Se rendre à Rock en Seine et son récent format 5 jours, c’est signer pour une fin d’été qui a des allures de rentrée rêvée. Les cartables sont encore légers, cela s’annonce pleins de grandes promesses, des bons copains sont dans la cour de récré et en plus, la météo est ensoleillée. 182 000 personnes et 92 concerts, on peut dire que cette édition record était assurément l’une des plus belles. Par son affiche pleine pour quasiment tous les goûts, une gestion des flux impeccable, une ambiance à la fois dansante et concentrée sur les concerts et l’impression d’avoir vu un sacré paquet de groupes au top de leurs formes et dans les meilleures conditions.
Un an après la journée dédiée à Billie Eilish, Rock en Seine s’allonge d’une journée et accueille Lana del Rey. Un an après un Olympia trop petit de 40000 personnes, cette seule date française de la Reine affiche complet depuis les premières semaines de son annonce. Avant elle, quelques artistes à en devenir et Pomme bien en place pour chauffer à blanc une fosse compacte et prête depuis l’ouverture des portes à en croire les fans ayant campé aux portes de Saint-Cloud la veille. Sa réputation de diva n’étant plus à faire, Lana arrive comme une fleur avec 25 minutes de retard. La crainte de voir un Oasis bis arrivé éventée, le show prend forme en une seconde et des tableaux dignes d’une comédie musicale s’enchaînent. Bien que loin, nous pensons dénombrer 3 choristes, 9 danseuses et 5 musiciens pour accompagner l’interprète et on ne sait plus où donner de la tête tellement il se passe de choses à la minute. La scénographie rappelant les années folles et l’univers de The Great Gatsby laisse la part belle aux jeux de scènes et aux chorégraphies sur deux niveaux de la cathédrale servant de scène, nous donnant l’occasion régulière de jouer à « Où est Lana ? ». N’étant pas les premiers fans de sa discographie et de son personnage, nous y allions curieux mais perplexe et ne boudons pas le plaisir : le spectacle est au rendez-vous. Elle assume son statut, la voix est clairement là et on ne s’ennuie pas. Bien que millimétré à l’américaine, le concert s’ouvre aux remerciements, à des titres de l’époque Born To Die pas forcément attendus et à quelques moments spontanés d’inquiétudes de l’artiste envers sa fosse. On y retrouve aussi ce qu’on apprécie moins dans ses chansons comme les passages à rallonge, les redondances et les baisses de rythme qu’on pourrait résumer par ce moment assis avec les choristes sur ‘did you know that there’s a tunnel behind ocean boulevard’.
Déjà venue et vue à Rock en Seine en 2014, LDR est passé de relativement agaçante à complètement fascinante. Passée top 25 des artistes les plus streamées au monde, elle assume tant bien que mal son statut, nous a réconcilié avec son personnage et rien que pour tout ça, cela place directement cette performance dans les hauteurs des 22 années du festival.
D’une prestation exceptionnelle au Casino de Paris à un Elysée Montmartre décevant, les Soulwax étaient là entre Jungle et Fred Again… et nous étions à la fois content et curieux de leur performance à venir. Sans savoir que nous allions recevoir une énorme tarte, une claque qui restera sûrement dans l’histoire du festival. Bien sûr qu’avoir 3 batteurs aide à déployer sa force de frappe mais on sentait ce soir une envie supplémentaire au sein du groupe. Une gnac qu’on aura décidé d’attribuer au fait qu’ils ont toujours eu une attache particulière à Paris avec ses SOULWAXMAS à la période de Noël et aussi à la présence sur le site des protégés Charlotte Adigéry et Bolis Pupul et à la nouvelle pousse de Gand Aili. On croit avoir eu droit à quelques nouveaux morceaux en début de set tandis que les tubes se sont enchaînés à une vitesse folle avec des basses vrombissantes, des percussions rutilantes et nos narines vibrantes devant tant de violence. Quand on se regarde la bouche ouverte et les yeux écarquillés devant ce que l’on est en train de regarder, il ne fait aucun doute sur ce qu’on en a pensé. Les nombreuses vidéos sur les réseaux tout comme les circle pits dans la fosse en fin de set l’attestent : la foule est conquise, la transe est totale, Soulwax a marqué de son empreinte cette édition et le festival en général. Un grand merci aux frères Dewaele qu’on aura revu dès le lendemain soir pour un DJ set fun et délirant via 2ManyDJ’s le lendemain.
Quoi de mieux comme combo d’enchaîner les Soulwax avec Charlotte Adigéry et Bolis Pupul ? Les deux protégés du label Deewee sont rodés à l’exercice après 3 ans de tournée quelle que soit la configuration. Comment renouveler le plaisir lorsqu’on a déjà vu la formation au moins 4 fois alternant salle et festivals ? Simplement en alliant des compos entêtantes et aliénantes, un jeu de lumière hypnotisant et surtout une sympathie déconcertante et une alchimie imparable pour ce duo. Blaguant rapidement sur l’inquiétude de se retrouver seuls face à Fred Again…, nos deux ambianceurs ont comme chaque fois envoûté la fosse à force de beats, de rires et de danses. Cette fois et comme toujours jusqu’alors, il est impossible de prendre à défaut l’artiste feel good de ces dernières années.
