Il paraît que Mudhoney, c’est chouette. En effet le groupe est redevenu cool aux alentours de 2006/2008, sans que l’on sache vraiment pourquoi, comme pas mal d’autres laissés pour compte des 90’s. Ainsi en ont décidé les rock critics. Spéciale dédicace de Mark Arm à ces derniers sur l’hilarant Chardonnay: Get the fuck out of my backstage !. Il le sait, il n’y aura pas de miracle. Pas de retour de fortune qui puisse rendre à ces ex-enfants prodiges de Seattle la gloire qu’ils ont frôlée il y a 25 ans avant de passer leur carrière à ramer loin derrière les promus de la classe grunge. Pour un groupe qui était au bon endroit au bon moment et qui a mis le feu aux poudres, on peut dire que les choses auraient pu mieux tourner. Mais la chance a souri à d’autres. Curieux dans la mesure où Mudhoney est de loin le groupe le moins terne et dépressif de toute la vague grunge. Aujourd’hui encore c’est une bande de joyeux drilles délurés qui font ça pour le fun en parallèle avec leurs boulots. Le bassiste est infirmier, le chanteur bosse dans l’entrepôt de Sub Pop.
Éclaircissons le thème une fois pour toutes : oui, Mudhoney a inventé le grunge, mais surtout dans la mesure où Mark Arm a été le premier à utiliser le mot dans les années 80 pour décrire le style de sa musique. Musicalement, le très culte single Touch Me I’m Sick et le non moins classique EP Superfuzz Bigmuff de 1988 représentent ce qui s’approche le plus du premier vrai manifesto grunge en terme d’influence directe sur toute une génération. Mais ce serait très réducteur de considérer les premières recrues du label Sub Pop comme les uniques responsables du mouvement. Par la suite le terme a de toute façon été repris par les médias pour vendre un peu tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi, dans l’ensemble.
Ainsi, pas besoin d’une chronique mielleuse pour se dédouaner d’un hommage de toute façon bien trop tardif comme le font la plupart des gazettes en ce moment. Vanishing Point n’est ni le meilleur disque du groupe ni très différent de ce que Mudhoney a toujours fait. On ne pourra pas non plus vendre les habituels contes de fée parlant de retour en grâce ou de résurrection: il n’y a jamais eu de split, aucun mort à déplorer, pas de success story et de déchéance postérieure. Juste un groupe sincère, opiniâtre, rigolo et pas trop rancunier pour le coup. C’est sans doute pour cette raison que le critique en mal de phrases choc se fendra automatiquement d’un les inventeurs du grunge reviennent sans aller chercher plus loin, décorant distraitement son papier de quelques étoiles pour services rendus au rock n’ roll. Mais où se cachaient donc ces fins spécialistes de la scène de Seattle dans les années 90? Probablement trop occupés à gratter des places pour un concert de Bush, voilà où. Rien ne nous surprend plus. On vit quand même dans un monde qui a attendu presque trente ans, une reformation, dix albums et une reprise de Phoenix pour commencer à piger Dinosaur Jr. J’exagère à peine.
Vanishing Point est le neuvième album studio de Mudhoney, dans la continuité du légèrement supérieur The Lucky Ones de 2008. On sait à qui l’on a à faire dès l’ouverture tendue et musclée de Slipping Away, suivie d’un vicelard I Like It Small qui résume à la fois tout le savoir-faire musical des américains et leur philosophie d’outsiders: Minimal production, low yields, intimate settings, limited appeal clame le slogan. Comme à son habitude le groupe ne se prend pas le chou avec la production mais ça poutre quand même, de façon bravache et bordélique. Les vétérans jouent fort et fort bien, avec un Steve Turner très inspiré côté guitare et un Dan Peters souverain à la batterie. Le son et la ferveur du groupe n’ont pas pris une ride depuis 1988 et les influences restent les mêmes: l’explosivité des Stooges et du MC5 combinée à des leads écorchées à la Neil Young sur fond de garage psyché des années 60-70, avec en prime une bonne dose de punk et un chanteur improbable qui aboie, gémit, hurle et grogne comme un roquet en chaleur. On ne trouve plus beaucoup de chanteurs capables de balancer du Oh baby baby oh baby yeah! sans se couvrir de ridicule. Ça, c’est le style Mudhoney, appelez ça grunge ou ce que vous voudrez mais ça n’a jamais changé et on peut le dire, c’est toujours aussi attachant.