Sur Phosphene Dream, les Black Angels ont tout : les chansons, le son, l’attitude. Cette conclusion sans équivoque de TGC ne nous avait pas échappé à l’époque du troisième album des texans. C’est un groupe inspiré et en pleine progression que l’on avait découvert en 2010 avec ce superbe disque, dont les Bad Vibrations continuent de se rappeler à notre bon souvenir quand une bonne tranche de rock n’ roll à l’ancienne vient à propos. Un vrai bel hommage au psychédélisme sombre et menaçant des années 60, baignant dans les meilleures influences garage et pop de l’ère flower power, du Velvet Underground aux Beach Boys en passant par tous les habituels protagonistes des compilations Nuggets.
Des chansons, du son, de l’attitude. De ces trois éléments fondamentaux les Black Angels n’ont hélas gardé que les deux derniers pour Indigo Meadow, empilant leurs trois ou quatre meilleurs titres en début d’album avant d’aligner une longue série de morceaux plutôt quelconques. Et pourtant l’intention de continuer à évoluer vers une approche plus immédiate est évidente, comme sur l’album précédent mais avec beaucoup moins de réussite.
Si le groupe avait eu la bonne idée de densifier le son et de muscler la production sur le souvent trippant Phosphene Dream, Indigo Meadow abandonne la réverb’ et l’expansivité sonique pour un résultat a priori plus sec et mordant. Les titres sont nettement plus concis, mais malheureusement moins inventifs. On savait les anges noirs capables de torcher des petites perles garage pop immaculées sur la base d’excellents titres comme Sunday Afternoon et Telephone. En revanche on ne se doutait pas qu’en tentant d’exploiter cette formule sur un album entier le groupe se montrerait si peu remarquable. Meilleur exemple: You’re Mine, placé en bout de course, qui tente vainement de refaire le coup de Telephone sur l’album précédent. Les Black Angels sont rejoints par le peloton de pasticheurs du rock psyché vintage. Par moments on ne sait plus très bien si l’on écoute Wooden Shjips, The Warlocks, Black Mountain, ou n’importe quel autre rebelle du club de motocyclette.
Le manque de personnalité est criant, mais l’exécution reste très correcte. Nos playlists accueilleront donc avec bienveillance quelques rares réussites comme la chanson-titre, le très fun single Don’t Play With Guns ou encore l’anodin mais sympathique The Day, qui fait un peu penser à Syd Barrett. On retient aussi le final simple mais hypnotique de Black isn’t Black qui clôt l’album et nous sort de l’ennui le temps de quelques mesures. Presque partout ailleurs les compos sont désespérément piétonnières et convenues. Pas dépourvues de groove et de savoir-faire, mais bien trop ordinaires. L’enchainement des 5 titres de Love Me Forever à I Hear Colors (Chromaesthesia) est particulièrement oubliable, plombé encore un peu plus par l’emphase vocale et la théâtralité parfois irritante d’Alex Maas. Beaucoup de style et de maniérismes à la mate un peu ce riff des Yardbirds ou t’as vu comment j’imite trop bien Ray Manzarek? mais contrairement à Phosphene Dream, peu de substance et de chansons à la hauteur.
Difficile de dire si le départ d’un des membres des Black Angels est à l’origine de ce coup pour rien, mais depuis cette tribune on somme le groupe de réagir illico et de ne pas se laisser entraîner sur la pente vicieuse qui mène un bon groupe de rock rétro à l’état de parodie ambulante. Indigo Meadow n’est certes pas le pire album du genre, mais entre les innombrables groupes intéressants ayant posé les bases du psych-rock et leur armée de descendants, on aura vite fait de zapper les tâcherons.