Une des révélations de l’année avec leur troisième album Strange Disciple, le trio de Nation of Langage s’installait sans prétention scène du Bosquet. On pourrait penser aux débuts de Depeche Mode quand on entend certaines mélodies de claviers et on apprécie les pas de danses de Richard Devaney en fond de scène. Ceux qu’on imaginent comme de grands timides ont réussi à transformer leur set en moment suspendu, à la fois face aux éléments à cause de la pluie venue en guest. Puis face à la technique qui ne les a pas épargné au bout de 20 minutes de jeu. Une performance qui nous aura donné envie de se replonger dans leur discographie alors que nous étions passé un peu à côté au moment de leur sortie.
Le plaisir d’un festival, c’est aussi se laisser porter en fin d’aprem par un groupe que l’on connait de loin et dont on a jamais pris le temps d’écouter dans le détail. C’est comme ça que les CVC nous ont séduit, prêts à chasser les nuages et à faire oublier les averses du jour. Funky, à l’aise et venu en bonus avec une cover de Modjo dans leurs valises, il est certain que les Gallois se sont faits des nouveaux potes ce samedi après-midi. Produit par le faiseur de tubes Ross Horton, leur album Get Real va clairement revenir dans nos oreilles pour prolonger l’été.
Quelques mois après leur date à l’Olympia, nous voici de nouveau devant les Ghinzu. Cette arrivée triomphale sur la B.O de Rocky, cette assurance décomplexée et ce port de la veste en cuir sous 30 degrés nous ramènent fortement au rock des années 2000. Avec un set resserré d’une heure en pleine journée, le groupe aura réussi à mettre tous les anciens dans sa poche en commençant par l’iconique ‘The Dragster Wave‘. En scène pour célébrer les 20 ans de Blow, ils en profitent pour nous glisser la tendue ‘Cold Love‘ d’un Mirror Mirror qui fête déjà ces 15 ans. Autant de temps depuis ce troisième et dernier album et il semblerait que la bande de John Stargasm soit prêt à sortir une suite. Quand ? Il faudra surveiller les prochains mois pour avoir la réponse. On les a senti contents d’être là, à l’aise et généreux en compliments encore une fois sur le public parisien, tout semble donc en bonne position pour qu’un quatrième disque se dessine…
Long time no see ! James Murphy et LCD sont en résidence depuis la fin 2021 à New-York plusieurs fois. Puis Boston, Philadelphie, Oakland, San Francisco, Londres et une autre seule date européenne en 2022 à Bilbao au BBK Festival. Trois ans se sont donc écoulés, leur album American Dream date de 2017 et nous revoici en France devant cette armada. Tel cet imparfait pont entre la sensibilité de la pop, l’énergie du rock et la danse de l’électro, LCD Soundsystem nous a offert la plus belle des clôtures de Rock en Seine depuis un bout de temps. Riches en émotions, en sautillements et en décibels, ce concert était au moins autant exceptionnel par sa rareté que par sa qualité. Etant très attaché au groupe, trancher nous est compliqué bien nous avons préféré entre l’arrivée sur ‘Get Innocuous‘, le doublé ‘New York I Love You‘ / ‘All My Friends‘ ou l’indispensable ‘Home’. Nous étions en tout cas nombreux à penser ce dimanche soir que nous avions vu le meilleur concert du week-end au meilleur moment, voire l’un des meilleurs pour longtemps. Avec LCD, il est impossible de savoir quand aura lieu la prochaine date et si c’était peut-être la dernière mais nous le garderons chèrement dans nos coeurs et dans nos têtes. Ainsi que dans nos oreilles vu la puissance des basses.
L’autre reine du week-end était sans conteste Roisin Murphy, sa voix inaltérable et son dressing XXXL. Toujours un régal de la voir pour la troisième fois cette année après l’Alexandra Palace de Londres et l’Olympia. Dans un tout autre registre, Kae Tempest et son flow ravageur a su souffler le chaud et le froid dans un set captivant et empathique. En contre-programmation de Massive Attack dont nous avons pu quand même apprécier la moitié, Vox Low a clairement emballé la foule présente sur la scène Firestone et on se fera le plaisir d’aller les soutenir au Trianon le 7 novembre en compagnie de Bracco. Tout comme c’était un plaisir de revoir The Kills malgré une taille de scène un peu grande pour leur simple duo.
Pour évoquer un bémol, on s’est par contre poliment ennuyé sur bar italia dont on ne comprend pas vraiment la hype tout comme sur le set de PJ Harvey qui hélas avait décidé de laisser trop de place à un dernier album soporiphique.