les faussetés étaient nombreuses et paraissaient inévitables. Pas de balade dans la fosse, quelques gentillesses envoyées au Brexit, Trump et Bolsonaro pour un chanteur qui s’était pris pour passion lors de la tournée des salles cette année de sauter des balcons. Par contre pour la troisième fois en 2 jours à Rock en Seine, il ne s’est pas retenu de nous demander de nous asseoir le con ! Comme évoqué lors de la journée précédente et au vu de l’affluence, il ne fait aucun doute que les Foals auraient pu finir la journée du samedi au lieu de se retrouver ici dans un costume clairement serré. Une grande partie du public venu du jour venu aussi pour eux boudera Aphex Twin pour voir Agar Agar ou simplement rejoindre la sortie.

https://www.youtube.com/watch?v=Gu01KqM95FI

Une pilule trop dure à avaler.

Une bière, à manger et nous voilà devant les faisceaux lumineux du baron de la drogue musicale. Patron du glitch visuel et sonore, il commence par envoyer 20 minutes de son littéralement inaudible. La sensation de se retrouver au sein d’un tecknival hard tech à tendance minimalisto-relou nous habite un temps, le cerveau arrête de comprendre, les yeux clignent, les oreilles couinent jusqu’à ce que l’improbable se produise. Les grands écrans affichaient jusque là des masques déformants sur le visage des premiers rangs. Passé cette introduction douloureuse, le son se veut déjà plus appréciable et les visuels montrent l’Equipe de France de Foot 2018, puis 98, puis un nombre croissant de personnalités françaises : de Funès, Coluche, Patrick Sébastien, Gad Elmaleh, Nabilla, Hanouna, Mélenchon, Hollande, Benalla, Hidalgo… Cette fiesta de la déformation remet une pièce dans la machine et après un éclat de rire bien gras, nous restons quasiment une demie-heure avant d’abdiquer. Cette prestation en forme d’énorme troll aura bien du amuser ses créateurs mais il n’est pas sûr qu’il en soit de même pour la plupart des spectateurs.

Welcome back Rock En Seine !

110 000 festivaliers, une affiche cohérente à la journée et un vrai bon moment passé à arpenter les scènes dans des conditions optimales : Rock en Seine a fêté son grand retour en 2019. Ce qui semble déjà un grand pas, au vu de l’édition précédente. On se posera juste la question de la disparition de la Scène du Bosquet au profit des 4 vents et de sa fontaine. Ou de ce branding indécent de Firestone avec sa scène au décorum très Hélène & Les Garçons et son arrosage de chapeaux rouges dégueulasses. A part ça, il est beau de voir que l’équipe a su revoir sa copie pour proposer une édition pouvant rivaliser avec la renommée du festival. On leur souhaite de continuer dans cette voie et on a clairement envie de connaître les prochains noms et de revenir !