L’auto-biographie de Serj Tankian Down With The System sort aujourd’hui et comme il est d’usage, les bonnes feuilles ont été partagées à la presse.
C’est à Rolling Stone que le chanteur de System of a Down a décidé de confier l’extrait qui fera le plus parler : une page où il révèle avoir demandé à quitter le groupe et le fait que ses collègues aient dans un premier temps refusé… pour mieux le prendre au mot plus tard, sans lui en parler, mais sans succès.
Si pendant une petite dizaine d’années les fans de System of a Down s’interrogeaient sur la source du hiatus et il faut bien le dire, accusaient généralement Daron de tous les maux, le chanteur Serj Tankian avait en 2018 et à la suite de quelques sous-entendus par interviews interposées, expliqué dans un long post Facebook que oui, si SOAD ne faisait plus rien, c’était sûrement lui le responsable.
SOAD sans Serj
Dans l’extrait révélé par Rolling Stone, Serj raconte la période qui a suivi leur concert à Yerevan en 2015, où System of a Down était pour lui en pilote automatique. Il préférait alors se consacrer à ses propres projets artistiques, pour lesquels la passion était encore présente.
« Daron, Shavo et John étaient toujours en train de pousser pour qu’on en fasse plus avec Sytem of a Down. J’étais celui qui les retenait, principalement parce que je n’avais pas vraiment envie de tourner. Je n’avais jamais aimé la vie sur la route auparavant, et maintenant j’avais une femme et un enfant qui m’attendaient à la maison. Comme pour empirer les choses, je m’étais bien niqué le dos sur la tournée européenne de 2017. Après un vol mouvementé et je ne sais combien de lits d’hôtels, je me suis réveillé un matin en Belgique en agonie, à peine capable de marcher. J’ai vu un chiropracteur backstage qui s’est occupé de moi un moment, mais j’ai du tenir avec du baume du tigre pour le reste de la tournée. Même une fois rentré j’ai dû souffrir pendant trois ou quatre mois. Mon dos n’a plus jamais été le même depuis, et les voyages qu’impliquent les tournées semblent empirer la situation.
Même à l’époque où le groupe composait encore je n’appréciais pas le mode de vie que nous avions en tant qu’artiste de major. On passait généralement six mois à écrire, six mois à enregistrer puis deux à trois ans à tourner et faire de la promo. Ce qui veut dire que deux tiers à trois quarts de ton temps d’artiste signé est passé à faire des choses qui ne semblent pas véritablement artistiquement épanouissantes ou créatives.
La réponse évidente à cela est que si tu as du succès tu es payé assez généreusement pour les efforts fournis. System a la chance de recevoir des royalties en vendant de la musique et ces revenus sont assez consistants. Si tu dépenses tous ces revenus, tu peux toujours remplir les coffres en tournant. Jouer live peut vite devenir un peu comme aller au distributeur de billets le plus généreux du monde.
Mais rappelez-vous : je n’ai jamais voulu devenir quelqu’un qui prenne des décision fondées sur l’argent. Je reconnais que c’est un incroyable privilège, mais je ne peux ignorer le fait que ne pas prendre des décisions conditionnées par l’argent est ce qui m’a apporté ce privilège au départ. Et il se trouve que j’arrivais assez bien à gérer mon budget de toute façon et que l’attrait financier des tournées ne contrebalançait jamais tous leurs aspects négatifs. Je n’ai jamais fait de compromis avec la musique, alors pourquoi commencer maintenant ?
Vers fin 2017, on a eu une réunion de groupe dans les bureaux de notre manager Beno. Quand je suis arrivé, j’ai dit à tout le monde que j’avais un sujet que je voulais ajouter à l’ordre du jour. On a suivi la liste habituelle de décisions financières, puis le moment est arrivé.
« Alors, qui va organiser mon pot de départ ? Est-ce que l’un d’entre vous veut être le maître de cérémonie ? » J’ai rit un peu, mais j’était sérieux. « Regardez les gars, j’ai dit très clairement que je n’étais plus intéressé par le fait de tourner à la fois à cause de mon dos et parce que ça ne fait plus partie de ce que je recherche.
