The Black Keys – El Camino

Un peu partout sur la toile, ceux pour qui le succès est forcément synonyme de compromission et baissage de froc hurlent. Les Black Keys ont viré commerciaux et ne sont plus indés. « C’est bien mais attention » lit-on ici et là… Attention à quoi au juste ? A la tendance naturelle du groupe depuis quelques années à aller vers des choses plus mélodiques ? D’ailleurs n’est ce pas une tendance de 99% des groupes que celle-ci ? Et en y pensant bien n’est-ce pas là le lot de tout le monde de ne plus vouloir à 30 ans les mêmes choses qu’à 20 ans ? Que veulent les Black Keys aujourd’hui ? Faire ce qu’ils veulent à savoir sortir El Camino, disque court et nerveux moins de 18mois après la caverne d’Ali Baba soul blues pop de Brothers, un de ces disques dans lesquels on peut vivre pendant des mois et qu’on n’a toujours pas fini d’explorer. Bonne idée que ce El Camino qu’on a instinctivement envie de lier à deux groupes : Queens of the Stone Age et White Stripes. Ces derniers, habituelle comparaison glandeuse parce que deux duos (à ce moment là il faut uniquement comparer les Pumpkins aux Pixies : quatuor, chanteur rondouillard, asiatique à la guitare, fille à la basse…), comparaison reprise ici car en plus de partager des premières lettres similaires, il y a une efficacité dans El Camino qui rappelle Elephant. Même envie de faire simple, d’aller droit au but sur des formats courts et pop. Tube en ouverture (Lonely boy), moment de bravoure en quatrième position avec un Little black submarine qui fait bander ceux pour qui la (ici, fausse) complexité est supérieure à l’efficacité. Comme chez l’album tubesque de Jack White, tout ou presque fait figure de single viable sauf que les Black Keys ont la bonne idée de ne pas faire de ballade sur El Camino, uniquement du rollercoaster. Et c’est là que le disque frappe très fort. Après 5 ou 6 chansons en forme de loopings, le groupe ne cherche pas la démesure et enchaine lors de la solide deuxième moitié du disque sur des chansons plus groovy, plus soul mais tout aussi catchy (Sister, Stop stop, le génial Run right back), les Black Keys étant un des rares groupes blancs actuels ayant de l’ADN noir en lui. El Camino tient la route -à peine une petite baisse de régime sur Hell of a season– sur la distance et c’est ici qu’on tient peut être ce qu’on aurait adoré que Queens of the Stone Age devienne : un groupe rock, groovy, pop, soul, décomplexé, du rythme pour se trémousser, des riffs pour jouer au guitar hero, du clavier tour à tour sexy et rigolo, des refrains à chanter poing levé et qui a du succès. Qui pourra résister à ça ?