Le hip-hop prend de plus en plus de place chaque année et Run The Jewels en est le représentant pour faire le pont avec les amateurs de guitares. Tellement gros qu’ils ont leurs propre comics Marvel et leurs persos dans Gears of War 4, jeu vidéo incontournable aux US. Pourquoi ? Un son « prends ça ton gueule » encore plus prononcé que les voisins, des flows qui rebondissent littéralement l’un sur l’autre, un sens de la vanne entre les deux protagonistes et des featurings invitant Zach de la Rocha. Petit intermittent, connu pour ses chants bolchéviques au sein de Rage Against The Machine. Bref, à part être la coqueluche gangsta de Pitchfork, que nous donne ce numéro 3 ?
Anti-Climax
Sortir de RTJ 2 est difficile car l’usine à tubes fonctionnait à plein régime. Il fallait donc changer un minimum les ingrédients. Au jeu des X différences, cette cuvée est moins rentre-dedans mais encore plus oppressante. On sent que nous sommes pas là pour nous marrer et la production se veut aussi plus torturé. Les mêmes beats surbombés de basses auxquels s’ajoutent une couche de sons trafiqués qui varient d’un morceau à l’autre. Pour sûr, c’est l’album du moment pour tester les basses d’un système sonore, voire d’une saloperie de casque Beats.
Les premières écoutes décontenancent par le côté anti-climax que l’album se trimballe. « Down » est une intro plate, « Talk To Me » essaie d’envoyer la sauce mais en fait trop et on prend peur en pensant que RTJ s’est pris les pieds dans le micro. Avec quelques tours au compteur, le bilan est plus que positif : il faut reconnaître que l’héritage est là et que l’uppercut constant de 2014 complique la tâche de son successeur. Pourtant, les compères ont toujours la dalle et essaient de composer avec, en servant à la fois plus de ce qu’ils savent faire et parfois du changement.
RTJ AD LIB
Dans un album qui comprend une première partie assez faiblarde, les bons morceaux se détachent. « A Report To The Shareholders / Kill Your Masters » se tire la bourre. Légère au départ, electro post apocalyptique ensuite, elle est bicéphale par son titre et finit même par intégrer encore de la Rocha pour un semi couplet faisant tout de même pâle figure face à son précédent feat. Un cocktail faisant le pont entre RTJ 2 et 3 en quelque sorte entre les penchants bourrins de son prédécesseur et les sorties se route de sa suite. « Call Ticketron » voit Killer Mike et El P se rêver au Madison Square Garden et c’est par ce titre que le disque commence à prendre l’air. La diversité vient vraiment via « Oh Mama » où le rock s’invite via un riff incisif pour suivre avec un refrain que n’aurait pas renié MackLemore, ce qui bizarrement fonctionne très bien. « Stay Gold » tambourine les basses jusqu’à plus n’en pouvoir. Et le tout sans transition car tous les morceaux se fondent pour t’éviter tout répit.
C’est aussi le disque des invités avec 7 noms bonus au générique, avec quelques invisibles dans le lot comme Tunde Adebimpe de TV On The Radio traitée comme le pire des choristes. On reprochera globalement que le duo passe autant de temps à s’auto-citer, chose qu’il faisait déjà une dizaine de fois lors de leurs précédentes galettes : les blagues les plus longues mériteraient d’être plus courtes. Aussi, on a tendance à trouver que Killer Mike se fait rattraper par son collègue et que les moments où il essaie de prendre le dessus tombe à l’eau. Comme le dernier couplet de « Talk To Me » où il plombe un peu le morceau. Ou on vire parfois dans le mauvais putassier avec « Panther like a panther », ou le pataud pour « Thursday in the Danger Room ».
https://www.youtube.com/watch?v=lbuqo6NfVB8
Avec une quarantaine de titres au compteur, Run The Jewels ne tourne pas encore en rond. En faisant planer une atmosphère de révolte, on dirait parfois un album de The Prodigy. Ce qui en dit long sur l’effort apporté à la production et sur l’agression permanente. Le temps nous dira si il est en deçà des précédents mais en attendant, il devrait facilement faire vibrer des millions d’oreilles.