On peut parfois l’oublier mais au-delà de Robert Smith, The Cure est un groupe né également d’une autre tête : celle de Lol Tolhurst. Batteur, puis clavier du groupe jusqu’à Desintegration, il fut évincé de la formation après de longues années à lutter contre l’alcoolisme. Un mal qui força le leader à lui écrire une lettre de renvoi à contre cœur après des années d’errance où son poids dans la composition ne faisait que décroître.
Le(s) verre(s) de trop.
Pour nous placer le contexte Lol nous pose les bases de son enfance et au-delà d’une histoire sur les Cure, le livre est en réalité une autobiographie de son auteur. Enfance compliquée au cours de laquelle sa mère décède avant son adolescence et où son père ancien militaire noie son passé dans la bouteille. Un refuge sera là pour trouver le salut : son amitié avec Robert Smith entouré d’un noyau familial plus conventionnel et solide.
A la centaine de pages arrive donc la naissance d’un groupe majeur de l’histoire de la musique. Fondé sur l’amour de la musique, l’envie de creuser dans les classiques mais aussi le besoin de s’échapper et de faire son « truc ».
Ce qui se passe dans le studio, y reste.
Assez drôle d’y voir la description d’un Robert Smith protecteur et bagarreur malgré visiblement une habitude à attirer les emmerdes sans même les chercher. Habitué à tourner dans des clubs punks et entouré d’une communauté de fans skinheads ayant mal compris « Killing An Arab », le trio reçoit vite des bouteilles dans la gueule et prend plaisir à défendre son show quoiqu’il arrive. Un fil rouge qui revient plusieurs fois dans le livre comme ces anecdotes de concerts en Argentine qui virent à l’émeute. Ce type d’histoire est hélas assez rare et sur les 432 pages, on se demande parfois ce qu’on nous a raconté.
Les coulisses de studio et de secret de fabrication sont chiches et on a l’impression que tout se faisait si naturellement qu’il y avait peu de choses à raconter. A part que lors de la trilogie Seventeen Seconds / Faith / Pornography, ils enregistraient uniquement du soir au matin sans quasiment voir le jour. Tout en dormant dans un pub où le gérant leur laisser les clés avec pour seule mission d’écrire sur un papier ce qui avait été consommé ! Le reste est rapidement évacué et les détails se trouvent plus dans la vie de tournée où notamment la France est régulièrement citée comme lieu de villégiature entre deux tournées / albums. Reste la fois où Lol reçoit une bouteille à la gueule, va à l’hosto pour ses points de sutures et revient pour finir le concert !
Las Vegas Decrescendo
Deux paragraphes sur l’achat d’un Coca dans un distributeur de canettes à côté d’un motel. Un style ampoulé qui atteint son paroxysme lors de la dernière partie du livre où l’auteur en fait des caisses sur ses moindres faits et gestes. Le désert brûlant de la Californie le purge de son alcoolisme et il a décidé de nous le faire comprendre. De l’achat de sa canette à la discussion avec un vieillard à une simple nuit agitée : tout prend des proportions risibles. Non, ce n’est pas Las Vegas Parano 2.
Dès que le groupe est hors de l’équation, ce type de prose un peu lourde et bavarde est hélas souvent de la partie. C’est là qu’arrive un problème d’étalonnage : 120 pages sur sa propre histoire post-Cure, 140 sur sa carrière au sein du groupe. Les thèmes abordés sont assez répétitifs : son alcoolisme, l’absence et l’ivresse chronique de son père, son manque de repères et son appartenance coûte que coûte à The Cure. Aussi évoqué, l’attaque en justice du groupe par l’auteur dans les années 90 après son éviction. Procès perdu, une période de 10 ans de froid s’est terminé lors de la tournée Bloodflowers.
Si l’auteur n’a jamais existé médiatiquement que via les Cure, il se rêve parfois trop écrivain et passe un peu côté de son sujet à force de se regarder. Cependant, le livre reste incontournable pour tout amateur et fan du groupe pour son lot d’histoires vécus de l’intérieur. Au vu du peu d’infos, on peut sévèrement croiser les doigts pour une bio de Robert Smith car il en reste sacrément à raconter. Sûrement aussi car Lol n’a passé « que » 13 ans au sein d’un groupe qui en compte 41 !
Je vous laisse avec un extrait d’une émission française de 1991 de l’époque sur Presence, autre bande de Lol. L’ironie du sort veut qu’il se considère comme gentleman face à la polémique de son départ des Cure, alors qu’il attaquera le groupe quelques mois plus tard.