Le truc, par contre, c’est que je ne veux pas vous retenir. C’est votre rêve. C’est ce pour quoi vous avez travaillé toute votre vie. Vous le méritez. » J’ai regardé Daron, Shavo et John, sachant que ce que j’allais dire serait dur.
« Je pense que vous devriez trouver un nouveau chanteur. »
Pendant très longtemps, System of a Down c’était nous quatre. On l’a construit à partir de rien, on a livré nombre de batailles ensemble et si l’un d’entre nous partait, ce n’aurait plus été la même chose. Deux ans auparavant, j’avais même essayé de codifier ça avec un document légal qui disait que si l’un de nous devait quitter le groupe pour quelque raison que ce soit (autre que, Dieu nous en garde, mourir) les membres restants ne pourraient pas utiliser le nom du groupe sans lui. Tous les autres avaient rejeté cette idée, probablement parce qu’ils sentaient que je cherchais déjà à quitter le groupe à ce moment-là, et qu’ils n’étaient pas près à lui dire adieu. J’ai dans un premier temps été triste qu’ils ne voient pas System de la même façon que moi, mais après un moment j’ai cessé d’être dans cet état d’esprit et j’ai commencé à les voir, non comme des membres du groupe, mais comme des amis proches.
C’est toujours ce qu’ils sont pour moi. »
Un remplaçant pour Serj
« Il me semblait que la solution était de m’éloigner du groupe pour leur permettre d’y inviter un remplaçant. Je leur ai dit que j’aiderais même à entraîner le nouveau chanteur.
« Pensez-y », je leur ai dit. « On pourrait être l’unique groupe capable d’effectuer cette transition de façon amicale, où le membre du groupe qui s’en va est 100% d’accord avec la décision. Je ferai la promo et j’en parlerai positivement. Je serais clair sur le fait que je vous soutient. » Je ne pense par que les gars aient été choqués de mon annonce.
En fait, j’ai eu l’impression qu’ils l’attendaient. Ils n’ont pas rejeté l’idée directement, mais leur réponse collective à ce moment a été de me demander de ralentir un peu. Ils m’ont demandé de ne pas annoncer que je quittais le groupe. Ils m’ont promis de ne plus me forcer à tourner. Le management ne ferait que nous présenter les offres quand elles arriveraient. Si je disais oui, on les ferait. Si je disais non, on ne les ferait pas. Fin de l’histoire.
Et ça me semblait suffisamment raisonnable.
J’ai en quelque sorte pensé qu’ils avaient oublié l’idée d’embaucher un nouveau chanteur, mais à peu près un an plus tard, John, Shavo et moi étions à une levée de fonds à Glendale, et ce chanteur que je connaissais s’est levé et a chanté cette magnifique chanson arménienne. Shavo était assis à côté de moi à la table. Il s’est penché vers moi et m’a tapé l’épaule.
« Au fait », en désignant le chanteur, « on a fait passer des essais à ce gars comme chanteur. Le seul problème c’est qu’il ne pouvait pas crier ou growl. »
Je suis resté décontenancé. Pas qu’ils aient fait passer des auditions, mais qu’ils l’aient fait en secret.
« Pourquoi vous ne m’en avez pas parlé ? » j’ai murmuré. Shavo a haussé les épaules : « Je sais pas. »
Je me suis tourné vers Shavo et je l’ai regardé en face : « écoute, c’est un bon chanteur. Je peux littéralement l’emmener sur le parking là tout de suite et lui apprendre à growl. Tu devrais vraiment penser à lui comme remplaçant. »
Down With The System
L’autobiographie de Serj Tankian sort aujourd’hui en V.O. chez Hachette Books et le 5 juin en français chez Nouveau Monde Éditions.
L’extrait complet est dispo sur le site de Rolling Stone.