Ty Segall sortait son disque en janvier l’an dernier et nous refait le coup pour ouvrir 2018. 19 morceaux copieux à digérer allant de l’interlude d’une minute à une cloture pas loin du quart d’heure. A peine remis du réveillon, nous voici en présence d’un plat de résistance ressemblant plus à un buffet illimité. Entouré de son Freedom Band, Ty a décidé de montrer qu’il n’était pas là pour beurrer les sandwiches, ni pour poser du lino.
Liberté, je crie ton nom.
Attaquant par un morceau toutes guitares dehors avec « Fanny Dog« , l’affaire reprendrait presque là où Manipulator les a laissé. Et voilà que « Rain » débarque pour nous prendre par surprise avec un titre mélo aux accents épiques. « Every 1’s A Winner » débarque avec une basse prête à péter tes fenêtres et un groove à porter des pattes d’éph. Comme les excursions de son album précédent, Freedom Goblin ouvre aussi les chakras du monsieur : du disco sur « Despoiler of Cadaver« , un feat de Madame Segall vénère sur « Meaning« , du bon vieux rock old school tous riffs dehors sur l’orgiaque « She« , la saxo-tarée « Talkin 3« .
Tout ce bordel donne un côté catalogue au disque qui est censé illustrer le thème de la liberté en musique. Enregistré dans plusieurs studios américains, on a ici à boire et à manger sur les différents aspects que le bonhomme a déjà apprécié ailleurs : du gars agité au romantique le plus calme de la contrée. Dans une époque où le format album est sans cesse évoqué comme désuet, appréhender un mastodonte double album ne se fait pas sans une certaine patience. Si l’opulence des genres tend parfois au zapping, n’étant pas un grand fan de country ou de folk pur jus, elle n’a pas que des défauts. Les délires heavy, pas si nouveau pour Ty, sont très réussis comme les funky « Talkin 3 » et « The Main Pretender » portés par un saxo démoniaque et bien en avant dans le mix. C’est pourquoi on a tendance à considérer le milieu du disque comme un ventre mou avec notamment les cheesy « Cry Cry Cry » et « You Say All The Nice Things« .
A force de multiplier les efforts, il est louable et admirable que le bonhomme ne sombre pas dans l’auto-référence ou dans le pillage intempestif de ses héros. En construisant lui-même sa légende à coups de morceaux jouissifs comme peu de ses collègues peuvent en composer, Ty Segall réussit encore ici à nous intriguer, nous captiver dans l’ensemble sans oublier de nous claquer 2/3 mandales dans la gueule. Bien loin d’Emotional Mugger, il abrite tous ses délires sous un même toît et il faut avouer que parfois la maison déborde d’invités. Nous ferons donc notre marché et enlèverons les quelques titres en trop selon nous pour nous concentrer sur ce qui est un joli monument encore une fois du rock actuel. Il suffit de se plonger dans la gargantuesque « And Goodnight » mélangeant balade, solos de guitares, jams pour douze minutes de plaisir incompressibles.
Si tu n’as jamais vu la bête en live et en salle, nous te conseillons ardemment la date du Bataclan le 14 Juin. Et le monsieur passe normalement à Lille et en Belgique donc tu n’as pas d’excuses pour rater cette machine à remonter le temps et les riffs.