The Armed avait levé plus d’un sourcil avec Ultrapop en 2021. Une curiosité folle qui donnait envie de creuser à travers son épais volume sonore et son imagerie tout en couleurs et mystères. Passé d’un collectif dont on ne connaissait pas les membres, ce nouvel objet les place en tant qu’auto-proclamé « meilleur groupe de rock du monde ». A l’écoute, que penser de cette déclaration et de la transformation qui va avec ?
The Strokes, sous stéroïdes ?
Dès les premières secondes, ‘Sport of Measure‘ nous accueille avec un flow ralenti. On vérifie le casting du disque, Julian Casablancas n’est pourtant pas en featuring. Nous sommes loin du glitch sonore et de l’agression quasi permanente et caractérisée qui nous prenait à la gorge deux ans auparavant. Attention : double pédale et riffs incisifs nous attendent dès le single évident qu’est ‘FKA World‘, à la fois suffisamment léché pour les radios et copieux pour les fidèles. Dans la même foulée que la percée mainstream de Turnstile, il ne fait aucun doute que ce mix diabolique que l’on remarque aussi sur ‘Clone‘ permettra aux médias américains de diffuser un rock de plus en plus violent. La recette est excessivement bien faite et réussit à mêler clins d’oeils vers les décennies 90/2000 avec une production résolument moderne aidé par un nombre délirant de guests de prestige. Notamment d’incroyables grattes offertes par Troy Van Leuween de Queens of The Stone Age. Et un invité de taille à la prod, Alan Moulder au CV impossible à rentrer sur LinkedIn avec des travaux pour NIN, The Cure, U2, Interpol, Foals, QOTSA, etc.
Ce qui donne ce constat, Perfect Saviors est totalement audible du début à la fin dès la première écoute. Là où votre serviteur a encore du mal à tenir l’intégralité d’Ultrapop sans zapper ou couiner, il y a ici ce qu’il faut de refrains accrocheurs, de guitares immédiatement addictives et de percussions ravageuses pour tenir en haleine et surtout, y revenir.
En l’état ce disque est, pour peu qu’on y succombe, un feu d’artifice délicieux mélangeant l’accrocheur de la pop, l’énergie du hardcore et des bizarreries en fond qui lui donnent un second souffle et gonflent le nombre d’écoutes. On conseille pour s’y mettre ‘Liar 2‘ qui doit être ce que les Strokes feraient s’ils sortaient aujourd’hui.
Ou The Armed à la diète ?
A la découverte des premiers singles, les anciens ont commencé à beugler: où est passé la violence et le son sans respiration de The Armed ? Récemment, seul Deafheaven et son Infinite Granite en 2020 avait entrepris pareil switch pour passer du hardcore à une musique nettement plus accesible. Un virage qui nous a plu mais qui n’est pas du goût de tout le monde. Bien sûr il y a quelques passages moins inspirés comme la mellow jazzy ‘In Heaven‘ mais c’est aussi le prix à payer dans ce genre d’entreprise. Sans compter que la ‘Public Grieving‘ qui suit sert de sortie idéale au disque. Et aujourd’hui, à quoi voir que l’on aime un album en 2023 ? Lorsqu’il y a 8 likes sur 12 sur Spotify. Une statistique parlante qui place facilement cette sortie dans nos coups de coeur de l’année. Sûrement que ‘An Iteration‘ et ‘All Futures‘ étaient plus irrésistibles mais l’effort général en fait un disque plus attachant sur la durée. Certains se demanderont si le projet n’a pas perdu de sa force, ne s’est pas dilué ou ne s’est pas perdu tout court. La qualité des compositions, de l’emballage sonore et le niveau d’exécution transpirent l’envie de bien faire et le résultat doit pousser au moins à la curiosité et à l’effort de donner une chance à cette nouvelle orientation.
Actuellement en première partie de la tournée américaine des Queens of The Stone Age en compagnie des Viagra Boys, Phantogram et Jehnny Beth, nous n’avons pas encore d’info sur d’éventuelles dates en Europe. Et c’est bien dommage car pour avoir vu la bête à Primavera Sound l’an dernier, il nous tarde de réitérer l’expérience.